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Il faut supprimer des vols en concurrence avec le TGV, selon le sociologue Jean Viard

Quel est l’impact de la crise du Covid-19 ? Que devrons-nous changer demain, dans notre modélisation du voyage et des transports ? Jean Viard a répondu à nos questions.

Nous poursuivons nos interviews sur le tourisme de demain s’inscrivant dans le cadre du Forum A Word for Travel, organisé les 5 et 6 novembre par Eventiz Media Group (maison mère de L’Echo) au Portugal. Aujourd’hui, le sociologue Jean Viard, notre invité, évoque l’après-Covid-19, avec des propositions concrètes sur la table pour le secteur.

L’Echo touristique : La crise sanitaire actuelle peut-elle entraîner une crise structurelle dans l’industrie du tourisme ?

Jean Viard : Dans les pays développés, le taux de départ en vacances atteint 60% à 70%. Nous sommes passés de 60 millions de touristes internationaux en 1968 à 1,5 milliard (en 2019), à l’échelle mondiale. Nous sommes dans un phénomène de masse, avec une nouvelle géographie, et de grandes transhumances qui sont devenues un marqueur du temps. L’année s’articule autour du mois de septembre correspondant à la rentrée – et non janvier – et la période des fêtes autour de Noël. Malgré le bouleversement gigantesque actuel, nous n’allons pas renoncer aux fondamentaux : notre société est bâtie sur l’art de vivre, les soins du corps, les liens sociaux, des valeurs liées au bonheur. Le fait que les loisirs priment, que travail ne constitue plus qu’une petite partie de la vie des hommes ne va pas changer. Deux solutions émergent pour sortir d’une telle crise afin de limiter l’impact du Covid-19, et peuvent entrer en dualité : une vision nationaliste qui défend le retour de l’utilité des frontières, et la défense de la coopération entre les hommes et les nations permettant de limiter le nombre de morts dans le monde.

Le phénomène du local va se renforcer.

Comment faire repartir le tourisme international ?

Jean Viard : C’est un objectif, qui n’est pas évident. Dans un premier temps, en 2020, le tourisme mondial va s’effondrer. Pour le redémarrage, il faudra sans doute accepter la mise en place de nouvelles règles. Par exemple, nous pourrions décider que les compagnies low cost ne commercialisent pas de voyages de moins de 15 jours. Aller visiter les Etats-Unis, c’est bien. Mais partir trois jours pour visiter New York en low cost, c’est absurde sur le plan écologique. L’enjeu est important : un tiers des trajets internationaux sont des low cost.

Jean Viard © Virginie Jullion
Réguler les low cost par la durée des voyages, c’est donc une idée que vous défendez ?

Jean Viard : C’est une idée que je défends pour les voyages loisirs – les voyages d’affaires, c’est différent. Dans le même esprit, il faudrait envisager de supprimer les vols sur les lignes de TGV de moins de trois heures : Paris-Bordeaux, Paris-Marseille… Nous pourrions dire à Air France pour la France – et à d’autres compagnies dans leur propre pays – que nous sommes prêts à les aider sous cette condition. L’arrivée de concurrents ferroviaires à la SNCF permettra d’éviter une envolée des prix sur le rail. Nous devons aller vers une régulation vertueuse des flux, plus écologique. On ne va pas embêter les compagnies aériennes aujourd’hui. C’est très bien de leur prêter de l’argent pour éviter des faillites. Mais, quand viendra le temps du remboursement, on pourrait leur dire : « On efface une partie de l’ardoise, mais vous modifiez vos pratiques ». Comme avec des agriculteurs, qui supprimeraient une partie de leurs désherbants.

Le monde du tourisme devra montrer qu’il est solidaire des gens qui se sont battus.

Que va changer la crise, à court terme ?

Jean Viard : Dans un premier temps, les gens vont avoir plus tendance à bouder les transports en commun, à privilégier la sécurité : la marche à pied, le vélo, la voiture. Il faut s’attendre à une plus grande affluence routière dans les stations balnéaires, et imaginer par exemple des parkings à la périphérie. Le Bassin d’Arcachon travaille déjà sur le sujet. Pour l’instant, l’avion n’est pas une question centrale. Quand nous allons sortir du confinement, les Français ne partiront pas à l’étranger, ils vont rester en France, voire près de chez eux. Le phénomène du local va se renforcer. Les générations vont moins partir ensemble. Au sortir du déconfinement, sur la deuxième quinzaine de juin par exemple, il faut aussi que des stations de bord de mer fassent des prix pour les soignants. Le monde du tourisme devra montrer qu’il est solidaire des gens qui se sont battus, c’est important pour son image. Qu’il sait proposer des lieux de repos et de reconstruction, après cette période très difficile.

Et pour les voyages à l’étranger, quels seront les changements ?

Jean Viard : La sécurité sanitaire sera vitale. Les images d’un vol plein d’Air France sur lesquels la compagnie ne donne pas de masques, ce n’est plus possible… Les avions et les hôtels doivent être irréprochables. Pour autant, il ne faudra pas d’ambiance d’hôpital. Les masques ne doivent pas être blancs, il faut leur donner une dimension ludique, en faire des objets artistiques.

Et à plus long terme, sur quels autres axes vertueux devrait-on évoluer ? Qu’est-ce qui va changer ?

Jean Viard : Il faudrait favoriser à fond la transformation des véhicules thermiques en véhicules électriques, au lieu d’acheter. Globalement, une crise accélère des évolutions émergentes, mais en fait naître d’autres. Avec l’essor actuel du télétravail, qui concerne 30% de la population, les villes vont changer. Les gens vont être plus enclins à vivre à l’extérieur, et venir en ville ponctuellement. Ce qui pourrait encourager des agglomérations à développer des espaces de coworking. La 5G et la fibre serviront d’amplificateur. Mais le numérique n’est pas la panacée, il prolonge le physique : une visioconférence n’est pas très adaptée quand on ne connait pas son interlocuteur. Autre tendance à long terme, le local, qui donne un sentiment de sécurité, va s’accélérer. Comme il s’est déjà développé pour l’alimentation, avec des circuits courts.

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3 commentaires
  1. Ribaut dit

    La pollution sur Paris est revenu au même niveau sans les avions.
    Dire que l’électricité 80 pct nucléaire est écologique il ne faut pas exagérer. De plus, le ferroviaire dans sa globalité infrastructure etutres revient plus cher. Et si on appliquait les mêmes mesures de sûreté que pour l’aérien la durée de trajet serait surprenante.

  2. Pierrot dit

    quand on sait combien pollue une voiture électrique c’est une fausse idée ! La 5G il semble que ce soit hyper dangereux et ça demande encore des précautions. Il va juste falloir que les gens acceptent de vivre avec le virus et acceptent le risque de mourir. C’est ainsi. Il faut que l’économie de notre pays reparte et vite sans ça on va vers des drame indicibles.

  3. Martino dit

    Il a raison, il faut que les bouseux de Province se tape 3 heures de TGV pour aller à Paris, puis portent leurs valises et payent un taxi (s’ils ne se sont pas fait agresser dans la gare !!!???) et se tapent une heure de route pour aller à Roissy ou Orly…….. et retour pour partir en long courrier.

    Le confort c’est pour les Parisiens qui ont des vols directs vers la terre entière et vont confortablement en Uber jusqu’à l’aéroport.

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