Philippe Sangouard (NG Travel) : « Je m’entends mieux avec la distribution qu’avec certains TO »
Planète Voyages, Austro Pauli, Look, NG… Philippe Sangouard travaille dans le tour-operating depuis 43 ans. Il ressemble à un bon nounours, discret, qui n’aime pas « déranger ». Mais, pour une fois, il a accepté de se livrer… très pudiquement.
L’Echo touristique : Philippe Sangouard qui êtes-vous ?
Philippe Sangouard (directeur de Boomerang Voyages/NG Travel) : Je travaille dans le tour-operating depuis 43 ans. J’ai fait mes armes au Club Med, comme beaucoup d’agents de voyages, en étant GO animateur pendant 2 ans. J’ai touché au tourisme dès l’âge de 20 ans et je ne l’ai pas quitté depuis. C’est une vraie passion, une vraie découverte depuis les années 1974-1975.
Vous êtes marié, vous avez des enfants ?
Philippe Sangouard : Je suis marié, j’ai deux filles. Ma fille de 29 ans vit à Montréal, elle travaille dans le tourisme aussi, en marketing pour le groupe Marriott. Ma seconde fille, de 22 ans, finit sa 5ème année à Paris, elle cherche son parcours.
Et quel parcours pour vous ! On vous connaît depuis longtemps, on vous a vu chez tous les grands TO…
Philippe Sangouard : Mon parcours niveau TO a commencé pendant 18 ans au sein d’une marque à la carte, Planète Voyages, créée par Monsieur Joudon. C’était un pionnier des voyages à l’étranger, comme Philippe Demonchy avec Selectour, Gilbert Trigano avec le Club Med, Jacques Maillot et Nouvelles Frontières. A l’époque, le voyage était quelque chose d’assez exceptionnel. J’ai beaucoup fonctionné à l’humain. Avant de choisir une société, une marque, un produit, cela passe par des rencontres : Monsieur Joudon et Paul Bueno chez Planète, puis Helmut et Madame Pauli chez Austro Pauli.
La dernière histoire, la plus longue et la plus importante, c’est une rencontre avec Olivier Kervella. On a développé un esprit d’équipe chez Look Voyages, qui se poursuit au sein de NG Travel. C’est une fidélité au produit, au concept, et surtout une aventure humaine. Notre profession nous connecte par l’humain. Fournisseurs, distributeurs, compagnies aériennes, offices de tourisme, journalistes : nous faisons partie d’une même famille. C’est important si l’on veut durer de conserver ces valeurs.
Vous semblez très complice avec Olivier Kervella…
Philippe Sangouard : On est très complices. Je connaissais Olivier quand il était chez Anyway et moi chez Austro Pauli. On a fait des opérations ensemble, avec Antenne2 à l’époque. On s’est rencontrés grâce à un ami, Patrice Caradec, quand il a intégré Look. Un déjeuner ensemble à l’Opéra et j’ai tout de suite adhéré à sa vision. J’ai connu pas mal de patrons d’entreprise dans ce métier, mais peu de visionnaires. Pour moi, l’un des meilleurs c’est Olivier Kervella. Depuis 18 ans que nous travaillons ensemble, il a toujours créé des objectifs à 3 ans ou 5 ans. Et à chaque fois ses objectifs sont dépassés. Je ne fais que des sport collectifs. Donc je m’éclate, je m’identifie dans l’équipe collective.
On est un bon commercial si on a un bon produit.
Seriez-vous capable de vendre des glaces à un esquimau par exemple ?
Philippe Sangouard : Quelles que soient les entreprises, mes résultats positifs sont restés positifs. Mais je suis très humble là-dessus. On est un bon commercial si on a un bon produit. On peut être le plus sympathique du monde, si le produit est inadapté au marché et aux distributeurs, la dynamique ne fonctionne pas. Je dis toujours qu’on devient très copain du chiffre d’affaires, et de la production. La partie humaine intervient quand même, mais pour moi, la priorité reste le produit, ce qui a été un des facteurs de ma continuité dans la profession.
Vous avez beaucoup d’amis dans la profession ?
Philippe Sangouard : J’ai beaucoup de copains. Les amis, qu’on peut appeler quel que soit le moment de la journée ou de la nuit, il y en a peu. Dans la profession, cela se résume pour moi à une dizaine d’amis. Mais j’ai aussi des relations de copinage très importantes.
Les vacances pour Philippe Sangouard, c’est quoi ?
Philippe Sangouard : D’abord, c’est de savoir avec qui pars. En famille, c’est très important, avec sa femme, ses enfants et aussi des amis. D’ailleurs, pendant des années, je suis parti an vacances avec des amis de la profession, avec nos familles respectives. Je partirais demain tout seul en Polynésie, sur les plus belles plages du monde, je m’emmerderais profondément. L’été dernier, je suis resté à La Baule avec mes enfants et des amis. Ce furent trois semaines formidables parce que j’étais avec des gens que j’aime.
Vous qui avez connu les débuts de cette profession, quel regard portez-vous en 2021 ?
