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HomeExchange : « La France a sauvé notre année 2020 »

C’est l’une des rares marques du voyage qui n’a pas plongé avec la crise sanitaire. Cette résilience résulte notamment de la place qu’occupe la France dans la stratégie de HomeExchange. Le spécialiste de l’échange de maisons défend aussi des valeurs qui correspondent aux aspirations croissantes des voyageurs. Interview avec Charles-Edouard Girard, son cofondateur.

L’Echo touristique : En France, de nombreux opérateurs du voyage ont connu une chute d’activité de 50% à 80% en 2020. HomeExchange, lui, a enregistré 902 000 nuitées en 2020, soit une baisse de -1% versus 2019 malgré la crise. Comment expliquer cette résilience ?

Charles-Edouard Girard : La France est le pays qui a le mieux résisté dans le monde, par rapport aux autres destinations. Nous avons bien sûr connu de fortes baisses pendant les deux confinements, mais avec de nets rebonds marqués par des échanges de dernière minute. La France a donc bien tiré son épingle du jeu, contrairement à des pays tels l’Italie et le Royaume-Uni qui ont beaucoup souffert. Sur l’ensemble des 187 pays que nous couvrons, notre activité recule d’environ 20% à l’échelle mondiale en 2020.

La destination France a sauvé l’année ?

Charles-Edouard Girard : Oui, la France a sauvé notre année 2020. C’est grâce à la force de l’échange local, qui existait déjà avant la crise. L’échange de maisons était déjà bien développé sur le marché, et s’est accéléré. En 2019, 55% des clients français de HomeExchange étaient partis en France. En 2020, ils étaient 85%. Les 15% restants ont très majoritairement choisi une autre destination d’Europe.

Si la France a sauvé 2020, c’est aussi parce qu’elle occupe une place significative dans l’activité globale…

Charles-Edouard Girard : Oui. La France représente 35% de l’activité et du chiffre d’affaires mondial de HomeExchange, en temps normal.

En tant que spécialiste de l’échange de maisons, vous revendiquez plus de 70% de part de marché mondial. Quels pays sont les plus matures sur ce segment ?

Charles-Edouard Girard : Dans l’ordre, la France, les Etats-Unis et l’Espagne, en nombre d’abonnés et de personnes actives. En taux de pénétration par habitant, c’est l’Islande. En taux de croissance du nombre d’annonces, en 2020, la France et la Belgique arrivent en tête.

Le chiffre d’affaires a reculé de 15% par rapport à 2019.(…) Nous sommes rentables depuis trois ans.

En 2020, comment a évolué le chiffre d’affaires ? Et la rentabilité ?

Charles-Edouard Girard : Le chiffre d’affaires a reculé de 15% par rapport à 2019. Nous dégageons un Ebtitda positif, ce que nos actionnaires nous demandent et apprécient. Nous sommes rentables depuis trois ans. La trésorerie est plutôt bonne. Donc, si un jour nous cherchions de l’argent frais, ce ne serait pas pour combler un Ebtida négatif, mais pour se développer.

Justement, lever de l’argent, c’est une option que vous envisagez ?

Charles-Edouard Girard : Oui, nous regardons. Nous restons très ambitieux dans les échanges de maisons. Nous voulons continuer à croître. Dans tous les pays, nous allons inciter les gens à partir en local en 2021. Notre clientèle est aujourd’hui familiale. Nous avons de nouveaux publics à convaincre de faire des échanges de maisons : les jeunes et les personnes très aisées. Nous avons déjà racheté des entreprises qu’on a bien intégrées. Nous ne nous interdisons pas d’aller chercher de l’argent pour de la croissance externe. Nous pourrions faire de nouvelles acquisitions, pas forcément en France. Notre leitmotiv général, c’est et cela restera l’hospitalité entre particuliers. Nous capitalisons sur nos communautés et la confiance, ce qui permet de grandir dans le travel sans dépenser des millions sur Google.

Airbnb est sans doute votre principal concurrent. Que pensez-vous de son introduction en Bourse – certains parlent de bulle ? Vous inspire-t-elle, pour HomeExchange ?

Charles-Edouard Girard : Airbnb est une magnifique aventure. Le groupe a innové sur l’expérience et la flexibilité, et il a montré son agilité. Mais sa valorisation n’est pas conforme à la réalité, elle reflète sa potentialité. C’est pareil pour Tesla. Le marché parle beaucoup de bulle spéculative. Personnellement, je pense que la professionnalisation d’Airbnb va lui jouer des tours. S’agissant d’un projet d’introduction en Bourse nous concernant, nous y avons déjà réfléchi, il y a quelques années. Aujoud’hui, ce n’est pas d’actualité.

