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Charles Lévêque : « Le bilan carbone, c’est un levier pour réduire ses émissions »

Quelles entreprises ont l’obligation de mener un bilan carbone ? Quel est, aussi, l’intérêt de le faire ? Les réponses de Charles Lévêque, président de OuiAct.

L’Echo touristique : Mener un bilan carbone est obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salariés. Sur quels périmètres ?

Charles Lévêque : Le bilan carbone est obligatoire pour les entreprises de plus de 500 personnes sur les Scopes 1 et 2, soit concernant les émissions directes. En général, c’est 0,1 à 15% de l’empreinte carbone totale des entreprises. Mais en fait, depuis le 1er janvier 2023, on doit s’intéresser à toutes les émissions de gaz à effet de serre significatives. Donc, on ne peut pas se contenter de calculer sur les Scopes 1 et 2. Il faut aussi considérer les gaz à effet de serre sur tous les champs où l’entreprise peut générer du CO2 de manière significative.

Charles Lévêque

Donc, dans le voyage, cela signifie qu’on intègre les émissions de CO2 des clients ?

Charles Lévêque : Exactement. Si nous prenons l’exemple d’une agence de voyages ou d’un voyagiste, ses Scopes 1 et 2 correspondent à sa consommation d’énergie pour faire fonctionner son commerce : le chauffage des bureaux, le carburant des véhicules des employés, l’électricité. Mais pour son bilan carbone, il faut prendre en compte les émissions sur lesquels le voyagiste a un levier. Sur ce point, le plus gros poste correspond aux voyageurs et à leurs déplacements, qui génèrent 80% à 99% du bilan carbone. Maintenant, ce qui est intéressant dans un bilan carbone, ce n’est pas seulement le calcul, mais aussi le plan de transition.

Ce plan de transition est lui aussi obligatoire, n’est-ce pas ?

Charles Lévêque : Oui, tout aussi obligatoire que le bilan carbone, en vertu du Code de l’environnement. Il faut que l’entreprise précise de quelle manière elle compte réduire son empreinte carbone. Pour un voyagiste, il s’agira de promouvoir des voyages plus proches et plus longs ainsi que des gestes éco-responsables. C’est nettement plus efficace qu’en changeant ses ampoules par des Led et en achetant des véhicules électriques.

Bientôt, le bilan carbone deviendra-t-il obligatoire pour les entreprises de plus de 250 entreprises ?

Charles Lévêque : Oui, peu à peu, la réglementation évolue pour abaisser les seuils. Rien n’est définitif. Ce sera normé par la CSRD européenne (pour Corporate Sustainability Reporting Directive, Ndlr), qui va remplacer la DPEF. L’objectif est d’inciter les entreprises à faire, en plus d’une comptabilité financière, un reporting extra-financier incluant le bilan carbone. C’est ce que la directive européenne appelle le reporting de durabilité.

La réglementation, c’est peut-être le dernier des leviers de motivation pour un bilan carbone.

La Convention des entreprises pour le climat militait pour un bilan allant jusqu’au Scope 3, pour les entreprises de 50 salariés et plus. Demain, même les PME auront cette obligation ?

Charles Lévêque : Oui, évidemment. Parce qu’on a bien identifié que le gros des émissions et des leviers se situe sur le Scope 3. D’autant plus que nous avons en France une électricité fortement décarbonée puisque nucléaire. Et donc, les Scopes 1 et 2 pèsent assez peu.

Mais beaucoup de PME n’attendent pas l’obligation réglementaire pour faire un bilan carbone. Quels sont les moteurs pour l’entreprendre ? La réglementation, qui n’est pas très contraignante et a minima, la demande des clients qui sont exigeants en termes de transparence à ce sujet, celle des investisseurs qui les poussent à agir, et la motivation de dirigeants proactifs. La réglementation, c’est peut-être le dernier des leviers. Et je pense que nous allons être plus vite rattrapés par l’urgence climatique.

En rendant obligatoire le bilan carbone pour toutes les entreprises, l’Etat s’achemine-t-il vers une taxation à la tonne de CO2 émise ?

Charles Lévêque : Oui. Il y a déjà eu un renforcement de la taxe carbone au niveau européen. L’Union européenne souhaite que toutes les entreprises soient concernées à terme. Je ne vais pas prendre l’exemple du transport aérien, qui est souvent pointé du doigt. Prenons l’exemple de l’alimentation.  L’empreinte carbone de l’entrecôte est 10 à 20 fois plus élevée que celle de la salade végétarienne. Demain, nous pourrions imaginer une taxation carbone sur les plats les plus carbonés. Mais en face, il faudrait aussi un amortisseur social pour que tout le monde puisse bien s’alimenter…

Quelle méthode utiliser pour ce fameux bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES), obligatoire pour les entreprises de plus de 500 salariés ?

Charles Lévêque : On doit s’appuyer sur la méthode du bilan carbone de l’Ademe, créée en 2004. D’autres méthodes existent dans le monde. Mais en France, c’est le bilan carbone qui fait l’unanimité, et toutes les entreprises françaises l’utilisent.

En cas de non-respect, des amendes sont prévues. Mais on a l’impression qu’elles ne sont pas appliquées…

Charles Lévêque : Depuis le 1er janvier 2023, la sanction maximale atteint 10 000 euros, elle peut être portée à 20 000 euros en cas de récidive. Cette amende ne fait pas peut au dirigeant… D’autant qu’elle est inférieure, bien souvent, au bilan carbone.

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