Retrouvez l'actualité du Tourisme pour les professionnels du secteur tourisme avec l'Echo Touristique : agences de voyages, GDS, prestataires spécialisés, voyagistes

Voyager avec un passeport périmé : l’avis de l’avocate E. Llop

C’est un sujet qui intéresse fortement professionnels du voyage et voyageurs. Une mise au point « juridique » s’impose, la voici avec Emmanuelle Llop.

Pour mémoire, un voyageur s’était vu opposer un refus d’embarquement par EasyJet, alors qu’il s’apprêtait à effectuer un séjour en Grèce. La compagnie aérienne exigeait, en application de la directive européenne de 2004, un document d’identité en cours de validité, alors qu’on lui présentait un passeport périmé depuis trois ans. Or l’Accord européen sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l’Europe, signé en décembre 1957, est applicable de préférence à la directive européenne, a tranché la Cour de cassation dans une décision du 5 février 2020. Alors, peut-on voyager (vraiment) avec un passeport périmé au sein de l’Union européenne ? C’était la question posée dans un récent édito, où nous invitions à la prudence en optant pour un passeport valide, afin d’éviter qu’un passager soit refusé par la compagnie ou les services douaniers. Pour aller plus loin, nous avons interrogé Emmanuelle Llop, avocate au sein du cabinet Equinoxe Avocats, qui estime elle aussi qu’il est préférable d’appliquer un « principe de précaution ». Voici ses deux réponses à nos questions, l’une juridique, l’autre pratique.

Emmanuelle Lllop © Pascal Rostaing

L’Echo touristique : Avec l’arrêté, une compagnie ne devrait donc plus refuser l’embarquement d’un voyageur avec un passeport périmé ?

Emmanuelle Llop : La Cour de Cassation est juge du droit : elle l’a donc appliqué « sèchement » dans le cas de ces passagers français se rendant en Grèce avec un passeport périmé depuis moins de 5 ans, car l’annexe de l’Accord européen du 13 décembre 1957 ratifié par la France et la Grèce et en faisant partie intégrante, détaille ce qu’il faut entendre par « passeport valide » pour l’Etat français : il s’agit d’un passeport en cours de validité ou périmé depuis moins de 5 ans. Apparemment, ni les agences de voyages, les compagnies aériennes (du moins celles en cause dans l’arrêt), ni peut-être le personnel de la police aux frontières ni enfin le tribunal en premier lieu ne connaissent cette disposition…

En théorie donc, on pourrait se dire qu’il ne devrait plus être possible de refuser à l’embarquement un passager muni d’un passeport périmé depuis moins de 5 ans, pour un voyage en Europe. En pratique, ce n’est pas si simple car un Accord doit être ratifié par les deux pays (départ et destination) pour que l’on puisse l’invoquer.

Ainsi, si la Grèce a ratifié l’Accord, tel n’est pas le cas d’autres pays qui n’ont fait que le signer (Moldavie, Chypre) ou qui ne se sont pas prononcés (par exemple et au hasard Albanie, Bulgarie, Croatie, Finlande Islande, Pologne, Roumanie etc.). Voilà pourquoi le site du Quai d’Orsay affiche des informations au cas par cas, selon les pays européens. Un vrai casse-tête cependant pour les professionnels, à moins de se référer en permanence à l’Accord et à la liste des pays l’ayant accepté…

L’Echo touristique : Selon vous, les voyageurs français peuvent-il vraiment se contenter d’un passeport périmé dans l’UE ?

Emmanuelle Llop : En considération de ce qui précède, je pense qu’il faut être pratique et je dis cela à l’attention des professionnels, agences, TO et compagnies : peut-être adapter leurs CPV ou leurs conditions de transport afin d’avertir les voyageurs/passagers de l’existence de cet Accord et des différences qui existent selon les pays. A partir de là, le professionnel aura intérêt à délivrer l’information préalable ultra-personnalisée selon la destination, en vérifiant si le pays a ratifié l’Accord (c’est finalement ce qu’exige le Code du Tourisme article R. 211-4-6°), mais je conseille d’ajouter à son information destinée au voyageur qu’il est préférable d’appliquer un principe de précaution, en se munissant d’un titre non-périmé et en cours de validité (passeport ou CNI, car en France sa validité a également été prolongée malgré la péremption, sous certaines conditions). Ainsi, le professionnel aura complètement « fait le job »  et ne pourra être déclaré responsable si malgré tout le voyageur est refoulé, même s’il ne sera quand même pas à l’abri d’une réclamation par son client, dont le réflexe demeure bien ancré de se retourner vers son vendeur. Car s’il est bon de rappeler le droit comme le fait la Cour de Cassation, la réalité en est parfois sensiblement éloignée…

A lire aussi :

Les commentaires sont fermés.

Dans la même rubrique