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Les compagnies régulières organisent la riposte

Considérées comme négligeables il y a encore quelques années, les compagnies à bas prix bouleversent le transport aérien. Cette montée en puissance oblige les transporteurs historiques à baisser leurs prix et à ajuster leurs produits.

En février dernier, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) publiait dans son bilan 2003 du trafic aérien une nouvelle historique : pour la première fois, Easyjet coiffait toutes les rivales régulières d’Air France, devenant ainsi le deuxième opérateur aérien dans l’Hexagone, avec 3,2 millions de passagers (soit + 66 % en un an).

Plus encore, selon une récente étude commandée par Eurocontrol, l’agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Europe, les transporteurs low cost devraient contrôler 24 % du marché européen du transport aérien en 2010, contre 2 % en 2000. Cette ascension fulgurante démontre à elle seule la place incontournable que les compagnies à bas coûts ont pris dans le ciel européen.

Des empêcheurs de voler en rond devenus dangereux

Alors qu’elles étaient considérées il y a encore peu comme de simples empêcheurs de voler en rond, leur montée en puissance force désormais la plupart des majors à organiser la riposte, sur fond de plans de réduction de coûts imposés par une conjoncture défavorable. Cette réaction est d’autant plus nécessaire que nombre de transporteurs sortent du pur modèle low cost prôné par Southwest ou Ryanair (aéroports secondaires, services minimum…) pour venir concurrencer frontalement les compagnies régulières, comme Easyjet le fait en France à Roissy et à Orly. Elles menacent ainsi des franges de clientèle plus traditionnellement attachées aux transporteurs réguliers (comme les voyageurs d’affaires) et l’apport de passagers moyen-courriers nécessaire à ces derniers pour alimenter leurs hubs.

Dans ce contexte, Air France, British Airways, Lufthansa et les autres n’ont plus le choix : soit elles créent elles-mêmes des filiales à bas prix (avec les difficultés de gestion et les risques de cannibalisation de trafic que cela implique), soit elles adaptent leur activité en ajustant leurs produits et leurs prix aux nouvelles donnes du marché.

Des grilles tarifaires revues à la baisse…

L’évolution la plus spectaculaire est l’adaptation des grilles tarifaires, pour s’approcher le plus possible du système très basique appliqué par les transporteurs à bas coûts, selon le principe traditionnel plus on réserve tôt, moins c’est cher. La quasi-totalité des compagnies européennes ont donc sauté le pas, revenant sur des règles de tarification et de segmentation de clientèle très complexes qu’elles prétendaient pourtant, il y a encore peu de temps, inamovibles.

Alors qu’elle avait déjà appliqué une première baisse de 35 % de ses tarifs en juin 2002 en Europe dans le cadre de son plan d’économies Size and Shape, British Airways vient ainsi de simplifier encore sa grille tarifaire européenne, avec dix classes de réservation, contre une vingtaine précédemment. Résultat : le billet Paris-Londres en économique est désormais proposé à partir de 89 E l’aller-retour TTC, soit une baisse de 42 % par rapport à l’ancien meilleur tarif ! Ce rabais s’accompagne d’une flexibilité devenue totale, puisque les plus bas prix sont accessibles sans aucune contrainte.

…et des restrictions qui disparaissent

Alors que British Airways avait déjà abandonné la règle du sunday rule (nuit du samedi au dimanche sur place obligatoire pour accéder au meilleur tarif), la dernière restriction (séjour minimum de deux jours) a disparu. Du coup, les clients ont toute latitude pour faire un aller-retour dans la journée, avec des tarifs totalement combinables entre eux.

British Airways a été suivie par SAS. Début mars 2003, la compagnie scandinave a lancé sous le nom de Scandinavian Light puis Snowflake des vols à bas prix, à partir de 40E hors taxes l’aller au départ de Copenhague et de Stockholm vers une quinzaine de villes européennes (dont Nice). Sa concurrente helvétique Swiss, engagée elle aussi dans un vaste plan de réduction de coûts et fortement malmenée par Easyjet entre la France et la Suisse, a pour sa part lancé en sept- embre 2003 une nouvelle stratégie tarifaire baptisée Swiss in Europe. Disponibles pour 41 destinations, les prix démarrent à 27 E l’aller simple hors taxes entre Paris et Genève ! Comme pour les low cost, les billets sont là aussi vendus en aller simple et les classes de réservation sont combinables entre elles.

Mais Swiss a voulu aller encore plus loin. A l’image des compagnies à bas prix qui encaissent un supplément pour toute réservation effectuée par téléphone, elle avait initialement instauré une surcharge tarifaire de 7,5 E par segment pour tous les billets vendus en agence, avec la ferme intention de pousser les ventes sur son site www.swiss.com. Cette démarche était clairement justifiée par la volonté de contourner les GDS et d’éviter de leur payer des frais de réservation. Devant la colère du Snav, la compagnie a toutefois fait machine arrière.

Iberia a aussi baissé ses prix de manière spectaculaire. Le transporteur espagnol propose maintenant des tarifs à 100 E l’aller-retour TTC entre Paris et Barcelone, en maintenant toutefois la règle de la nuit du samedi au dimanche sur place.

