Retrouvez l'actualité du Tourisme pour les professionnels du secteur tourisme avec l'Echo Touristique : agences de voyages, GDS, prestataires spécialisés, voyagistes

Les entreprises achètent du conseil

Le métier de distributeur spécialisé dans la gestion de voyages d’affaires se rapproche de plus en plus de celui d’un cabinet de conseil. Les entreprises délèguent aux agences l’ensemble de leur processus voyages.

Avril 2005, Air France passe à la commission zéro ! Deux ans plus tard, la mise en place de ce nouveau modèle économique apparaît comme une aubaine pour les agences de voyages spécialistes du marché affaires. La facturation de frais les a conduites à devenir plus professionnelles et à multiplier leurs services, pour justifier ces coûts supplémentaires.

Un effort payant puisque les entreprises seraient de plus en plus satisfaites de leur agence. Selon le baromètre présenté au salon Espace Voyages Professionnels (EVP) 2006 d’American Express Voyages d’Affaires, 74 % des entreprises plébiscitent la qualité de l’accueil (contre 70 % en 2005), 57 % approuvent les prix et conditions pratiqués (44 % en 2005) et 62 % estiment que les procédures sont respectées (40 % en 2005).

Ces résultats masquent toutefois des disparités. Si les agences ont progressé, elles ne répondent que partiellement aux attentes des entreprises, notamment des grands comptes. La pression financière qui pèse sur les grandes sociétés les contraint à réduire leurs coûts et à surveiller leur politique voyage. Elles recherchent d’abord des solutions permettant de gérer le processus voyage de bout en bout, depuis la réservation en ligne jusqu’au traitement automatisé des notes de frais. Selon le baromètre, 27 % des entreprises (mais 38 % des grands comptes) ont en effet acheté des prestations aux agences en 2006, contre 18 % en 2005. Ces achats concernent essentiellement des solutions de réservation en ligne, les Self booking tool (SBT).

Abandonner ses habitudes

Loin de remettre en cause le rôle des agences, les SBT sont devenus un élément essentiel de leur métier dont elles doivent accompagner l’intégration et l’adoption par leurs entreprises clientes. Il revient ainsi aux agences de paramétrer ces outils en fonction des tarifs négociés, puis de former les collaborateurs de l’entreprise à leur utilisation. A elles aussi de les inciter, via des incentives, à délaisser leurs habitudes de réservation au profit de ce système automatisé.

Pour que l’outil soit rentable, il faut en effet qu’un maximum de collaborateurs l’utilise. Dans les années 2000, les SBT étaient perçus comme un concurrent des agences ce qui n’est plus le cas. Ces outils font partie intégrante de la stratégie des agences. Elles sont devenues consultantes et distributrices de technologie, explique Stanislas Berteloot, directeur marketing de KDS, fournisseur de solutions de réservation en ligne.

Le devoir de transparence

Les responsables voyages des grandes sociétés attendent par ailleurs d’un outil de réservation en ligne qu’il leur permette de suivre en temps réel les dépenses des collaborateurs. Depuis le scandale Enron aux Etats-Unis, qui a montré l’opacité de certaines entreprises, ces dernières sont soumises à de fortes contraintes de transparence comptable, explique Stanislas Berteloot. Les agences doivent donc fournir un suivi des dépenses ce qui n’est pas toujours aisé.

Les statistiques ne sont pas toujours fiables. Les données sont souvent rentrées manuellement. Ces interventions humaines sont source d’erreur, remarque Jérôme Drevon Barreaux, responsable voyages chez Capgemini (50 000 salariés), et directeur Europe de l’Association of corporate travel executives (ACTE). De plus, l’agence ne doit pas se contenter de livrer des statistiques brutes. Elle doit les analyser et conseiller l’entreprise pour améliorer la mise en oeuvre de sa politique voyage. Une mission qui laisse parfois les responsables voyages sur leur faim. Les agences ont changé de modèle en vendant du conseil, mais elles oublient souvent des services essentiels. Nous attendons une analyse fiable de notre politique voyage, ce n’est pas toujours le cas, déplore Jérôme Drevon Barreaux.

Environnement et sécurité

Les agences ne doivent donc pas se contenter donc pas d’assurer la mise en oeuvre de la politique voyage de l’entreprise, elles doivent participer aussi à son élaboration. Leurs clients leur commandent fréquemment des études comparant les tarifs négociés par d’autres entreprises d’un même secteur avec les fournisseurs. Ces prestations de benchmark servent de point de repère dans les négociations. Certaines entreprises demandent même à leur agence d’intervenir dans leurs négociations, au risque de mélanger les rôles. Une agence m’a mise en contact avec des conseillers commerciaux qui m’ont permis de négocier des accords tarifaires avec les compagnies aériennes, reconnaît la chargée de voyages d’une marque de luxe.

