Chômage partiel : quand (et comment) passer à l’APLD dans le tourisme
Quand passer à l’APLD et quelles sont les erreurs à ne pas commettre ? Les réponses de l’avocate Marie-Laure Tarragano, avocate en droit social.
Pour le déploiement de l’Activité partielle de longue durée (APLD), les entreprises du voyage ont deux solutions au choix : soit l’accord de branche signé par les Entreprises du Voyage (EdV) et le Syndicat des entreprises du tour-operating (Seto) soit un accord qu’elles mettront elles-mêmes au point en interne. Selon un sondage effectué auprès des 550 professionnels participant au webinaire organisé par les EdV et L’Echo touristique jeudi 8 avril, avec l’avocate en droit social Marie-Laure Tarragano, la quasi-totalité des acteurs vont donc reprendre et adapter le « document unilatéral ». C’est plus simple, mais il faut toutefois respecter quelques grands principes, ne rien oublier, et bien s’organiser.
En août ou en novembre ?
De nombreux employeurs et employés s’interrogent sur la date de mise en place de l’APLD. L’échéance dépend du niveau de reprise des ventes.
Pour les entreprises subissant une perte de chiffre d’affaires d’au moins 80% en 2021, le zéro reste à charge pour l’employeur sera maintenu en l’état pour les heures chômées du 1er juillet 2021 au 31 octobre 2021. Par conséquent, « on reste en Activité partielle jusqu’au 31 octobre, avec 0 reste à charge Stant qu’on est à moins 80% de CA », souligne Marie-Laure Tarragano. L’APLD sera alors déployée au 1er novembre.
Pour les acteurs du tourisme dont le CA recule de moins de 80%, « il faut mettre en place l’APLD dès le mois d’août. Pourquoi ? Parce que si, en juillet 2021, le reste à charge reste le même pour la société (15%), que l’on soit AP ou APLD, par contre il passe à 25% à partir d’août 2021, puis à 40% dès le 1er septembre. »
Pour mémoire, un document unilatéral déposé le 5 ou le 25 août, par exemple, sera toujours rétroactif au 1er jour du mois civil en cours, soit le mois d’août dans notre exemple. Autre point à retenir : le principe de faveur va s’appliquer. Autrement dit, entre l’AP et l’APLD déjà homologuée, le mécanisme le plus intéressant pour l’entreprise sera automatiquement déployé.
Bien personnaliser le document unilatéral
Quelles sont les principales erreurs ou omissions des entreprises qui ont déjà entamé des démarches en ce sens ? « Le premier point de vigilance concerne le document unilatéral que nous avions mis en annexe de l’accord de branche, selon Marie-Laure Tarragano. Comme indiqué lors du webinaire, cette trame doit être bien adaptée, actualisée et personnalisée en fonction de la société. Compléter la trame n’est pas du tout suffisant. » Il faut présenter la situation économique de la société (situation sociale, perspectives, nécessité de passer sous l’APLD).
« Même si l’entreprise choisit de déployer l’APLD sur l’ensemble des salariés, on doit néanmoins lister les différents services de la société. » « Il faut également développer les intentions complètes sur le déploiement de la formation, de manière concrète, pendant l’activité partielle. »
La période d’inactivité doit permettre aux équipes de monter en compétences. Quelques exemples de formation sont d’ailleurs à signaler dans le document.
Ne pas oublier la demande de dérogation
« Le deuxième point de vigilance porte sur la dérogation à demander obligatoirement avant même la signature du document unilatéral », ajoute l’avocate, par mail, auprès de la DREETS (ex- Direccte, NDLR) compétente. « Parce que nous avons un accord de branche et un secteur sinistré, nous pouvons et nous devons effectivement demander une dérogation pour avoir un temps chômé allant jusqu’à un maximum de 50% », soit au-dessus des 40% prévus par la loi.
En clair, l’accord de branche ne suffit pas, insiste Marie-Laure Tarragano. « Il faut en effet remplir les trois conditions cumulatives pour avoir la dérogation : un accord de branche le permettant et une situation sinistrée – comme c’est le cas dans le tourisme – ainsi qu’une dérogation administrative que la société doit solliciter. Cette demande ne doit pas être oubliée car elle sera nécessaire pour obtenir ensuite la prise en charge et le remboursement de l’allocation. »
L’avocate rappelle aussi que, s’il y a un Comité social et économique (CSE), il est obligatoire de demander et d’obtenir son avis.
Comment faire si une entreprise dispose de plusieurs établissements ?
Une entreprise qui a plusieurs établissements (une seule personne morale) peut opter soit pour accord collectif, soit pour un document unilatéral pris en application de l’accord de branche étendu. C’est le cas d’un réseau de distribution, avec un siège et plusieurs points de vente.
La situation est différente pour une « holding ». « Un groupe avec plusieurs sociétés ne peut pas s’appuyer sur un seul document unique pour toutes ses entreprises en application d’un accord de branche étendu : un accord de groupe peut alors être négocié, signé et déposé pour un groupe qui a plusieurs entreprises filiales. Sinon bien sûr, il est toujours possible de faire un document unique par société, chaque société du groupe fait alors son DU. »
Une « carte de crédit d’heures chômées »
« Ce que j’explique aux professionnels que je reçois dans mon cabinet, c’est que l’APLD est comme une carte de crédit d’heures chômées. »
Concrètement, l’entreprise peut initialement demander 70% d’heures chômées, et réajuster en raison d’un rebond d’activité. « A la fin de chaque mois, l’employeur déclare le nombre réel d’heures chômées. Les heures non utilisées seront reportées sur les mois suivants. » La limite des 50% porte de fait sur une durée totale de 24 mois, sur une période de 36 mois.
Autre point à retenir, qui symbolise la souplesse du dispositif : différents services d’une même entreprise peuvent être à différents taux. En revanche, l’individualisation est impossible pour les salariés d’un même service.
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