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Réussir son passage à la commission zéro

Avec la fin des commissions aériennes, le 1er avril, 25 à 30 % des agences seraient menacées de disparition si elles ne s’y préparent pas ou mal. Le point sur quelques étapes incontournables pour passer ce cap difficile.

Lors du dernier congrès du Syndicat national des agences de voyages (Snav) à Pékin, Marie-Gabrielle Salomon, PDG de Voyages Ile-de-France/Provoyages (Selectour), a fait sensation. Je suis prête à passer à la commission zéro, a-t-elle déclaré à la salle. Et de poursuivre en aparté : J’ai même commencé un peu trop tôt à m’y préparer ! Elle n’est pas la seule. Jean Ghibaudo, DG du miniréseau Aliso Voyages (Selectour), a mis en place, il y a un an déjà, des groupes de travail pour réfléchir à un nouveau modèle économique.

Ces exemples de dirigeants sont cependant loin d’être la norme et, à la veille de la réforme de leur mode de rémunération, nombre de petites agences reconnaissent être encore dans le flou le plus total quant au montant des frais de services qu’elles percevront dès le 1er avril. Il n’est heureusement pas trop tard et les agences peuvent encore, à travers quelques étapes simples, mettre en place une politique dynamique, afin d’éviter de figurer parmi les 25 à 30 % de sociétés qui pourraient mettre la clé sous la porte.

Analyser chaque activité pour connaître sa rentabilité

Première étape, l’agence doit commencer par analyser son activité (avec l’aide de son comptable) dans le détail : montant des commissions générées par la billetterie affaires (haute et basse contribution, grands comptes, PME-PMI…), par la billetterie de passage, par la revente de forfaits touristiques… Air France peut fournir certaines statistiques, notamment sur la décomposition de ce trafic. L’opération est longue et parfois rébarbative mais elle est indispensable pour connaître avec précision la rentabilité de chaque activité. Elle permet aussi de définir les charges qui pèsent sur l’entreprise pour chaque service.

Pour certains, cette analyse pointue a été l’occasion de découvrir que leur agence perdait de l’argent pour certains types d’activité, alors même qu’au global, elle affichait des bénéfices. C’est à partir de ces données que chaque agence doit établir sa grille de frais de services afin de dégager une marge suffisante, et non en calquant celle d’Air France, même si cette dernière doit servir de référant. J’ai fait mes calculs sur trois ans, en tenant compte des deux ans d’accompagnement financier proposé par Air France, et de la première année où ce sou-tien disparaîtra, précise Jean Ghibaudo.

Adapter la grille de frais à sa propre agence

La grille doit tenir compte d’autres paramètres, en particulier l’environnement de l’agence (concurrence, proximité d’un point de vente Air France, habitudes de la clientèle…). Il n’est pas interdit de mener sa petite enquête pour connaître le futur barème de frais des concurrents. On s’est fait un peu espion en se faisant passer pour des clients sur des salons et en contactant par téléphone certaines agences voisines, confie un patron. Cette grille de frais n’est d’ailleurs pas gravée dans le marbre. Un miniréseau aura tout intérêt à ajuster son barème entre ses différents points de vente, selon leurs clien- tèles et leur environnement concurrentiel. On envisage même d’adapter nos frais en fonction des contrats de chaque société, confie Christian Huot, directeur commercial du réseau Boiloris (Tourcom).

Pour aider leurs adhérents, les réseaux volontaires multiplient les initiatives. Tourcom a fait plancher une dizaine de ses agences Affaires pour définir une grille de frais type. Selectour a dévoilé la sienne en décembre. Et Afat Voyages propose, via son intranet, une matrice permettant de réaliser des simulations à partir du volume d’affaires de 2004. L’agence peut ainsi étudier si, avec une grille de frais calquée sur celle d’Air France d’abord, puis avec ses propres niveaux, elle compensera la perte de la commission. Pour les agences qui ne souhaitent pas utiliser cette matrice, jugée par certains trop compliquée, Afat Voyages proposera début mars une solution plus light, basée sur le volume de billets émis par catégories et sur le montant des commissions générées. Le réseau fournira alors à ses adhérents un système de simulation plus simple afin de définir le montant de frais à appliquer.

Cette étape peut être l’occasion d’améliorer l’organisation du travail. Nous avons uniformisé nos méthodes entre les différents points de vente du réseau. Nous n’étions jamais allés au fond des choses. L’échéance du 1er avril nous a permis de remettre tout à plat, explique Christian Huot. D’autres agences ont même jugé nécessaire de se réorienter commercialement et d’abandonner des activités identifiées comme déficitaires. Nous allons redistribuer des postes et dédier davantage de salariés au tourisme et à la vente à distance, confie Marie-Gabrielle Salomon. Pour être plus productif et compétitif, j’ai spécialisé il y a quelques mois chaque vendeur pour qu’il devienne hypercompétent sur les voyages d’affaires, le tourisme ou la billetterie de passage, complète Michèle Faure de Courtine Voyages (Afat Voyages) à Avignon.

