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Voyages désorganisés

Toujours en train de parcourir la planète harnaché de ses trois minicaméras, il est à sa façon un professionnel du voyage… Mais sa conception de l'organisation donnerait des sueurs froides à plus d'un TO. « Quand rien n'est prévu, tout est possible », c'est un peu la devise d'Antoine de Maximy et aussi ce qui fait tout le sel de sa série culte J&#3

  • L’Écho touristique : Déjà onze ans que vous vous invitez chez les gens un peu partout dans le monde. Vous sortez aujourd’hui le tome 2 de vos aventures, comment est née l’émission ?

Antoine de Maximy : Elle a mûri pendant des années, j’en avais plus ou moins conscience, finalement le concept est sorti en quelques minutes, en discutant avec un copain. Cela faisait un moment que je voulais faire des portraits de gens « normaux », mais ça, c’est totalement invendable à la télé ! Ça faisait longtemps aussi que lorsque je passais sur une piste, en Afrique par exemple, que je voyais un petit village avec des vieux, des gamins qui jouaient, j’avais envie de m’y arrêter, d’y rester, y aller, une quinzaine de jours. Mais ce sont des choses que l’on ne fait jamais ! Et c’est exactement ce que je voulais faire : aller dans des endroits où l’on ne va jamais. Parce que quand tu t’arrêtes quinze jours quelque part au début, on te regarde un peu de travers. Au bout de deux ou trois jours, les rapports deviennent un peu plus francs, et après tu fais partie de la famille ! Quinze jours, c’est beaucoup dans un endroit où normalement on ne s’arrête jamais.

  • Bien avant Couchsurfing et Airbnb, l’idée de dormir chez les gens vous vient en fait de votre enfance…

Oui, je savais qu’on pouvait aller chez les gens, parce que quand j’étais gamin, mon père ramenait régulièrement des voyageurs qu’il avait trouvés comme ça, dans la rue, et qui dormaient à la maison. Je me souviens d’un Américain qui faisait le tour d’Europe avec son sac à dos. Mes parents étaient peintres, nous habitions dans un appartement de 200 ou 300 m2 dans Paris, à l’époque où ça ne coûtait rien, nous n’avions pas de meubles parce que mon père s’était tout fait saisir, il avait voulu se lancer dans les affaires, mais il était très mauvais pour ça ! Ces invités dormaient donc par terre, ils restaient quelques jours parfois ils repassaient, après des années… Ça arrivait souvent. L’idée qu’on pouvait faire ce genre de choses m’est restée. (…)

  • Vous avez déjà enregistré 46 épisodes de J’irai dormir chez vous. Comment choisissez-vous les destinations ?

Complètement selon mes envies ! Au début, j’ai choisi les destinations de manière à montrer le plus vite possible que le concept de l’émission méritait d’être décliné. Au départ les gens n’y croyaient pas. Mais dès le début, j’ai pressenti que d’un épisode à l’autre, ça allait être très différent. Et puis j’ai choisi les extrêmes. Le premier épisode a été tourné au Mali : pays chaud, pauvre, exotique, où on parlait français. Deuxième voyage : Québec : pays froid, riche, pas exotique pour un sous, où on parlait français aussi. (…) Je pensais qu’avec la barrière de la langue, on toucherait aux limites du programme mais pas du tout ! Au contraire ! Ce qui est intéressant, c’est justement cette volonté de deux personnes qui essayent de communiquer, filmée de manière totalement objective. (…) Ça, on ne l’avait jamais vu !

  • Ce qui ne va toutefois pas sans quelques moments de doute, voire de grands moments de solitude…

Oui. Pour le troisième épisode, je suis parti au Japon. J’ai cru avoir fait l’erreur de ma vie. Je ne comprenais rien, je n’arrivais pas à échanger, j’étais comme un pauvre type perdu. Lost in Translation ! Sauf que comme je suis quelqu’un de bosseur et de très discipliné, tous les matins, je regardais les images. Et au lieu de découvrir un truc creux, je voyais quelque chose de très drôle ! Ça m’a conforté dans mon envie de continuer, et surtout d’aller beaucoup plus loin. J’ai commencé à taquiner les Japonais, ils ne comprenaient pas, mais je voyais bien que ça faisait de bonnes séquences ! Finalement le Japon c’est un des épisodes les plus drôles de la série.

  • C’est ce qui ressort de votre livre, on y mesure ce travail permanent. En regardant l’émission, tout semble très spontané, mais en réalité, vous êtes sans cesse en train de penser à la façon dont l’épisode va se construire, au rendu des séquences… C’est un sacré exercice !

