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EDITO. Insondables sondages sur les vacances

Ifop, Ipsos, de vénérables maisons. Et même des institutions dans le monde pléthorique des instituts de sondages.

Pourtant, méthodologies et résultats questionnent. Illustration.

Une étude réalisée par Ipsos pour Europ Assistance évoque un taux de départ en vacances de 74%. Une autre, menée par l’Ifop, pour la Fondation Jean Jaurès indique un taux de 61%. Une différence de 13 points. Pas une paille donc, mais plusieurs millions de personnes d’écart.

C’est d’autant plus étrange que les deux terrains se ressemblent comme deux gouttes d’eau, ou presque. Dans les deux cas, les dates de terrain sont proches (avril/mai 2022), et s’appuient sur des échantillons d’environ 1000 personnes, représentatifs de la population française (selon la méthode des quotas).

Comment justifier de tels écarts de résultats ? Interrogé par L’Echo touristique, Europ Assistance n’a pas su l’expliquer ni nous mettre en relation avec Ipsos. De son côté, l’Ifop a tenté de nous éclairer en partageant « deux hypothèses » qui « peuvent expliquer ces différences de résultat ». Pas de quoi nous convaincre cependant.

Première hypothèse donc : « Il y a probablement un effet questionnaire sur notre étude, explique l’Ifop. Avant de demander aux interviewés s’ils partent en vacances, nous leur demandons s’ils ont déjà renoncé à leurs vacances pour des raisons financières et s’ils estiment que leur pouvoir d’achat est suffisant pour leur permettre de partir en vacances. Ainsi, ces questions ont pu dissuader certains de répondre par la positive à l’intention de partir en vacances cet été. Ce qui expliquerait le fait que notre taux de départ en vacances est moins élevé que celui de Ipsos. » 

Deuxième hypothèse : « Les questions sur l’intention de partir en vacances ne sont pas identiques. L’étude d’Ipsos précise une période pour le départ en vacances, ce qui n’est pas notre cas. »

A la lecture de telles « justifications » qui ont plutôt tendance à nous embrouiller, je pense qu’il serait utile que les deux grandes maisons de sondage se parlent, elles auraient beaucoup à apprendre l’une de l’autre. Et pourraient sans doute affiner, du même coup, leurs résultats. Mais bon, entre concurrents, ce n’est pas toujours facile…

Un autre point questionne, dans ces deux sondages. Le fameux « échantillon représentatif de 1000 personnes ». Alors que les questionnaires, en ligne, échappent par définition aux non-internautes. La statistique peut surprendre, mais en ce 21e siècle, 8% des foyers français ne bénéficient toujours pas d’une connexion à internet (source Médiamétrie, fin 2021). Il s’agit notamment des populations les plus âgées, les plus rurales, voire les plus défavorisées. Soit des profils moins enclins à partir en vacances (pour des raisons de santé et/ou financières).

L’Ifop tente là aussi une explication. « Pour créer des échantillons représentatifs avec des questionnaires en ligne, nous travaillons avec des Access panels. Ces Access panels nous permettent de respecter et de suivre nos quotas de manière à ce que notre échantillon soit représentatif de la population étudiée. » Désolée, mais pas très convaincant non plus.

Si une partie d’entre eux ne le veulent pas, d’autres ne le peuvent pas, faute d’argent. Malheureusement.

Pour autant, L’Echo touristique continuera de relayer ce type de sondages. Malgré le biais de chacune des méthodologies, un indicateur reste intéressant : l’évolution annuelle. En dépit des fractures sociales, le taux de départ progresse. Selon le 21ème baromètre des vacances réalisé par Ipsos pour Europ Assistance, nous avons gagné 5 points entre 2019 et 2022. Une prouesse sur fond de Covid et d’inflation galopante, qui traduit aussi le phénomène du Travel Revenge.

Mais pas non plus de quoi pavoiser. Bon an mal an, 39% des Français pour les uns – 26% pour les autres – ne partent pas. Si une partie d’entre eux ne le veulent pas, d’autres ne le peuvent pas, faute d’argent. Malheureusement. Et ce n’est pas la flambée des prix qui va arranger les choses. Les inégalités sociales ont plutôt tendance à se creuser, sur tous les fronts.

La fondation Jean Jaurès propose d’ailleurs « d’institutionnaliser le premier départ en vacances : chaque enfant partira au moins une fois en séjour collectif (colonies de vacances, classes découvertes…) au cours de chaque cycle scolaire ». Une bonne idée à suivre !

Même si l’intéressante exposition parisienne « Faut-il voyager pour être heureux ? interroge, difficile de croire qu’il rend malheureux de s’évader à la mer, à la campagne ou à la montagne… Demandez aux enfants qui découvrent pour la première fois la mer. Ceux qui ont la chance de patauger grâce à de belles associations comme Je pars tu pars il part. Pas de doute, leurs yeux pétillent de bonheur d’avoir foulé le sable…

Linda Lainé, rédactrice en chef de L’Echo touristique

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