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Michel Salaün : « Le marché pourrait bouder la Russie pendant plusieurs années »

Quel est l’impact de la guerre en Ukraine sur l’ensemble des destinations ? Comment se profile 2022 ? Michel Salaün répond à ces questions dans une interview à L’Echo touristique.

L’Echo touristique : Le groupe Salaün est très implanté en Russie et en Europe de l’Est via sa filiale Pouchkine Tours. Quelle est votre première réaction face à la guerre en Ukraine ?

Michel Salaün : Nous opérons depuis plus de trente-cinq ans dans cette région de l’Europe. Nous y avons noué beaucoup de relations. C’est avant tout à l’aspect humain que je pense en premier quand il faut évoquer la situation en Ukraine. Je ne fais pas de géopolitique, mais la guerre est toujours terrible. Et cela peut être intéressant de parler de la façon dont nous sommes impactés, d’apporter un éclairage professionnel à vos lecteurs, mais les préoccupations du groupe Salaün sont bien moins importantes que ce qui se joue là-bas. L’année 2022 sera difficile, et avant tout pour les Ukrainiens.

L’invasion militaire russe en Ukraine risque de paralyser le tourisme dans la région pendant une période indéterminée…

Michel Salaün : Concernant la Russie, qui représente habituellement plus des deux tiers de notre activité avec Pouchkine Tours (30M€ de CA en 2019, NDLR), je crains que cela dure. Tout ce qui se passe ne renvoie pas une bonne image de la destination, et le marché pourrait bouder la Russie pendant plusieurs années. Quoiqu’il en soit, nous ne nous attendions pas à réaliser une bonne année 2022 en Russie. Les conditions d’accès à la destination s’assouplissent, mais elles demeurent trop contraignantes pour envisager un retour à la normale si rapide. D’autant plus que la Russie est une destination compliquée (visa, transport aérien…), qui ne se prête pas bien à la vente de dernière minute, et donc aux attentes actuelles du marché. Mais c’est vrai qu’avec la situation ukrainienne, on ne se fait plus d’illusions. D’ailleurs, nous avons retiré toutes les allusions à nos voyages en Russie de nos sites Internet, de nos agences…

L’inquiétude pourrait-elle gagner d’autres destinations proches, comme la Pologne, les Pays Baltes ou encore l’Ouzbékistan ?

Michel Salaün : Le marché risque d’être fébrile en regardant vers de nombreuses destinations de l’est de l’Europe. Nous n’enregistrons plus de réservations pour ces destinations depuis quelques semaines, c’est vrai. Même la Finlande est concernée. Par exemple, nous constatons un arrêt des prises de commandes pour notre « Grand tour de Scandinavie », qui passe par la Finlande, depuis la fin février. On espérait séduire 700 clients avec ce produit, et je pense qu’on plafonnera à 450. Certains clients nous posent des questions pour la Roumanie (3 500 clients en 2019, NDLR), la République Tchèque ou même la Croatie. D’autres sont moins inquiets : dans quelques jours, nous avons un groupe qui part en Ouzbékistan et qui est ravi que nous ayons trouvé une solution pour leur transport aérien, permettant de maintenir les dates initialement prévues pour leur voyage.

Depuis le début du conflit en Ukraine, le marché ralentit. (…) C’est contrariant, mais pas préoccupant.

Pour les clients qui auraient réservé dans ces destinations et se montrent inquiets, proposez-vous une alternative ?

Michel Salaün : Nous n’avons pas de dispositions particulières pour répondre à ce cas de figure. Comme l’a expliqué Emmanuelle Llop dans vos colonnes, c’est le contrat signé qui prime, avec ses conditions d’annulation habituelles.

Le marché ne risque-t-il pas de se montrer attentiste dans son ensemble ?

Michel Salaün : Les ventes ont très bien repris, dès le début du mois de février, avec les bonnes annonces concernant l’évolution de la pandémie de coronavirus. Certains jours, Salaün Holidays, notre tour-opérateur B2B, enregistrait jusqu’à 80% des ventes réalisées à la même période en 2019. Depuis le début du conflit en Ukraine, le marché ralentit, c’est une évidence. Il ne dépasse pas, au mieux, 50 à 60% de l’activité enregistrée en 2019. C’est contrariant, mais pas préoccupant. Parce que ça nous laisse quand même loin de la catastrophe qu’on a vécu pendant la crise sanitaire. Le contexte général est toutefois pesant. Les Français sont anxieux à cause du conflit, et des conséquences qu’il aura sur leur pouvoir d’achat, qu’on ne mesure pas réellement encore. Tout ceci incite à la prudence… d’autant plus qu’on ne semble pas débarrassés de la crise sanitaire.

Certains signes ne vous rendent pas plus optimiste, comme la levée des restrictions en Asie du Sud-Est ?

Michel Salaün : Il y a des bonnes nouvelles, c’est vrai. Le dynamisme du marché avant le début du conflit en Ukraine montre que la notion de revenge travel est bien réelle, et que les Français sont prêts à dépenser pour repartir en voyage. Certaines destinations se vendent très bien, comme la Grèce, l’Espagne, l’Italie ou encore le Portugal. Les prises de commandes vers l’Amérique du Nord sont correctes, mais ce n’est pas l’euphorie espérée. Nous sortons également d’une très bonne période sur Dubaï, qui a vraiment été mise en lumière par l’Exposition universelle. L’activité semble reprendre progressivement en Asie du Sud-Est aussi, même si les contraintes au Vietnam, pays dans lequel nous sommes bien implantés, sont encore trop lourdes. La levée du pass sanitaire en Europe, qui est annoncée, serait également de nature à relancer largement l’activité en Europe. On pourrait alors se retrouver à se bagarrer avec nos concurrents sur le stock terrestre, sur l’aérien… des problèmes de riches qu’on aimerait bien avoir !

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