Totalement. Le plus difficile, c’est de conserver l’énergie pendant quinze jours, en gérant tout. Simultanément, je pense au cadre, je me demande s’il n’y a pas trop de bruit, de vent, si j’ai de quoi faire ma séquence, si j’ai un début, comment je vais finir, est-ce que ce type-là n’est pas en train de me préparer un coup… Et en plus de tout ça, il faut que je me rende suffisamment sympathique et drôle pour que les gens m’invitent à dormir chez eux ! Il faut faire tout ça la journée, et le matin, je dois regarder toutes les images et taper le dérushage papier. Effectivement, on ne s’en rend pas du tout compte quand on voit la légèreté du sujet mais ça, ça doit être parce que je dois être un peu « schizophrène » !

  • J’irai dormir chez vous est une émission qui revendique sa subjectivité, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas des choix à faire dans ce que l’on montre ou pas d’un pays. Quelle est la part d’autocensure ?

Déjà il n’y en a pas beaucoup, et ensuite, elle n’est pas du tout là où on le croit. L’autocensure que je peux pratiquer, c’est de respecter les gens qui auraient pu dire trop de choses. Ceux qui m’agressent, je les montre, ils n’avaient qu’à pas le faire ! En revanche, c’est vrai qu’on se fixe beaucoup plus de limites sur l’alcool par exemple. Avant ça posait moins de problèmes. Quand on revoit ce que j’ai fait passer dans l’épisode Corée du Sud, où je termine totalement ivre, dans une émission de télévision dont je suis le présentateur, je dis merci France 5 d’avoir eu le courage de passer ça !(…) Je n’aime pas la période actuelle, on revient sur la liberté d’expression à grande vitesse. Je pense d’ailleurs que c’est aux minorités de la défendre. On ne dit plus rien sur rien. Il y a plein de choses qu’on a le droit d’exprimer, mais on n’ose plus le faire alors que ça fait du bien. Je pense qu’on est tous partis dans une mauvaise direction…

  • Vous montrez dans le livre que vous improvisez totalement… Il n’y a vraiment aucune préparation à vos voyages ?

Au début je préparais un petit peu mais plus maintenant. Le meilleur exemple, c’est sans doute l’épisode 25. J’étais chez mon producteur, face à la mappemonde, et je faisais le gosse de riche « Non, là je n’ai pas envie d’y aller, là j’y suis déjà allé… ». Et puis d’un coup j’ai décidé de faire quelque chose que je n’avais jamais fait, quelque chose que tout le monde rêve de faire. Je suis allé à Roissy, je me suis présenté au comptoir d’Air France, et je leur ai dit : il est 16 heures, je n’ai pas de visa, je veux partir aujourd’hui, dans un pays où je ne suis jamais allé. Et je me suis retrouvé en Grèce ! On peut difficilement improviser plus !

  • Cette improvisation permanente, c’est sans doute l’une des clés du succès de l’émission…

C’est ce que me dit mon producteur, il me dit que ce qui plaît, c’est que je fais ce que les gens n’osent pas faire. Ce n’est pourtant pas hyper dangereux, c’est simplement oser demander et ne pas respecter les codes sociaux parfois… (…) C’est très mauvais de prévoir. Quand tu marches dans la rue, si tu marches pour aller chez Joseph, tu vas chez Joseph. Si quelque chose attire ton attention, tu vas éventuellement t’arrêter. Mais si tu te promènes sans but, si tu n’as rien d’autre à faire que de regarder à droite et à gauche, alors là tu vas voir beaucoup plus de choses qui te donneront beaucoup plus envie de t’arrêter. C’est ça que je ramène dans J’irai dormir chez vous, ce n’est pas autre chose !

  • Pensez-vous que l’émission a contribué à influencer la façon dont les gens voyagent ?

Oui, parce qu’ils me le disent !

  • On constate un changement en tout cas, avec l’engouement pour le Couchsurfing ou Airbnb…

Oui et je trouve ça très bien, que ce soit avec Airbnb ou Couchsurfing, qui en plus est gratuit. Parce que justement, ce qu’a pu apporter J’irai dormir chez vous, c’est l’envie de rencontrer les gens. Avant – c’est encore souvent le cas mais moins quand même – quand les gens rentraient de voyage, ils vous parlaient des paysages, des monuments, des incontournables qui sont dans tous les guides, mais jamais des gens. Et si on leur demandait comment sont les gens, ils répondaient généralement qu’ils étaient vachement gentils, q

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