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Critique des crédits carbone : Alain Capestan (Voyageurs du Monde) réagit

Une récente étude critique vertement des programmes de crédits carbone. Etonnant ? Nous avons interrogé à ce sujet Alain Capestan, directeur général délégué de Voyageurs du Monde, depuis de nombreuses années.

L’Echo touristique : L’analyse récente du média britannique The Guardian et du journal allemand Die Zeit torpille des crédits carbone certifiés par Verra. Voyageurs du Monde s’intéresse au sujet de l’absorption/compensation depuis plusieurs années. Etonné par cette critique ? Déçu ?

Alain Capestan : Etonné, oui, Verra étant un organisme international de certification reconnu. Mais pas totalement étonné non plus : les programmes concernés, appelés REDD+, sont des programmes d’évitement. Leur objectif est de faire en sorte que, par le financement, les forêts ne soient pas coupées. Qu’elles soient protégées. Le problème, c’est qu’il est très difficile de valoriser l’additionnalité des mesures et des investissements pris. C’est presque impossible de prouver que, par son action, on a réduit ou évité une déforestation. Les organismes de certification ont un seul levier pour tenter de le démontrer : les outils statistiques, qui regardent dans le passé les hectares disparus. Ces outils mathématiques peuvent se tromper, dans un sens comme dans un autre… Mais faut-il pour autant tout jeter le bébé avec l’eau du bain ? Moi, je dis non. C’est là où je diverge des conclusions de l’article (du Guardian). Même si, oui, il peut y avoir quelques erreurs ou des abus. Il ne faut pas non plus faire d’amalgame avec l’absorption par plantation.

Il ne faut confondre les programmes d’évitement et de reforestation, qui sont très différents.

Mais les conclusions de l’étude publiée par The Guardian, contestées par Verra, sont édifiantes : il n’est pas dit que 50% des programmes de compensation carbone financés par les entreprises ne valent rien, mais 90%…

Alain Capestan : Si c’est effectivement avéré, il y a un vrai problème. Mais j’aimerais avoir plus de détails afin de comprendre comment nous parvenons à de telles conclusions. Là, c’est une étude statistique comparée à une autre étude statistique. C’est un débat d’experts. Le sujet est extrêmement complexe.

Les articles  publiés ont le mérite de soulever la question, c’est un point intéressant. Incontestablement, c’est très bien de protéger les forêts. La question qui se pose selon moi : la protection des forêts doit-elle générer des crédits carbone ? Je pense que non, dans la mesure où l’additionnalité est très difficile à prouver. C’est mon point de vue personnel.

Pour aller plus loin : Voyageurs du Monde n’a jamais eu recours à des programmes d’évitement ?

Alain Capestan : Si, un petit peu au tout début (vers 2010, NDLR), quand nous étions dans l’ignorance. Nous manquions alors d’expérience. Nous avons arrêté quand nous avons compris que cela posait ce type de problème (du manque de preuve évidente, Ndrl). Nous apprenons souvent en faisant des bêtises. Et c’est aussi la raison pour laquelle je peux me permettre d’en parler. Encore une fois, apporter la preuve que quelque chose ne se serait pas passé est quasi impossible. Par contre, c’est très facile de prouver que des arbres ont poussé, il suffit de regarder et de les quantifier. Il n’y a pas de sujet. Chez Voyageurs du Monde, nous investissons dans des programmes de reforestation, qui sont très différents des programmes d’évitement. Ces programmes ont d’ailleurs prévu des « buffers » : cela consiste à retirer d’autorité une partie des plantations, dans le calcul des crédits carbone, pour anticiper et intégrer le risque naturel de pertes. C’est une démarche des organismes de certification sérieux.

Depuis 13 ans maintenant, Voyageurs du Monde participe à des programmes de reforestation.

Combien de tonnes de CO2 le groupe Voyageurs du Monde a-t-il absorbé en 2022 ?  

Alain Capestan : 218 000 tonnes de CO2 en 2022, contre 316 000 tonnes en 2019, soit 1,330 million d’euros pour toutes les marques du groupe. Nous les absorbons pour environ 6,20 euros la tonne en moyenne. Nous sommes majoritairement sur des programmes de plantation de mangroves.

Les émissions 2022 ont ainsi baissé de 31%, par rapport à 2019. Le nombre de clients a reculé de 20% dans le même temps. Donc, les réductions représentent 11 points, et résultent de différents facteurs : amélioration des flottes des compagnies, pratiques aéroportuaires, comportements des clients, etc.

Depuis 13 ans maintenant, Voyageurs du Monde participe à des programmes de reforestation pour contribuer à absorber les émissions que nos clients produisent pendant leurs voyages. Parallèlement, nous essayons de réduire l’empreinte carbone des voyageurs comme des collaborateurs. Nous incitons notamment nos clients à prendre des vols directs, le train quand c’est possible, et à manger local.

Comme Voyageurs, le fonds de dotation du Seto*, sur lequel vous avez travaillé, n’investit que dans la reforestation ?

Alain Capestan : Oui. 24 membres du Seto vont collecter un peu plus d’un million d’euros. Comme nous, ils seront co-investisseurs dans des projets de reforestation, avec Livelihood. Et bien sûr, les crédits carbone issus de ces programmes ne seront pas remis sur le marché, ils ne seront pas revendus. Ce sont des dons.

A lire aussiA. Capestan (Voyageurs du Monde) : « Ceux qui critiquent l’absorption s’inventent un alibi pour ne rien faire »

*Syndicat des entreprises du tour-operating

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