Communiquer auprès de ses clients sur le service

Une fois la grille établie, l’étape suivante consiste à communiquer auprès des clients. Pour le voyage d’affaires, la démarche passe par l’envoi d’un courrier aux entreprises, qui détaille la valeur ajoutée de l’agence ainsi que le montant des frais appliqué pour chaque service. Un entretien au téléphone ou de vive voix peut compléter cette démarche pour des comptes sensibles, afin d’expliquer les changements dans la façon de travailler entre l’agence et l’entreprise.

Boiloris Voyages vient d’adresser à ses sociétés en compte un questionnaire concernant la qualité de ses services (accueil, rapidité, coûts, respect de la politique voyages, livraison…), et des suggestions. Ces entreprises recevront ensuite les résultats de l’enquête, la grille de frais et un nouveau contrat, avec la possibilité d’une prise de rendez-vous. Les sociétés qui ne signeront pas d’ici le 1er avril ne seront plus considérées en compte, avance Christian Huot, qui reconnaît qu’une certaine souplesse sera appliquée dans un premier temps. En assurant un accompagnement optimal et en développant un bon argumentaire, on devrait limiter la fuite de clients. Marie-Gabrielle Salomon visite pour sa part depuis plus d’un mois ses clients, afin d’identifier leurs attentes et d’évaluer le risque de fuites vers les agences Internet. Les outils de réservations en ligne pour les entreprises sont clairement plébiscités, précise-t-elle. Sa société doit signer cette semaine avec Perinfo pour mettre en place un tel système.

Il convient également de ne pas négliger la communication envers la clientèle loisirs. L’envoi d’un e-mail via le fichier clients et l’édition d’un document explicatif valorisant les services de l’agence peut aider à faire passer la pilule, en n’oubliant pas de rappeler qu’Air France elle-même facturera des frais ! Afat Voyages a même choisi d’accompagner la campagne de communication grand public qui sera lancée fin mars par le Snav et Air France, en fournissant aux agences du réseau un document explicatif à mettre à disposition de leurs clients.

Former ses vendeurs, garants de la santé de l’agence

La formation des vendeurs est l’étape ultime, afin qu’ils intègrent l’argumentaire capable d’amadouer les clients les plus récalcitrants. Ce dernier aspect est essentiel puisque ce sera à l’avenir sur les vendeurs que reposera la bonne santé d’une agence, comme le rappelait récemment Jean-Pierre Mas, président d’Afat Voyages. Faire cadeau des frais de service se traduira immédiatement par une perte sèche pour l’agence ! A ce titre, Afat Voyages et Tourcom vont lancer des séances de formation spécialisées. Après avoir déjà réuni l’ensemble de ses vendeurs sur le ferry SNCM Danielle Casanova fin 2004, Aliso Voyages reprendra pour sa part ses formations durant la deuxième quinzaine de mars. Cela ne sert à rien de le faire avant car les vendeurs auront tout oublié, estime Jean Ghibaudo.

Michèle Faure précise de son côté discuter du sujet depuis plus d’un an avec ses salariés. Pour nous préparer, nous avons commencé par prendre des frais sur la vente de forfaits touristiques, puis sur la billetterie pour toutes les modifications et annulations demandées par les sociétés. Et pour éviter la tentation naturelle des vendeurs de faire un geste commercial pour les meilleurs clients, les GDS planchent sur un outil permettant d’intégrer automatiquement les frais dans le prix final d’un dossier. Malgré son coût (20 E par licence et par mois), la majorité des agences équipées d’Amadeus devrait ainsi utiliser l’outil Service Fee Management (SFM) développé par le fournisseur.

Une politique de marge et non plus de volume

Au final, le changement de rémunération pourrait permettre aux agences qui ont su l’anticiper de mieux gagner leur vie. Il faut dédramatiser et ne pas avoir peur de prendre des frais. Ils permettront de maintenir notre rémunération et celles de nos vendeurs, assure un dirigeant. La ligne de conduite est de maîtriser sa marge et de tenir ses coûts, pour maintenir une rentabi- lité acceptable, ajoute un autre. En tant qu’experts, nous pourrions même, dans le futur, faire payer la simple demande de renseignements, comme les avocats ou les médecins, estime Antoinette Raymond, de Verseau Tourisme (Tourcom).

Plusieurs incon-nues demeurent ce-pendant : comment la grille d’Air France évoluera, quelle politique sera menée par les agences en ligne, combien d’agences vont s’engager dans une guerre des frais, pour capter les clients du voisin. Réponses dans les prochains mois. En attendant, Marie-Gabrielle Salomon se prépare à perdre de 10 à 20 % de ses clients entreprises et de 30 à 40 % en billetterie loisirs. Plus que jamais, c’est une politique de marge et non plus de volume que vont devoir privilégier les distributeurs…

En tant qu’experts,

nous pourrions, dans

le futur, faire payer

la simple demande

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