Comment certaines marques peuvent s’inviter dans le secteur du tourisme
À l’occasion de ConX 2025, Ada Xu (Fliggy) et Emilie Dumont (Digitrips) ont partagé leur vision sur l’entrée de marques venues d’autres horizons dans l’industrie du voyage. Innovation technologique, écosystèmes collaboratifs et enjeux écologiques sont, pour elles, au coeur des enjeux.
L’une représente un site de réservation — Fliggy — qui a émergé au sein d’un groupe à l’origine bien loin du voyage : le géant chinois Alibaba. L’autre est directrice générale de Digitrips (MisterFly), un spécialiste B2B de la vente de vols secs et de voyages. Respectivement, Ada Xu et Emilie Dumont ont décrypté les conditions d’entrée des marques non touristiques dans le voyage. C’était lors d’une table ronde à l’édition 2025 de ConX, tenue à Palma de Majorque, fin mai 2025.
« Avant tout, il faut de l’envie », concède Emilie Dumont. « L’envie de proposer un produit qui fasse rêver, un produit lifestyle que les gens désirent. » Mais l’envie n’est évidemment pas suffisante : si « le voyage est une bonne façon de construire une expérience de shopping différente », le secteur demande un certain nombre de compétences spécifiques.
Capitaliser sur l’unicité
« Il faut proposer une expérience unique si l’on ne veut pas être un énième revendeur de voyages », ajoute la directrice générale de Digitrips. « Pour réussir, une marque doit donc vouloir réellement créer quelque chose avec sa clientèle, et non simplement ajouter une ligne à son portefeuille. Elle doit aussi faire preuve de réalisme et s’appuyer sur les professionnels du secteur. »
C’est ce qu’a fait Alibaba au moment de lancer Fliggy. « Traditionnellement, nous travaillons avec des acteurs du voyage », détaille Ada Xu, directrice régionale EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) chez Fliggy. Au-delà des collaborations avec les compagnies aériennes et ferroviaires — SNCF, Air France — ou les spécialistes de l’hébergement — Club Med, Accor — la plateforme signe aussi des partenariats avec des destinations, comme ce fut le cas avec Visit Paris Region, le Château de Versailles ou le Musée du Louvre.
« Alibaba est un écosystème qui se construit autour du marché. Tout arrive parce qu’il y a une offre et une demande. » Fliggy est ainsi née d’une forte demande de la clientèle chinoise. Son objectif : fournir un « package » complet dans un parcours « seamless » (sans couture). Pour ce faire, la plateforme agrège 400 compagnies aériennes et agents de voyages, 8 000 lieux, 600 000 hôtels et auberges, ainsi que des centaines de milliers d’activités.
Valeur ajoutée et IA
Se concentrer sur la valeur ajoutée, c’est également ce que défend Emilie Dumont. « Si une marque s’entoure de professionnels pour gérer tout ce qui concerne le sourcing, la connectivité, la logistique et le service client, elle doit alors se concentrer sur sa proposition de valeur », détaille la dirigeante. « Il s’agit de réfléchir à ce qu’elle peut offrir de différent à ses clients, comment elle peut enrichir leur expérience globale, et comment intégrer intelligemment le voyage à son offre existante. »
Il s’agit également de répondre intelligemment aux enjeux auxquels fait aujourd’hui face l’industrie. Le premier défi, c’est sans surprise, selon Emilie Dumont, « l’intelligence artificielle, et comment l’utiliser intelligemment pour continuer à proposer des expériences à forte valeur ajoutée, sans tomber dans la standardisation des réponses et des offres. Il y a un vrai travail à mener sur l’intégration de ces outils pour réellement améliorer l’expérience client. » Fliggy a ainsi développé AskMe, un assistant de voyage conversationnel basé sur l’intelligence artificielle.
Des enjeux d’empreinte écologique
Ada Xu croit en la démocratisation de ces nouvelles technologies et de la réalité augmentée. « Il faut passer à la création d’un véritable écosystème », plaide-t-elle. « Nous avons besoin de plus d’innovation, de collaborations intersectorielles. »
Et Emilie Dumont de compléter — et de conclure : « Le second défi majeur, c’est l’empreinte écologique du secteur. Comment le voyage va-t-il évoluer pour répondre à cette préoccupation mondiale, qui concerne l’humanité toute entière, même si elle est partagée de façon inégale selon les pays et les personnes ? Notre industrie est à l’image de la vie : elle est humaine, elle évolue, et elle doit se confronter à ces enjeux universels. »