Cité de la gastronomie à Dijon : les yeux plus gros que le ventre ?
Trois entités en redressement judiciaire, un hôtel en liquidation, une fréquentation décevante : la Cité de la gastronomie et du vin de Dijon inaugurée il y a trois aurait-elle eu les yeux plus gros que le ventre ?
Depuis son inauguration en 2022, la Cité de la gastronomie et du vin de Dijon (CIGV) fait débat. Parfois critiqué pour sa démesure, le site se trouve aujourd’hui en difficulté. « Nous n’avons pas la folie des grandeurs. Un million de visiteurs, c’est un objectif tout à fait atteignable », assurait le socialiste François Rebsamen, alors maire de Dijon et actuel ministre de l’Aménagement du territoire, en inaugurant, le 6 mai 2022, la CIGV.
Véritable temple du bien manger, cet ensemble de musées, boutiques et restaurants se fait fort d’être l’ambassadeur du « repas à la française », tel qu’inscrit au patrimoine de l’Humanité en 2010. Dans la foulée de cette reconnaissance, l’ancien président socialiste François Hollande avait lancé la création de quatre cités.
830 000 visiteurs en 2024
Aucune n’a trouvé son public. Lyon a fermé en 2020, avant de rouvrir sous une forme diminuée puis, finalement, d’être réservé aux événements privés. Tours s’est mué en « centre culturel et scientifique »; et Paris-Rungis, prévu pour 2024, a été à nouveau reporté à 2027. Dijon promettait de faire mieux, malgré les craintes d’indigestion suscitées par l’ampleur du projet, d’un coût de 250 millions d’euros, financé à 90% par le privé.
Mais en 2024, seuls 830 000 visiteurs ont franchi les portes de la Cité. Un chiffre qui comptabilise de plus les passants qui ne font que traverser le site pour rejoindre leurs logements situés alentour, sans consommer ni visiter. « La Cité, c’est un projet très compromis », tranche le LR Emmanuel Bichot, déjà en campagne pour les prochaines municipales face à la mairie socialiste.
« On nous avait dit : il faut trois ans. On y est et ça ne décolle toujours pas. Çaplonge », assure le conseiller municipal. Le 1er avril dernier, le restaurant gastronomique, un bistrot et la Cave, fer de lance œnologique de la Cité avec plus de 3 000 références de vin, ont été placés en redressement judiciaire. Les trois structures sont incapables de faire face à leurs loyers.
« Le concept de la Cité, on y croit »
« On a volontairement demandé cette procédure pour renégocier nos loyers qui ne sont absolument pas tenables car basés sur des projections trois fois supérieures à ce que prévu », explique Julien Bernard, président d’Epicure, société qui chapeaute les entités concernées. « Mais nos établissements sont rentables et le chiffre d’affaires a progressé de 15% depuis le début d’année » par rapport à la même période de l’an dernier.
« Le concept de la Cité, on y croit. La preuve : on investit 500 000 euros », notamment pour l’installation d’un nouveau chef afin de viser une étoile Michelin. Les déboires d’Epicure s’ajoutent à la liquidation judiciaire de l’hôtel de luxe, dont les travaux étaient quasi-achevés. « On n’est pas responsable de la partie privée », répond la maire Nathalie Koenders. Les parties publiques (le musée et le centre d’architecture), « elles, marchent très bien, avec quelque 120 000 visiteurs en 2024 », assure la maire. Qui annonce cependant une série de mesures de relance, notamment la prochaine gratuité des expositions permanentes.
Un « concept fourre-tout »
Au Village gastronomique, qui regroupe les boutiques et bistrots de la CIGV, on plaide la patience. « Rome ne s’est pas faite en un jour », rappelle Richard Viemont, directeur général du village. Après beaucoup de tâtonnements et la valse des responsables – Richard Viemont est le quatrième en trois ans -, l’offre, d’abord faite d’épiceries fines à la qualité – et donc aux prix – élevés, a été « réorientée vers un service à table » abordable. « Et ça répond bien », assure-t-il. Selon lui, le chiffre d’affaires a bondi de « 14% l’an dernier » et « l’équilibre financier » a été atteint.
Mais, pour le conseiller d’opposition Emmanuel Bichot, il faut aller plus loin. « Il faut tout remettre à plat et redéfinir de manière plus modeste » la CIGV, dit-il, stigmatisant un « concept fourre-tout, avec un cinéma, des boutiques, des logements sociaux… Il faut remettre de la gastronomie dans la Cité et non de la Cité dans la gastronomie. »