Tribune : « l’humeur de chien » de Michel-Yves Labbé

Humeur de Chien.

Privilège de l’âge, j’ai connu une époque où, dans les Caravelle ou les Mercure (très rapide le Mercure, fabrication Dassault), on embarquait tranquille comme Baptiste avec son Opinel dans la poche. On arrivait 10 minutes avant façon TGV. Puis vint Arafat et son torchon à carreaux sur la tête. Détournement de bateau (l’Achille Lauro) puis de Boeing (TWA entre autres). Arafat nous a supprimé l’insouciance en voyage aérien. Contrôles, portiques. Renforcés, ô combien, après le 11 septembre 2001. Si bien que de nos jours on convoque 3 heures à l’avance.

Eh bien avec la Covid, il va falloir s’habituer aux tests avant le vol. Pas vraiment besoin de venir encore plus tôt : on est déjà large (sauf pour les Etats Unis. Mais ils posent tellement de questions). La solution pour faire repartir les voyages et le tourisme donc c’est uniquement celle-là : tester tout le monde avant le départ. Tests antigéniques, résultat dans le quart d’heure. Ce que fait Dubaï depuis le…16 avril ! (On ne pleure pas de honte, enfin pas tout de suite). Ainsi les pays réceptionnaires des voyageurs savent que tous les arrivants sont Covid free. Pour rassurer, inclure dans le prix des billets ou des packages une assurance Covid : le quidam positif est remboursé des frais d’annulation du voyage.

A Dubaï, et aussi à Helsinki, ils ont trouvé un moyen encore plus rapide : des chiens capables de sniffer le porteur du virus. Jusqu’à 5 jours avant qu’il ne développe les symptômes et donc durant la période où il est le plus contagieux sans le savoir. Durée du test : 10 secondes. 90% de fiabilité. Mais que font nos multiples élevages canins ?

Quel est ce pays à des années lumières d’autres nations où il faut 5 jours minimum pour avoir le résultat d’un test alors que partout ailleurs 24h suffisent ?

Vous allez me dire : avant que le patron du Conseil scientifique, le funeste professeur Delfraichy (je sais c’est Delfraissy mais il n’y a pas que Gobert qui a le droit de badiner) soit au courant, ne caresse l’idée d’envisager de pouvoir éventuellement se pencher sur la question, réunisse un comité Théodule, attende les conclusions d’un rapport puis d’un contre rapport et finisse par décider qu’il faut attendre pour ne pas prendre de risques… le virus aura vécu.

Quel est ce beau pays où les tests PCR sont facturés 76€ à la Sécurité Sociale alors que le même test PCR (pour un autre virus que la Covid mais avec les mêmes matériels et réactifs) est facturé 36€ ttc par les vétérinaires ? Cherchez l’erreur. Pourtant ce doit être autrement compliqué de mettre un bâtonnet dans les narines d’un doberman que dans le nez du quidam moyen. Mais- il- est- où- le- Professeur- qui- s’en- fout ?

Quel est ce pays à des années lumières d’autres nations où il faut 5 jours minimum pour avoir le résultat d’un test alors que partout ailleurs 24h suffisent ? Est-ce la Grande Nation qui donne moult conseils aux autres -et dont l’arrogance est proverbiale- qui est incapable de permettre à ses concitoyens de voyager faute de résultats en temps et heure ? Et pourtant, ce serait le moment pour qui est intelligent : les prix n’ont jamais été aussi bas. Prenez Venise, les hôtels y sont au tiers du prix habituel, les billets d’avion ne coûtaient déjà pas grand-chose et c’est encore moins. De plus personne ou pas grand monde sur place : un bonheur de touriste. Le Palais des Doges sans groupe de Chinois rigolards, c’est juste le rêve. Sans compter qu’on vous y accueille avec le sourire, même les malgracieux pilotes de bateaux taxis sont devenus aimables. Parlez leur de sur-tourisme, histoire de mettre l’ambiance…

On préfèrerait bosser plutôt que glander !

On se moque de la lenteur des Suisses. Le poète allemand Heine avait habitude de dire au siècle dernier : « si la fin du monde était pour demain, je me réfugierais en Suisse, tout s’y passe avec vingt ans de retard ». Aujourd’hui c’est nous les lambins en chef. D’ailleurs on devrait demander aux pays touristiques un moratoire sur les tests. Qu’ils soient datés de 48 ou 72 heures pour l’ensemble de la planète et de 120 heures pour les Français. A ce stade du récit le lecteur a le droit de pleurer de honte. Les Tunisiens, pragmatiques, l’ont bien compris, qui ne demandent aucun test à condition d’avoir un voucher. Le voucher, l’arme absolue contre le coronavirus ?

Bon je digresse, je brocarde, mais c’est vous dire si je suis furieux contre ce pataquès concocté par cette administration poussiéreuse, ces énarques hantés par le principe de précaution, ces politicaillons en mal de réélection. Moi qui ai fêté l’abolition des frontières européennes je me vois aujourd’hui confiné dans un Hexagone touti rikiki maousse parano. Rendons grâce néanmoins à Bercy qui, une fois n’est pas coutume, ne nous plume pas et nous maintient (pour l’instant) hors de l’eau à coup de chômage économique. Pour autant, on préférerait bosser plutôt que de glander. Au moins pouvoir organiser des voyages vers les pays qui en ont besoin et nous accueilleraient volontiers pour peu qu’on soit capable de les assurer de notre innocuité.  J’ai souvent une pensée pour ces propriétaires de calèches de Louxor qui n’ont même plus de fourrage pour leurs chevaux déjà faméliques autrefois, et peu d’espoir d’amélioration, eux-mêmes étant à la diète forcée.

Quand ce cauchemar sera terminé je vous fiche mon billet qu’un Edwy Plenel quelconque va mettre ses pitbulls sur le coup et sortir un bouquin terrible sur la somme des erreurs accumulées ; ça sera un best-seller, n’en doutez pas. Quant à nous pauvres agents de voyages, pauvres ou en voie de l’être, espérons des jours meilleurs. Je ne doute pas qu’un jour il y aura un énorme appel d’air, que les Français se bousculeront pour aller s’égailler dans le monde entier. Ce jour là je serai de meilleure humeur. Pas avant. A bon entendeur, salut »

Michel-Yves Labbé, fondateur de Départ Demain et de Directours