Philippe Sangouard : J’apprends tous les jours. J’ai quitté la direction d’Austro Pauli pour relever le défi de redresser Look… Tout le monde me disait « Tu étais bien, pourquoi tu pars ? » A 50 ans, on n’est pas sur la route du cimetière au niveau professionnel. On a le droit de prendre des risques et de vivre des émotions. J’ai eu une nouvelle vie professionnelle à partir de cet âge-là. Toute cette équipe de NG et Olivier, je ne les remercierai jamais assez de m’avoir permis de vivre de belles années tout en étant en fin de carrière. J’ai découvert une nouvelle façon de travailler, de nouveaux concepts de clubs, de nouvelles marques. On était en réunion ce matin sur le plan de relance du groupe sur 3 ans, avec des développements de marques et de concept… J’ai rajeuni ! J’ai l’impression d’avoir 30 ans et de repartir voir mes clients, mes distributeurs. Dans les années 80, nous avions 20 places par avion, nous mettions les noms au crayon, nous travaillions avec des fax et des télex. Le travail commercial était super simple, c’était du relationnel. C’était le début du tourisme, donc, il n’y avait presque rien à vendre. Aujourd’hui, on commence une saison, et à un mois du départ, il nous reste encore 40% ou 50% du stock à vendre… L’évolution a surtout été à ce niveau-là. On est devenu beaucoup plus professionnels et matures, dans tous les canaux de distribution et les services des TO.
La crise aura-t-elle finalement été profitable pour le groupe ?
Philippe Sangouard : On a eu la chance de racheter juste un peu avant la crise les marques Jet tours et le club Eldorador. Il y a eu des opportunités de marques, mais aussi des souffrances dans la profession. Des gens ont démissionné et quitté le secteur… Les distributeurs ont également souffert et vont souffrir. Certains ont réduit le nombre de points de vente. D’autres ont peiné à avoir du personnel pour la réouverture du 19 mai. On va s’en sortir parce grâce aux aides importantes à tous les niveaux. Mais je ne peux pas dire que la crise est bénéfique pour nous. Même si la demande redémarre, on est à 40%, 50% du chiffre 2019, que nous espérons retrouver fin 2022 ou en 2023.
On est à 40%, 50% du chiffre 2019, que nous espérons retrouver fin 2022 ou en 2023.
Vous avez parlé de carrière, est-ce que vous vous considérez en fin de carrière ?
Philippe Sangouard : A partir du moment où le nombre d’années à travailler est limité, un peu quand même. J’ai la chance d’être en bonne santé, je travaille avec une équipe motivante et ambitieuse. J’ai beaucoup d’amis dans la distribution. Il y a eu des articles sur les rapports (difficiles) distributeurs/producteurs, sur lesquels je ne suis pas du tout d’accord, on fait parti d’une même famille. Aujourd’hui je m’entends mieux avec la distribution qu’avec certains TO ou producteurs. Je préfère avoir la relation distributeur/producteur que la relation producteur/producteur qui est une relation à 80% des cas très hypocrite. La relation producteur/distributeur est beaucoup plus honnête.
La vie pour Philippe Sangouard, c’est quoi ?
Philippe Sangouard : Le plus important, c’est de se lever le matin et d’avoir envie de vivre la journée, que ce soit au niveau professionnel, amical, sportif. Que ce soit pour aller au bureau, jouer au Poker avec mes amis, faire du vélo, être en famille… J’au vu beaucoup de gens arriver le lundi au bureau avec le visage triste, comme si c’était un fardeau, et d’autres disparaître. La santé est aussi une chance qu’il faut bénir tous les jours.
Vous avez déclaré récemment : « Avec Eldorador, on devient le Netflix du club » …
Philippe Sangouard : Le modèle Netflix me semble extraordinaire, avec son classement des séries – famille, émotions, violence – et ses suggestions. Chez NG, Coralia est positionné sur le club festif, Kappa sur la découverte, Eldorador sur les sports et la famille. Cela correspond à la présentation de Netflix, qui vous donne envie de découvrir une série par rapport à ce que vous avez déjà visionné. Demain, nous pourrions concevoir un site comme Netflix, en B2B, avec des choix selon la typologie de clients. Peut-être le fera-t-on…
Vous ressemblez à un grand nounours… Vous êtes timide ou expansif ?
Philippe Sangouard : La réalité, j’en ai des frissons, je cache bien mon jeu… Je parais sûr de moi, je suis grand, je commence à avoir du volume. Mais je suis, je pense, un hypersensible et un hyper timide. Cette profession m’a beaucoup aidé. Je me souviens quand j’ai pris le micro pour des présentation de brochures, je n’y arrivais pas, c’était impossible. Si on ne fait pas appel à moi, je ne m’impose pas.
Si vous aviez quelque chose à changer, à remodeler ou à revivre ?
Philippe Sangouard : Je n’ai jamais beaucoup de regrets, ils ne font pas avancer. Je suis quelqu’un de positif. Le seul regret c’est de ne pas avoir rencontré Olivier Kervella plus tôt. J’aurais aimé connaitre Olivier longtemps avant pour vivre des aventures plus longues et plus enrichissantes.
Peut-être une autre sorte de regret : trop longtemps, j’ai vécu au jour le jour, certainement dû à la peur de la mort et de la disparition. Je n’ai jamais imaginé vivre aussi longtemps… Si c’était à refaire, je me projetterais avec une vision à plus long terme, ce qui naturellement m’aurait construit autrement. Et je serais un peu plus anticipateur que suiveur au jour le jour.
Voilà un homme beau, dans tous les sens du terme et sympathique. Cela fait un bien fou de rencontrer de dans ce mode de brutes, de telles personnes qui parlent vrai.
bonjour,
il est très bien, ce portrait, il me parle, même génération, et passion des voyages et de l l’humain, ! on s ‘est croisés très souvent Un très beau parcours, un vrai grand pro, joignable en permanence et à l ‘écoute du terrain, c ‘est très rare. Bravo et merci Philippe , souriant, gentil et modeste …. fidèle à lui même, et aux copains ! je lui souhaite le meilleur pour la suite
bel article, Philippe Sangouard est toujours resté discret et simple , ce sont deux grandes qualités. Et de plus, il est très drôle
beaucoup d’humour. Beaucoup de bons souvenirs chez Planete.