Nous sommes dans la véritable économie du partage.

La plateforme HomeExchange est-elle à l’abri total de ce risque de professionnalisation ?

Charles-Edouard Girard : Il n’y a aucun risque d’avoir des biens de professionnels. Tout simplement parce que vous ne pouvez pas gagner d’argent avec l’échange de maisons. Nous sommes dans la véritable économie du partage.

Votre modèle économique, auprès de vos 450 000 membres, est-t-il uniquement basé sur l’abonnement de 130 euros par mois ? Vous avez arrêté votre produit d’assurance ?

Charles-Edouard Girard : Nous avons effectivement un modèle d’abonnement, qui inclut des garanties. Pendant la crise, par exemple, en cas d’annulation, nous avons maintenu les points acquis (qui comptent comme une monnaie virtuelle lors d’une réservation de maison, NDLR).

Parlons des équipes*. Vous les avez totalement préservées en 2020, malgré la crise ?

Charles-Edouard Girard : Deux personnes sont parties dans l’année, mais pas du tout pour des raisons économiques. Nous avons gardé les équipes, avec lesquelles nous avons toujours joué la totale transparence. L’obtention d’un PGE de quelques millions d’euros a rassuré tout le monde et évité de prendre des mesures difficiles. Nous n’avons pas eu recours au chômage partiel. Les équipes ont été incroyables, efficaces, motivées. Elles ont réussi à s’adapter à la situation, en télétravail. Nous avons travaillé sur des projets de fond sur lesquels nous étions en retard.

Les vacances plus lentes, c’est une tendance structurelle.

Quelles sont les tendances actuelles du voyage ? Conjoncturelles ou structurelles ?

Charles-Edouard Girard : Un tourisme plus lent, plus responsable, avec une recherche d’économies. Les tendances générales nous favorisent. Nous pensons qu’il est possible de partir en vacances sans se ruiner, dans son propre pays comme à l’autre bout du monde. Les vacances plus lentes, c’est une tendance structurelle. L’international, lui, va revenir, mais en plus responsable, dans toutes les destinations. Nous avons des échanges en République Dominicaine qui sont magiques. Cela donne naissance à des vacances très différentes de celles en clubs. Sans croissant au petit-déjeuner, mais avec des produits locaux achetés sur place. Je ne comprends toujours pas pourquoi on retrouve de l’eau Evian à l’hôtel à l’autre bout de la planète…

Selon vous, le tourisme peut-il être – le mot est volontairement fort – « prédateur » ?

Charles-Edouard Girard : Oui. Je ne vais pas me faire que des amis. Mais le microcosme du tourisme veut faire croire que partir loin, hors des sentiers battus, est réservé aux bobos et aux riches. C’est faux, comme le prouve l’échange de maisons. Des instituteurs et des infirmières en Normandie, des gens « normaux » avec une « petite » maison, ont fait 70 échanges avec nous, dans le monde entier ! Or ils ne roulent pas sur l’or. Le tourisme doit aussi être inclusif. Je ne suis pas sûr que les habitants du Mont Saint-Michel soient heureux de voir débarquer des bus entiers. Les institutionnels auraient d’ailleurs tout intérêt à ne pas toujours mettre en avant les mêmes lieux, comme la Tour Eiffel ou le Château de Versailles.

Comment se profile 2021 ?

Charles-Edouard Girard : Les 3 ou 4 premiers mois devraient rester compliqués. L’été sera a priori bon dans tous les pays où nous faisons du local, comme la France et les Etats-Unis. L’international va plutôt redémarrer en 2022. Nous pensons renouer avec la croissance cette année, en France et au niveau mondial. Nous avons souffert en 2020, les gens vont avoir besoin de se reposer et de se ressourcer en partant en vacances. Sans doute au dernier moment.

Quelles sont les perspectives 2021 en France ?

Charles-Edouard Girard : La dernière minute, le local qui rassure, et moins d’urbain. L’Auvergne et la Bretagne devraient bien marcher. Les villes comme Paris ont perdu en attractivité. L’Ile-de-France était en 2019 notre première région, elle n’est plus dans le top 5. Ma propre maison, qui est sur notre site depuis 2012, n’a fait l’objet d’aucun échange l’été dernier. Cela n’était jamais arrivé l’été…

HomeExchange : top 5 des régions en 2020 

(en nombre de nuitées)

  1. Auvergne-Rhône-Alpes 16%
  2. PACA 14%
  3. Bretagne 14%
  4. Occitanie 13%
  5. Nouvelle-Aquitaine 13%

*75 employés aux Etats-Unis, en France et en Croatie

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