Panne de visas

Le retard pris par la France dans la fabrication des nouveaux passeports biométriques relance la polémique entre la France et les Etats-Unis, dont les rapports peinent décidément à se normaliser. A l’origine de cet imbroglio franco-américain, l’incapacité de la France à fournir à ses ressortissants des passeports individuels à lecture optique avec photo imprimée numériquement, comme l’exigent désormais les autorités américaines. Depuis, les personnes ne possédant pas ce document réputé infalsifiable doivent se faire délivrer un visa par le consulat américain, alors que les Français, comme la plupart des habitants des pays européens, en étaient dispensés pour de courtes visites depuis plusieurs années.

Il n’en fallait pas davantage pour que certains esprits pusillanimes accusent de tous les maux le pays de l’oncle Sam, suspecté de durcir complaisamment l’accès de son territoire aux ressortissants français. Il est vrai que l’obtention d’un visa s’apparente parfois à un chemin de croix (il faut entre six semaines et trois mois pour obtenir le précieux sésame), d’autant qu’il est délivré uniquement à Paris et à un prix indécent. Nul doute que les Américains auraient pu faire des efforts ! Mais il importe de souligner que cette situation abracadabrante résulte aussi d’un problème bien franco-français, alors que notre pays était informé de longue date des nouvelles exigences américaines. En choisissant un imprimeur privé pour réaliser ces passeports biométriques, le ministère de l’Intérieur a provoqué un conflit avec les syndicats de l’Imprimerie nationale qui, selon une loi de décembre 1993, est seule autorisée à réaliser les documents dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité. Saisie du conflit, la justice a ordonné la suspension de la fabrication des passeports. Et il est à craindre que cette situation perdure : une demande en référé du ministère de l’Intérieur, pour pouvoir aller de l’avant sans attendre un jugement sur le fond, a été rejetée le 4 janvier… En attendant, la société Oberthur, basée à Lille, fabrique tous les jours les nouveaux passeports biométriques… pour le compte du gouvernement belge !