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A World For Travel : « Il faut apporter du fond et du concret aux 5 engagements »

Quelle est la feuille de route des organisateurs du forum A Word For Travel ? 20 jours après la tenue de l’événement, nous avons interrogé Christian Delom, secrétaire général d’A World For Travel, et Bruno Despujol, associé au cabinet de conseil Oliver Wyman.

L’Echo touristique : La première édition du forum A World For Travel* s’est tenue les 16 et 17 septembre, à Evora, au Portugal. Pouvez-vous nous rappeler son ambition première ?

Christian Delom : L’ambition première, c’était de rassembler tous les acteurs (privés, publics, associatifs, universitaires, …) autour d’un même sujet de réflexion : celui de la transformation durable du tourisme. C’est la première fois qu’une initiative de ce genre mobilise, dès le départ, toutes les parties prenantes. Notre objectif, c’est de susciter une réflexion collective qui amène à diriger le tourisme vers un modèle plus durable en gommant les nombreux défauts de cette industrie. Je pense que nous avons réussi à l’atteindre : la mobilisation, qui nous semble naturelle, nous a tout de même surpris. Nous avions par exemple 54 nationalités différentes en physique, et 80 sur les différents streaming du forum. On sent qu’il se passe quelque chose.

Les débats ont débouché sur la définition de 5 engagements prioritaires. Qui les prend ?

Christian Delom : En tant qu’organisateurs du forum, nous nous engageons à faire en sorte que l’ensemble des partenaires présents, et toute l’industrie en général, prennent le chemin de ces cinq actes fondateurs. Nous serons exigeants. Nous définirons, cette année, les moyens et les outils (enquêtes, baromètres, …) qui nous permettront d’assurer le suivi de chacun de ces engagements. Pour l’édition 2022 d’A World for Travel, nous ferons un bilan très concret des initiatives mises en place, des progrès effectués. Il y aura des restitutions, tout au long de l’année, de la progression de notre travail. Ces cinq engagements ont été écrits en temps réel, en tenant compte des échanges observés pendant le forum. Désormais, il va falloir qu’on les travaille, qu’on y apporte du fond et du concret. 

Bruno Despujol : A ce stade, il s’agit plutôt d’une feuille de route. Il est impossible, encore plus avec le contexte pandémique, de changer brusquement toute une industrie qui est déjà en retard. Beaucoup d’initiatives naissent, mais elles ne sont pas à la hauteur des enjeux. Certains petits acteurs isolés ont également du mal à se mobiliser. Ces cinq engagements sont faits pour ça : pour accompagner l’industrie dans sa transformation. Sur un sujet compliqué comme celui-ci, il faut savoir faire preuve de pédagogie pour engager et embarquer tout le monde avec soi. Mais nous ne partons pas à l’aventure : nous avons des idées, des outils statistiques, etc. Nous allons mettre en place tous ces indicateurs car il ne faut pas agir dans 10 ans, il faut agir maintenant.

Pourquoi ne pas avoir proposé la signature d’une charte, par exemple, aux participants du forum ?

Bruno Despujol : Parce qu’il est impossible d’écouter les gens sur un sujet si crucial et de réfléchir en même temps. Notre idée, c’était vraiment que les 5 propositions proviennent des 30 sessions d’échange que nous avons organisées. L’engagement qui porte sur l’inclusion des communautés locales, par exemple, découle directement des débats, puisque la thématique a largement été évoquée pendant les échanges. Nous nous sommes donc concentrés sur les prises de position des uns et des autres pour définir ces cinq engagements. Nous ne considérons pas ce forum comme quelque chose de ponctuel. Il s’agissait d’un premier rendez-vous, fondateur, pendant lequel nous avons fait une sorte de diagnostic de la situation, et fixés des premiers objectifs.

Pouvez-vous préciser chaque engagement ?

Christian Delom : En ce qui concerne la compensation carbone, nous pensons qu’il s’agit de la solution la plus immédiate, pour les entreprises, d’entrer dans une phase de décarbonation.  Actuellement, environ 10% des entreprise seulement offrent la possibilité aux clients de compenser leur empreinte carbone de leur voyage. C’est trop peu, et nous devons imaginer des solutions à proposer à l’industrie, faire de la pédagogie.

