[Exclusif] Asia : « Nous attaquons l’Europe avec Intermèdes en 2021 »
C’est un partenariat original qu’Asia vient de conclure avec un autre voyagiste, notamment pour sécuriser les avoirs des clients. Son PDG Guillaume Linton en dévoile tous les détails dans une interview exclusive.
L’Echo touristique : L’activité a reculé de 80% en 2020 pour de nombreux TO. Chez Asia, qui a enregistré 70,4 millions d’euros en 2019, quel est le bilan ?
Guillaume Linton : Nous avons fini l’exercice se terminant le 31 octobre avec environ 28 millions d’euros, soit un recul de -65%. Nous avons relativement bien résisté dans la mesure où l’hiver 2019/20 s’est révélé crucial. Nous avions déjà engrangé une bonne partie de l’hiver au 15 mars 2020, avant le premier confinement, avec une progression notable des réservations de +17% à fin janvier. Ensuite, nous avons vendu quelques départs en France, à environ 150 clients, contre environ 6000 clients habituellement sur nos destinations habituelles d’été.
Vous faîtes une croix sur l’hiver ?
Guillaume Linton : Oui, quasi complètement. Nous faisons une croix sur l’hiver 2020/21. Nous supprimons tous les départs Asie, Moyen-Orient et Pacifique, jusqu’au 28 février inclus. Sauf sur quatre destinations : les Maldives, Dubaï, La Réunion, mais aussi en B2C uniquement, la France. Sur l’Hexagone, nous ne sommes pas en mesure d’être en B2B, nous n’avons pas la profondeur de marge requise.
Le vaccin ne suffira pas à faire repartir les destinations touristiques.
L’Asie ne rouvre pas ses frontières, ou si peu. Comment l’expliquer ?
Guillaume Linton : Le vaccin crée de sérieux espoirs, c’est un point crucial à appréhender. Mais il ne suffira pas à faire repartir les destinations touristiques. Certains pays redoutent que, même vaccinés, les voyageurs puissent demeurer de potentiels porteurs sains du virus. Les destinations d’Asie, qui ont su protéger leurs populations, se posent pour certaines la question. Les vaccins ne vont pas se substituer aux tests PCR. Des pays d’Asie vont éventuellement exiger les deux, le vaccin et le test PCR ou antigénique. Cette double disposition permettrait d’éviter toute septaine ou quatorzaine à l’arrivée, qui serait dissuasive pour nos clients. Il existe un autre point, qu’on évoque rarement : l’avènement de traitements, moins coûteux et plus accessibles peut-être que le vaccin pour les populations locales, pourraient aussi avoir des conséquences sur les décisions des autorités. Bravo, d’ailleurs, à ll’initiative du collectif CDMV pour soutenir la recherche de l’Institut Pasteur dans ce sens.
En attendant une vraie reprise de l’Asie, vous lancez donc le moyen-courrier en 2021, avec un partenaire renommé du tourisme culturel, Intermèdes…
Guillaume Linton : Oui, nous attaquons la France et l’Europe avec Intermèdes en 2021, en petits groupes accompagnés par des guides conférenciers -historiens passionnés ou historiens de l’art- en départs garantis. Nous travaillons depuis deux mois sur le projet avec les équipes de Jérôme Faucheur de Battisti, DG d’Intermèdes. Nous aurons une trentaine de circuits en groupes de 20 personnes au maximum, sur 12 destinations : France, Italie, Suisse, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Grèce, Pays baltes, Russie, Portugal, Irlande, voire peut-être Scandinavie et Croatie. Soit près d’une centaine de dates de départ, de mars à octobre 2021, pour un potentiel initial de 1500 sièges. Je suis très heureux de ce partenariat avec Intermèdes.
S’agira-t-il d’une production spécifique, créée par Intermèdes pour Asia ? Dans le cas contraire, les prix seront-ils les mêmes entre ceux affichés par Asia et ceux affichés par Intermèdes auprès de sa clientèle directe ?
Guillaume Linton : Ce n’est pas une production dédiée. C’est une partie de la production d’Intermèdes, commercialisée exclusivement par Asia en B2B et via nos agences en propre, aux mêmes prix finaux. Intermèdes, qui vend habituellement sa production en B2C uniquement, a la profondeur d’offres et l’expertise culturelle sur le moyen-courrier que nous n’avons pas. Nous, nous avons la puissance de commercialisation. La trentaine de circuits de la collection Intermèdes avec Asia vont d’ailleurs être disponibles sur nos sites (pro et grand public) ainsi que sur Orchestra. Une première !
