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Emmanuelle Llop : « La responsabilité de la compagnie aurait pu être mise en jeu »

Suite au récent article sur l’accident d’un client à l’aéroport, Maître Emmanuelle Llop (Equinoxe Avocats) nous apporte son éclairage sur la responsabilité de l’agence de voyages condamnée pour la fracture de cheville de la victime.

L’affaire est « classique ». Une agence a vendu un forfait à un voyageur, comprenant le transport aérien, les transferts et l’hébergement. Le voyageur est blessé lors des opérations de débarquement à l’aéroport. Il met en cause la responsabilité de l’agence car l’incident s’est produit pendant le transport, opéré par le prestataire de l’agence.

Le premier juge rejette la demande car le voyageur ne démontre pas les circonstances de l’accident ni la preuve du manquement contractuel de l’agence ou de l’un de ses prestataires. Puis la Cour d’Appel de Versailles, dans un arrêt n°1, ne retient pas plus la responsabilité de l’agence même si elle ne se fonde pas sur le même raisonnement. La Cour de Cassation rappelle alors les principes qui régissent la responsabilité de plein droit pour soi ou pour autrui et casse l’arrêt n°1.

Au voyageur de prouver le manquement, pas la faute de l’agence

Car en effet, la responsabilité de plein droit est une responsabilité sans faute prouvée. Cela implique que si un manquement se produit pendant le voyage, il suffit au voyageur de démontrer la réalité de ce manquement ainsi que son dommage et le lien entre les deux. Et non pas la faute de l’agence.

Les cas d’exonération sont limités à trois : lorsque le dommage imprévisible et insurmontable est imputable au voyageur ou à un tiers au contrat ou enfin, à des circonstances exceptionnelles et inévitables (CEI). Ainsi, une intoxication alimentaire pendant le séjour, une chute, une morsure ou une blessure lors d’un accident routier pendant une excursion relèvent de la seule responsabilité de l’agence sauf si cette dernière peut prouver que le voyageur a pris ses repas hors de l’hôtel, n’a pas écouté les consignes ou n’a pas attaché sa ceinture. Dans ce cas, l’agence sera exonérée en tout ou partie de sa responsabilité de plein droit.

L’agence doit prouver l’imprudence du voyageur

Du point de vue de l’agence dans cette affaire, il ne suffit pas de prétendre que le voyageur est certainement à l’origine de son accident si le sol était signalé comme mouillé. Il lui aurait fallu prouver que le voyageur s’est comporté de manière imprudente malgré des instructions claires (par exemple, pour aller plus vite, le voyageur emprunte sciemment un chemin signalé comme interdit car glissant, et des témoignages viennent en attester).

La même Cour d’Appel dans un arrêt n°2 applique donc les principes que la Cour de cassation a rappelé et qui sont corrects, en l’état du Code du Tourisme applicable à l’époque des faits, identiques aujourd’hui : faute de démontrer le fait du voyageur à l’origine de son accident, ou bien d’un tiers ou des CEI, l’agence est responsable de plein droit des conséquences de l’accident survenu pendant les opérations de transport.

L’agence de voyages aurait pu être remboursée

À mon sens, il est un point de droit plus intéressant à retenir de cette décision. Il me semble que l’agence n’a pas appelé en garantie le prestataire en charge du transport. Or, le Code du Tourisme, ancien comme nouveau, prévoit que la responsabilité du professionnel est limitée par les Conventions internationales applicables à la responsabilité du prestataire : indépendamment des plafonds de responsabilité retenue par la Convention (ici de Varsovie, mais qui n’étaient pas dépassés dans cette affaire), c’est la responsabilité de la compagnie qui aurait pu être mise en jeu par l’agence dès le début, dans le cadre d’une action en garantie. L’agence (ou son assureur de RCP) aurait ainsi été remboursée des sommes auxquelles elle a été condamnée pour indemniser le préjudice du voyageur.

Pour le reste, cet arrêt n’est que la stricte illustration des principes de la responsabilité de plein droit, que la Cour de Cassation, juge du droit et non des faits, est venue rappeler sans que cela ne m’étonne plus que ça, même si bien entendu je déplore la lourdeur de ce mécanisme.

Emmanuelle Llop, fondatrice d’Equinoxe Avocats

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