Bruno Despujol : Nous savons bien que, dans un an, nous n’aurons pas 100% des entreprises qui joueront le jeu avec une offre de compensation. Mais nous nous devons d’influencer l’industrie. C’est un travail de longue haleine. Concernant l’engagement de la réduction de l’empreinte carbone, la première étape, c’est d’établir un diagnostic. C’est ce que nous ferons cette année : nous allons mesurer ce que tout ça pèse concrètement, car il n’y aucune statistique, ou presque. Nous allons également faire l’état des lieux des initiatives déjà prises, jusqu’à quelle profondeur elles vont.

Christian Delom : Et nous ferons la même chose concernant les investissements, sur lesquels porte le troisième engagement. Il sera facile, grâce aux indicateurs de la Banque mondiale par exemple, de savoir quels sont les pays qui investissent le mieux dans la transformation de leur tourisme.

Bruno Despujol : Là encore, il faut faire beaucoup de pédagogie. Certains pays n’investissent plus du tout dans le tourisme, qui est pourtant source d’emploi non-délocalisables. Nous devons expliquer à quel point ces investissements « verts » peuvent être vertueux. Il y a beaucoup de choses à faire dans l’hôtellerie, par exemple. Nous devons accompagner les acteurs de l’industrie sur cette voie-là aussi.

Christian Delom : En ce qui concerne les deux derniers engagements (trouver des solutions avec les populations locales et renforcer le rôle des fournisseurs, NDLR), nous devrons tout simplement nous assurer que les communautés visitées soient associées à la co-construction de l’offre touristique. Les choses ne peuvent plus se faire sans eux, d’autant plus que c’est un facteur très valorisé de la part des touristes, qui veulent avoir un impact positif sur les lieux et les populations qu’ils visitent. Et les fournisseurs locaux, eux, doivent faire partie intégrante de la chaîne de valeur touristique, et être privilégiés par les acteurs de l’industrie.

C’est un programme très ambitieux.

Bruno Despujol : Nous en sommes conscients, mais il faut bien commencer quelque part. Nous savons bien qu’il n’y a pas de solution miracle. C’est un chemin qui s’étire sur plusieurs années, et qui est à la fois difficile et exigeant. Mais c’est une urgence indispensable : les entreprises doivent profiter de la pandémie pour se relever en transformant leur organisation.

Le forum a-t-il été exemplaire, en termes de compensation par exemple ?

Christian Delom : Nous avons tout fait pour être les plus responsables possible. Nous avons par exemple planté une forêt urbaine de 140 arbres, en partenariat avec la ville d’Evora. L’idée, c’était de rendre quelque chose aux habitants qui nous ont reçu pour le forum. Nous avions aussi dans le décor, dans la scénographie, de nombreux éléments réalisés avec des matériaux locaux ou recyclés, que nous avons ensuite donnés, quand c’était possible, aux écoles et aux associations locales. Tout ce qui ne pouvait pas être redonné sera recyclé, à l’image de nos bouteilles d’eau, fabriquées par une société locale à partir d’un plastique végétal. Bien sûr, nous savons que tout ça ne suffira pas. Par exemple, environ 130 de nos 340 participants physiques sont venus au forum en avion. Mais nous nous engageons à compenser 100% de notre impact dès la prochaine édition, en 2022. Nous espérons également que certains participants ont compensé leur déplacement via l’achat de droits à compenser. C’est aussi un état d’esprit individuel que nous voulons diffuser. Nous mettrons davantage l’accent sur cet aspect l’année prochaine.

Quelles sont les prochaines étapes jusqu’à la prochaine édition ?

Bruno Despujol : Comme nous l’avons évoqué auparavant, nous devons désormais mettre au point une méthode. Ça sera l’objet principal de notre travail. Nous allons également rendre visite à tous les officiels, toutes les entreprises et toutes les associations qui ont participé au forum, pour les convaincre d’adhérer aux cinq engagements que nous avons définis collectivement. Et nous rendrons compte régulièrement de l’avancée de nos travaux. A World For Travel, c’est un mouvement lent, nous le savons. Et nous veillerons avec pugnacité qu’il suit bien son cours.

Pour retrouver tous les replays de la première édition d’A World for Travel, cliquez ici.

*organisé par Eventiz Media Group, maison mère de L’Echo touristique

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