En plus de ces prestations, les distributeurs doivent aussi prendre en compte les préoccupations nouvelles, comme l’environnement et la sécurité. Pour l’instant, les entreprises ne renoncent pas à un voyage pour des raisons environnementales. Mais elles veulent en connaître l’impact sur le climat. C’est une demande récurrente dans les appels d’offre. En Suède, les entreprises sont même légalement obligées de mesurer les émissions de carbone liées à leurs déplacements professionnels. Ces questions sont également prises au sérieux en Grande-Bretagne. Il devrait bientôt en être de même en France, prédit Stanislas Berteloot. Nous réservons des voitures à faible consommation, et certains de nos commerciaux sont équipés de modèles hybrides, confirme Catherine Pauchant, responsable voyages d’Okaïdi, marque de vêtements pour enfants (3 000 salariés).

La sécurité des collaborateurs est également une préoccupation croissante des entreprises. Elles souhaitent être informées sur les risques géopolitiques, mais aussi pouvoir localiser rapidement tous leurs salariés en cas d’attentat, de conflit, de catastrophe naturelle… Et bien sûr, organiser leur évacuation. Les agences ont su anticiper ces besoins, assure Stanislas Berteloot.

Déceptions en tous genres

Au final, si les attentes des entreprises sont de plus en plus fortes, les griefs sont également plus nombreux. La course à la technologie et à l’automatisation des processus est à double tranchant. Si elle n’est pas experte, l’agence risque de décevoir. Quand les outils informatiques ne sont pas au point, ils nous font perdre de l’argent et du temps, regrette Catherine Pauchant, chez Okaïdi.

Conçus pour permettre le respect d’une politique de voyages, les SBT ne conviennent pas toujours aux sociétés qui ont besoin de souplesse. Nous n’utilisons pas de SBT car nos déplacements internationaux sont trop complexes, témoigne Nicole Lecomte, chargée de voyages chez Sisley (cosmétiques et parfums), et présidente de l’association française des chargés de voyages (AFCV). Je veux pouvoir consulter les offres et choisir mon tarif. Et pas seulement accéder aux tarifs les moins chers, renchérit Catherine Pauchant, d’Okaïdi. Après avoir travaillé avec un plateau d’affaires selon des processus très automatisés, cette entreprise est revenue vers son agence traditionnelle. Un grand distributeurs en ligne a démarché mon entreprise avec des techniques marketing convaincantes. Elle promettait des frais de transaction de 4 E au lieu de 15. Nous avons entamé une collaboration, mais avons été déçus. L’accueil était défaillant et les procédures compliquées. Pour chaque réservation, il fallait envoyer un email. Le système de réservation n’était pas flexible. De plus, l’offre s’est avérée plus chère que prévue, avec des factures liées aux services annexes. Au final, nous retravaillons avec une agence Cap 5 et avons économisé 100 000 E de frais en un an, raconte-t-elle.

La qualité inégale des plateaux d’affaires est un reproche fréquent. Je travaillais avec une agence d’un grand réseau qui avait développé un service VIP capable de répondre à toutes les demandes. Cela fonctionnait bien mais elle a été rachetée et intégrée dans un plateau d’affaires. Le service est devenu très décevant. Au lieu de deux interlocuteurs privilégiés nous en avions 14, se souvient Nicole Lecomte, chez Sisley. Notre plateau d’affaires nous a déçus car leurs salariés sortaient de l’école, témoigne une autre chargée de voyages. L’intérêt d’un plateau, c’est qu’il permet de mettre en oeuvre des technologies, de créer des ordres de mission électroniques et de piloter des SBT. L’inconvénient, c’est qu’il compte beaucoup de salariés à temps partiel qui n’ont pas toujours toutes les compétences. Certains opérateurs ne maîtrisent que 20 à 30 % des fonctionnalités d’un GDS. Le grand challenge des réseaux d’affaires est de trouver du personnel qualifié, ajoute Jean-Michel Kadaner, président de Key Corporate Solutions, société de conseils en politique voyages.

Confiance réciproque

Face à ces critiques, l’agence de proximité a donc encore un rôle à jouer, notamment auprès des PME-PMI. Ma conseillère voyage a 25 ans d’expérience. Elle sait de quoi elle parle. Ce qui compte pour moi, c’est la confiance réciproque, résume Catherine Pauchant, d’Okaïdi. Elle met aussi en avant la spécialisation sectorielle et l’implantation régionale. Mon agence connaît très bien les entreprises du nord et travaille avec d’autres marques de vêtements. Elle maîtrise donc bien nos besoins, ajoute la responsable, basée à Roubaix. Sans mes deux agences je n’aurais aucun point de repère. Elles m’organisent des tours du monde, m’aident à gérer les grèves, obtiennent du pré-sitting sur les low cost…, ajoute la responsable voyages de la marque de luxe.

La clé d’une bonne relation entre une entreprise et son agence réside donc avant tout dans la définition précise de ses attentes. Un plateau d’affaires avec des processus automatisés ne conviendra pas toujours à une PME alors qu’une entreprise multinationale sera comblée par un centre d’appels ouvert 24 h sur 24 h. De là à conclure qu’il faut adapter la taille du fournisseur à celle de l’entreprise…

Le grand challenge des réseaux d’affaires est de trouver du personnel qualifié.

%%HORSTEXTE:1%%%%HORSTEXTE:2%%

Laisser votre commentaire (qui sera publié après moderation)

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Dans la même rubrique