« Avec un partenaire comme Intermèdes, nous pouvons aussi sécuriser les avoirs sur des destinations moyen-courriers en 2021. »
C’est aussi pour sécuriser les avoirs ?
Guillaume Linton : Oui, c’est avant tout pour sécuriser nos avoirs -entre nos mains et celles de nos agences partenaires- et permettre leur usage sur des destinations moyen-courriers ouvertes en 2021. Les avoirs Asia représentent plusieurs millions d’euros. C’est aussi pour cette raison que l’accord est précieux, et représente un effort très important pour Asia, Intermèdes et la distribution.
Justement, avec Intermèdes, vous ajoutez un intermédiaire dans la chaîne de valeur, qui doit se rémunérer. Quel est le modèle économique. Les agences vont-elles empocher une commission moindre ?
Guillaume Linton : Les conditions seront sans doute aménagées. Une commission moindre ? Probablement, mais vaut-il mieux rembourser un client du fait d’un report impossible sur du long-courrier au printemps prochain ou transformer son avoir grâce à la solution apportée par le TO partenaire, quitte à accepter momentanément une commission légèrement moindre ? Nous avons d’ailleurs déjà reçu l’accord de principe de deux grands réseaux nationaux qui ont parfaitement compris leur intérêt et celui de leurs clients.
Cette ouverture au moyen-courrier est conjoncturelle, plus que structurelle ?
Guillaume Linton : Le sujet qui obsède les dirigeants touristiques que nous sommes, n’est pas seulement la question de la survie de nos entreprises jusqu’à la ligne d’arrivée, mais c’est celle de l’état dans lequel nous franchirons cette ligne d’arrivée. Comme nos confrères, nous ne retrouverons pas les volumes long-courriers de 2019 avant 2023 au plus tôt. C’est vrai pour les TO comme pour les compagnies aériennes. D’où l’importance de miser, côté agences et TO, sur la valeur de nos propositions plutôt que sur les volumes attendus. Plus que le prix, la valeur sera le nouvel étalon de l’ère post-Covid. Il faut avoir à l’esprit qu’un prix bas associé à un voyage dans l’après-Covid, sera nécessairement suspicieux… Je suis convaincu que ça sera le cas en matière de voyages, comme dans de nombreux autres domaines liés aux besoins supérieurs de la pyramide de Maslow : appartenance, estime et accomplissement…
Selon vous, que restera-t-il dans l’ère post-Covid, au niveau d’Asia et de l’industrie en général ?
Guillaume Linton : La polyvalence sera absolument clé pour tous les professionnels. Les réseaux sont déjà très engagés sur ce sujet, comme l’évoquait récemment Christophe Jacquet, DG d’Havas Voyages, dans vos colonnes, ou comme l’animent déjà TourCom ou le Cediv par exemple au travers des visios régulières avec leurs plus proches partenaires. Chez Asia, depuis près d’un an maintenant, notre réflexion sur la valeur de nos propositions s’appuie sur trois axes : renforcer l’expertise et la polyvalence des collaborateurs, instaurer un rituel client – les agences doivent devenir les gestionnaires du temps libre des clients -, et sélectionner les offres des partenaires avec une extrême minutie.
Aujourd’hui, à quelle hauteur les équipes sont-elles en activité partielle ?
Guillaume Linton : Notre particularité, c’est d’être plongés dans la crise depuis près d’un an. Soi depuis mi-janvier pour nous, avec la fermeture progressive de l’Asie. Ce qui justifie les réflexions et les décisions que nous partageons aujourd’hui. Depuis le mois de septembre, les équipes sont en activité partielle, à hauteur de 10% à 30% de temps travaillé. Pendant cette période, nous avons encouragé les formations de nos collaborateurs et mis en place le programme Care via le CSE, afin de nous assurer de la bonne santé psychologique et physique des équipes. Aujourd’hui, nous prévoyons une reprise progressive de l’activité. Et nous voulons nous donner toutes les chances de réussir la relance tant attendue en 2021.
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