France : la « bataille » des mairies contre les meublés touristiques commence à faire ses preuves
Une loi adoptée fin 2024 donne aux maires des outils pour limiter le développement des meublés touristiques. Les édiles s’en sont rapidement saisis.
« Depuis les nouvelles réglementations, à Biarritz, on a perdu la moitié de notre business ». La conciergerie HostnFly commence à ressentir les effets dans cette station huppée du sud-ouest de la France des différentes réglementations mises en place pour contrer l’explosion des meublés de tourisme.
En novembre 2024 a été adoptée en France une loi pour rendre la location de meublés touristiques moins avantageuse fiscalement et donner aux maires des outils pour limiter leur développement, qui accentue la crise du logement dans certaines zones déjà tendues. S’ils le jugent nécessaire, les maires peuvent désormais plafonner à 90 le nombre de jours dans l’année où un particulier peut louer sa résidence principale sur une plateforme.
« On est en train de gagner la bataille contre les Airbnb »
« A Paris, ça n’impacte pas tant que ça le business pour le moment », constate Quentin Brackers de Hugo, président de la conciergerie HostnFly. Mais « dans certaines villes, c’est drastique ». Marie Pistinier, présidente du syndicat des professionnels de la location meublée, voit pour sa part des « impacts directs » de cette mesure. Elle affirme avoir « dû (se) réorienter vers des locations moyenne et longue durée en partie à cause des réglementations » récentes.
Désormais dans de nombreuses villes, si un propriétaire veut louer sa résidence secondaire sur des plateformes de location touristique, comme Airbnb ou Abritel, il doit demander à la mairie une autorisation de changement d’usage du bien immobilier vers une activité commerciale.
« On est en train de gagner la bataille contre les Airbnb », se félicite Jacques Baudrier, adjoint au logement de Paris. A Biarritz, les réglementations mises en place font que « quasiment plus aucun nouveau logement ne peut être mis en location. Et les autorisations ne sont pas renouvelées par la mairie », selon le président de HostnFly.
A Biarritz, les commerçants font grise mine
Il s’oppose à ces nouvelles règles. Selon lui, des résidences secondaires vont rester vides « en moyenne 330 jours par an ». Et la baisse du nombre de logements en location touristique a un impact négatif sur « le tourisme local, sur les commerces de proximité ». « A Biarritz, les commerçants ont fait grise mine l’année dernière », déplore-t-il.
Toutes les communes peuvent maintenant aussi mettre en place des quotas de meublés de tourisme. Une mesure « très intéressante », selon Quentin Brackers de Hugo qui critique cependant les quotas « trop stricts » de certaines villes. Comme Saint-Malo, qui limite à 370 le nombre de locations touristiques autorisées dans la vieille ville.
A Nice, jusqu’à 70% des logements touristiques sont détenus dans certains quartiers par des investisseurs professionnels selon la mairie. La mise en place de ces quotas et d’autres mesures ont permis « d’infléchir la courbe du nombre de locations saisonnières depuis deux à trois ans », se félicite Anthony Borré, premier adjoint au maire, délégué au logement.
25 000 meublés touristiques illégaux à Paris
Airbnb indique n’avoir « pas constaté d’évolution récente significative du volume d’offres disponibles sur Airbnb en France en général ». Avec la nouvelle loi, les propriétaires ne peuvent plus se cacher derrière des sociétés civiles immobilières (SCI) ou des conciergeries. Celles-ci sont désormais soumises à la même réglementation que les personnes physiques.
« Avant, il pouvait y avoir des abus et des gens qui passaient sous le radar. La mairie de Paris s’assure que la loi est suivie. Les mailles du filet sont de plus en plus fines », conclut Quentin Brackers de Hugo. « Comme on est en train de gagner de plus en plus de procès et que les amendes sont beaucoup plus élevées, les propriétaires vont peu à peu arrêter devant le risque« , explique Jacques Baudrier.
Les locations de meublés touristiques illégaux sont estimées à 25.000 à Paris, selon les services de la ville. « On est dans une dynamique où, maintenant, l’arsenal juridique nous est favorable. Donc on va limiter très fortement le nombre de meublés touristiques illégaux », anticipe l’élu parisien.
A Paris, pour lutter contre les locations de ce genre de meublés, des agents mènent des enquêtes sur les réseaux. Ils cherchent des preuves et intentent des procès. Avec de plus en plus de succès.