Air France contrainte de suivre le mouvement

Bien que feignant d’être surtout préoccupée par le TGV, Air France ne pouvait pas indéfiniment rester à l’écart de ce mouvement de fond. Comme ses consoeurs, elle a finalement décidé de riposter. Elle vient de lancer en Europe des nouveaux tarifs Semaine (réservables 21, 14 ou 7 jours avant le départ) et pour lesquels l’obligation de la nuit du samedi au dimanche sur place est supprimée. Ils permettent des allers-retours dans la semaine voire dans la journée à petits prix, alors que, jusqu’à présent, il fallait payer un billet économique plein tarif pour profiter de cette souplesse. Au total, les baisses proposées dans cette gamme atteignent 92 % par rapport à l’ancien prix d’appel hors taxes sur Paris-Londres, avec un prix plancher à 75 E TTC l’aller-retour !

Abaisser le coût du passager au kilomètre

Parallèlement, Air France étend à l’Europe ses tarifs Evasion, après les avoir testés sur les vols intérieurs. Ils sont déclinés selon huit classes tarifaires (J-30, J-21, J-14, J-10, J-7, J-4, J-1, J-0). Enfin, la compagnie nationale ajoute un Evasion week-end, réservable jusqu’à la veille du départ, avec une réduction maximum de 92 % par rapport à l’ancien prix hors taxes. Assez curieusement, Lufthansa reste la seule major à résister à cette spirale baissière. Mais pour combien de temps encore ? Outre-Rhin, les low cost se font là aussi de plus en plus pressantes. La compagnie a toutefois appris à résister à la pression, dans un pays où le transport charter constitue une réelle concurrence, et ce depuis longtemps.

Ce travail sur les prix, qui vise à améliorer les remplissages, ne suffit pourtant pas. Pour que les vols européens demeurent rentables (où le redeviennent), il doit être accompagné par une refonte totale du produit lui-même. Le but : abaisser le coût du passager au kilomètre, traditionnellement plus faible chez les compagnies low cost. L’équilibre économique est atteint pour Easyjet avec un prix de billet moyen de 65 E et un taux de remplissage de 80 %, alors qu’il se situe à plus de 100 E chez Air France, avec 70 % de remplissage, explique Jean-Cyril Spinetta, le PDG d’Air France. Pour combler ce différentiel, les compagnies traditionnelles ont opté pour une plus grande densification des appareils. Depuis le deuxième trimestre 2003, SAS a rééquipé 70 avions de sa flotte, avec une dizaine de sièges supplémentaires gagnés sur les espaces cuisines et toilettes. Le gain annuel espéré atteint 82 ME !

Air France n’est pas en reste. En même temps que sa nouvelle grille tarifaire, la compagnie nationale a adapté son service à bord. Fini le gaspillage ! Sur l’ensemble de sa flotte moyen-courrier, elle a harmonisé la restauration, en fonction des heures de départ et des temps de vol. En dehors des repas, elle ne sert plus à ses passagers qu’un rafraîchissement, accompagné de biscuits ou d’une minicollation. Du coup, elle a aussi fortement réduit le personnel à bord. Chaque type d’appareil a perdu un steward ou une hôtesse (les A 318 n’ont plus que trois PNC au lieu de quatre ; les A319 et les A320 quatre au lieu de cinq ; les A321 alignent désormais cinq PNC au lieu de six). Avec ces mesures, Air France ambitionne d’économiser près de 109 ME par an, soit une réduction de coûts de 15 %.

D’autres transporteurs vont encore plus loin, et proposent désormais, comme les low cost, un service de restauration payant. Une révolution qui déboussole parfois la clientèle, qui accepte cette politique pour les compagnies à bas prix, mais la dénonce chez les transporteurs réguliers !

La chasse au gaspi fait des mécontents

Dans le sillage des compagnies régulières américaines sur leurs vols intérieurs, Iberia facture ainsi les boissons et la nourriture, pour les vols de moins de trois heures. Il en coûte 6 à 7 E pour un sandwich et 9 E pour un repas complet. La compagnie espère par ce biais économiser entre 40 et 50 ME d’ici la fin de l’année prochaine. Elle demeure toutefois, pour le moment, une exception dans le ciel européen. Air France a réaffirmé son désir de maintenir un service gratuit minimum à bord.

On le voit : en seulement trois ans, les compagnies à bas coûts ont donc profondément altéré le modèle commercial des transporteurs réguliers. Tous ont dû engager, malgré eux, une véritable course au gaspi. Dans les agences, cette politique n’est pas sans conséquence. La guerre tarifaire que se livrent les trans-porteurs induit chez les clients l’idée selon laquelle il est toujours possible de trouver moins cher, en particulier sur Internet. Les agences s’engagent alors dans des recherches tarifaires complexes, qui valorisent certes leur rôle de conseil mais coûtent cher.

De plus, avec des tarifs à moins de 100 E l’A-R, la commission à 7 % devient largement insuffisante pour équilibrer les comptes. Incon- testablement, le modèle de rémunération actuel ne per-met plus à une agence de gagner sa vie. Après la nécessaire révolution qu’ont dû subir les transporteurs réguliers, les agences vont à leur tour devoir trouver d’urgence un nouveau modèle économique. La généralisation des frais de dossiers semble plus que jamais inéluctable.

La guerre tarifaire induit chez les clients l’idée selon laquelle il est toujours possible de trouver moins cher.

Pour la low cost Easyjet,

l’équilibre est atteint avec un prix de billet

moyen

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