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Olivier Jankovec (ACI Europe) : « Nous allons vers une situation de chaos dans les aéroports »

Lors du congrès annuel de l’Union des Aéroports Français, Olivier Jankovec, le directeur général d’Airport Council International (ACI) Europe, la branche européenne du Conseil international des aéroports, a présenté l’actualité du secteur et répondu aux questions des professionnels de l’aérien.

Quelle est la situation des aéroports européens ?

Olivier Jankovec : L’été a été plutôt très bon, au-delà même des espérances. Nous estimons que l’activité a augmenté de 74% sur le réseau aéroport européen au troisième trimestre par rapport à 2021. Nous sommes toujours tout de même à -13 % par rapport à avant la crise sanitaire. Nous n’oublions pas les fortes perspectives de récession l’année prochaine. Nous observons aussi de grandes disparités dans l’Europe. Les aéroports en Finlande ou en Lettonie ont vu leur activité chuter de -30%. Ils sont très impactés par la guerre en Ukraine. A l’inverse, la Grèce a vu son activité augmenter de +5 % par rapport à 2019. L’Espagne et le Portugal ont égalisé les performances d’avant-crise alors qu’en France on est encore à -14%. Les grands aéroports qui fonctionnent comme des hubs sont encore impactés par la fermeture de l’Asie. Enfin nous observons une grande fragilité des structures aéroportuaires. Une fragilité financière avec une dette cumulée très importante (+60 milliards pendant la crise) mais aussi une inflation des coûts énergétiques et des matériaux. La question désormais va être de savoir comment les aéroports européens vont retrouver une capacité d’investissement alors que les besoins sont énormes. Nous estimons cela à 400 milliards sur 10 ans pour accompagner la décarbonation.

Vous représentez les aéroports et plus globalement l’activité aérienne auprès de l’Europe. Quelle est la situation à Bruxelles vis-à-vis du secteur ?

Olivier Jankovec : A Bruxelles, la priorité c’est l’indépendance énergétique, la lutte contre inflation. Nous observons une poussée assez protectionniste, ce qui nous inquiète. L’autre grande priorité, ce sont les changements climatiques. Avec une guerre à nos portes qui alimente cet agenda déjà chargé. Tout le monde a pu voir l’interventionnisme croissant des Etats dans le secteur de l’aérien. Certains pays, dont la France, ont beaucoup aidé leur compagnie nationale. La Commission a fermé les yeux. Elle a laissé de la distorsion de concurrence. Cela créé des risques dans notre secteur. Cela ralentit la consolidation du secteur. Et pour les aéroports, il y a un vrai risque de se voir instrumentalisé, alors que depuis quelques années ils ont affirmé leur indépendance comme des entreprise propre avec leurs actionnaires. Au niveau de la taxation du kérosène cela n’avance pas trop car les pays du Sud bloquent un peu. Quand 20 % du PIB du pays dépend du tourisme, c’est logique de ne pas se presser de taxer quelque chose qui ramène du tourisme.

L’UAF et ACI ont déposé une plainte devant l’Europe contre la restriction des vols domestiques. La commission reste silencieuse. Nous savons qu’il y a pas mal de tractations entre la Commission et la France qui n’a pas pu mettre en place la mesure. Nous sommes très proches d’une décision de la commission, qui devrait intervenir lors de la 1er semaine décembre. La France va faire une nouvelle mouture. La question est de savoir si les vols en correspondance sont inclus ou non sera réglée tout comme celle des capacités ferroviaires nécessaires pour pouvoir arrêter des dessertes aériennes.

Où en sommes-nous quant à la libéralisation du ciel ?

Olivier Jankovec : Nous avons désormais un accord de ciel ouvert avec les États-Unis, le Canada, les pays méditerranéens et tous les pays voisins. Nous préparons des mandats pour négocier avec l’Inde, la Colombie, la Corée du Sud.

Concernant les créneaux horaires (aussi appelés slot) dans les aéroports nous souhaitons revoir le règlement de 1996 qui fixe les règles d’attribution et d’utilisation des slots. Il est grand temps de revoir ces règles éditées par IATA, il y a plus de trente ans. Les contraintes sont désormais très différentes. Il n’y avait alors pas de low-cost, pas de libre concurrence comme maintenant, les aéroports n’étaient pas des vraies entités commerciales etc. Nous risquons d’avoir des problèmes de capacité aéroportuaire en Europe assez rapidement. Nous le voyons à Amsterdam avec une activité réduite de -15% par le gouvernement. Les règles d’utilisation des slots vont devenir un enjeu de compétitivité majeur en Europe.

Nous souhaitons une nécessaire révolution et être associé sur la définition des règles. Avoir plus de voix sur la détermination sur le type de connectivité nécessaire pour notre territoire.

En 2023 les aéroports verront une évolution du contrôle à la frontière. Pourquoi cela inquiète ?

Olivier Jankovec : Au mois de mai 2023, entrera en vigueur l’Entry/Exit System (EES). Un règlement européen qui vise à renforcer le contrôle aux frontières de l’espace Schengen. Ce dispositif concernera les ressortissants en provenance de pays tiers exemptés de l’obligation de visa ou titulaires de visas de court séjour. Nous partageons l’objectif et les enjeux. Le problème, c’est que les états se sont concentrés sur la partie informatiques, mais pas sur ce qui va autour. Nous ne sommes pas prêts à déployer les ressources nécessaires. En France, en Allemagne, en Italie, en Espagne : partout les aéroports disent que nous allons vers une situation de chaos, avec potentiellement des heures d’attentes dans les aéroports.

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