Transat France ouvre la troisième voie

Nous ne sommes pas la troisième voie, nous sommes la bonne voie, la seule voie. » Patrice Caradec le président de Transat France créé il y a un an pour fédérer dans l’Hexagone les trois marques du groupe canadien Transat AT, ne cache pas ses ambitions. Il souhaite s’imposer comme l’opérateur de référence dans le paysage touristique français en voie de bipolarisation. « Dans un marché en cours de consolidation effrénée, avec un fort risque de bipolarisation autour de TUI Travel d’un côté et Thomas Cook de l’autre, précise Patrice Caradec, nous nous donnons trois ans pour devenir le troisième groupe français et représenter au moins 15 % des ventes sur les principales destinations des Français à l’étranger. » Pour cela, Transat France peut compter sur l’expertise de ses trois voyagistes : Look Voyages, le généraliste, en matière de séjours et de clubs balnéaires ; Vacances Transat, le spécialiste des circuits et du Canada ; Amplitravel (nouveau nom d’Amplitude Voyages racheté il a presque deux ans), le tour-opérateur 100 % Tunisie. « Nous avons fait la preuve en 2009 de la pertinence de notre positionnement avec 48 destinations et un mix produit vacances-voyages qui nous a permis de bien résister dans un marché en recul de 9% », souligne Patrice Caradec. Transat France a en effet totalisé, au cours de l’exercice clos le 31 octobre dernier, un chiffre d’affaires tour-opérating de 500 ME, quasi stable par rapport à 2008 (-1 %) grâce, principalement, aux bonnes performances de Look (+10,2 % à 262 ME). Le groupe, qui a fait voyager 580 000 clients, a surtout conservé une bonne rentabilité (2,7 %), quand les marges se sont pourtant beaucoup dégradées dans le secteur. Le résultat net consolidé, certes en recul de 23,7 %, s’est affiché à 13,2 ME (2,7 ME pour Vacances Transat, 8,9 ME pour Look Voyages, 1,6 ME pour Amplitravel), une vraie satisfaction pour Patrice Caradec et la maison mère Transat AT « Notre objectif est de poursuivre cette croissance rentable en continuant à aller chercher des parts de marché », prévient le président de Transat France. La croissance externe, sauf opportunité, n’est donc pas à l’ordre du jour en 2010. « Nous n’avons pas l’intention de racheter des entreprises, précise-t-il, le développement pourra se faire à partir des marques existantes du groupe. C’est par une offre accrue et la consolidation de nos positions sur quelques marchés clés que nous voulons grossir. » En ligne de mire, Transat France place l’Espagne (où Look Voyages ouvre un deuxième Lookéa à Majorque), l’Italie (avec un nouveau Lookéa en Sardaigne qui complète l’offre en Calabre et en Sicile), le Maroc, l’Égypte (20 000 clients en 2009), mais aussi le Kenya, l’Amérique du Sud et l’Asie, vers laquelle Vacances Transat met le paquet avec succès depuis deux ans. Ainsi le Vietnam a-t-il séduit 3 500 passagers en 2009 (+35 %). Au passage, c’est donc à Donatello, Asia, Fram ou Kuoni, que Transat France compte rafler des clients, aussi bien en séjours qu’en circuits.

LES MOYENS DE SES AMBITIONS

« Nous voulons être dans les trois premiers TO sur l’ensemble de nos destinations, déclare Patrice Caradec, à l’instar ce que nous pesons déjà au Canada, aux États-Unis et au Mexique, au Sénégal, en Grèce ou en Tunisie, quitte à être pionnier comme c’est le cas au Cap Vert ou au Kenya. » Pour tenir cet objectif, le groupe met les moyens, logistiques et aériens. Ainsi en Tunisie, le développement d’Amplitravel passera par une intégration verticale renforcée et le rachat programmé, à très court terme, d’un réceptif. Côté affrètements, la barre est placée haut aussi avec, pour cet été, 300 000 sièges (+10 %) et une montée en puissance de l’offre de province (+20 % depuis 13 villes). Lyon, Nantes et Marseille, les trois axes majeurs de 2010, bénéficient en particulier de stocks rehaussés, avec la volonté de gagner en part de marché au départ des régions, notamment pour Look Voyages. Au global, l’objectif de l’exercice en cours est d’approcher une croissance de 10 % du chiffre d’affaires consolidé. Une ambition que devrait soutenir également la stratégie très offensive en matière de distribution. « Nous ne sommes pas dans une politique de distribution choisie, insiste Patrice Caradec, nous voulons être distribués partout et surtout prescrits partout. » Le déploiement est donc sur tous les fronts. Même si Transat a choisi son camp, celui de la nouvelle entité Afat-Selectour, AS Voyages, avec laquelle il a signé il y a deux mois un accord stratégique global. Les 40 agences maison (ex-Club Voyages) sont passées sous la marque Look Voyages (après la cession des 25 points de vente affaires) et ont adhéré au 1er janvier à AS, avec une connexion aux stocks opérationnelle depuis quelques jours.

UN DÉVELOPPEMENT MUTICANAL

Un contrat d’enseigne traditionnel est par ailleurs en cours d’élaboration, qui devrait permettre de disposer de 150 agences enseigne Look Voyages d’ici à trois ans, notamment en région parisienne, Paca, Rhône-Alpes et Grand Ouest, « dont 50 dès cette année », promet Patrice Caradec. Elles seront bien sûr recrutées en priorité chez Afat Selectour, qui voit là l’occasion d’offrir une alternative à l’enseigne Jet tours, caduque. Mais les agences intéressées seront intégrées, quel que soit leur réseau. « Nous allons donner de la visibilité à la marque Look Voyages en tant que distributeur et capitaliser sur sa notoriété », annonce-t-il. Autre opportunité du partenariat avec AS, le site Web de Vacances Transat sera « loué » quatre mois par an par le réseau, pour lui permettre de concrétiser les demandes faites en ligne vers l’agence la plus proche. « Notre site attire 2 millions de visiteurs uniques par mois. Ceci a de la valeur », expliquait Patrice Caradec en marge du congrès Afat Selectour en novembre. Un bon arrangement, qui permet en outre à Transat France d’assurer un développement multicanal à ses marques, sans sacrifier sa marge à AS Voyages. Le volet production de l’accord devrait aussi être porteur pour Look, Vacances Transat et Amplitravel, dans la sélection des fournisseurs appelés à réaliser des brochures en marque blanche pour le réseau. Bref, c’est conquérant et bien armé que Transat France trace sa voie. « Actuellement, 75% du marché français sont détenus par cinq grands groupes. Je pense qu’en 2015, ils ne seront plus que trois », prédit Patrice Caradec. Transat sera du nombre.