Train-avion : quand la bataille du greenwashing fait rage
La SNCF met beaucoup en avant les vertus du train par rapport à l’avion. Ce qui exaspère les compagnies aériennes…
Le train, à travers la SNCF, a longtemps eu mauvaise presse. Cher, jamais à l’heure, trop de grèves : le transport ferroviaire était décrié, l’avion plébiscité. Mais avec le dérèglement climatique, les rôles s’inversent.
Désormais, l’avion est la cible de nombreuses critiques pour son empreinte carbone. Quant au train, il est devenu le moyen de transport vertueux. La SNCF ne manque pas de le rappeler dans ses opérations marketing, sans doute avec un esprit un peu revanchard. Ce qui a le don d’énerver prodigieusement les compagnies aériennes françaises, qui tentent de répliquer elles aussi en communiquant. Greenwashing contre greenwashing, sondage contre étude : les attaques entre le train et l’avion sont désormais légion.
Le greenwashing de la SNCF passe mal
Pour preuve, l’avis récemment rendu par le Jury de déontologie publicitaire. Saisi par la Fédération Nationale de l’Aviation et de ses Métiers (Fnam), il devait se prononcer sur plusieurs publicités de la SNCF où l’on pouvait lire : « voyager en train à grande vitesse, c’est 50 fois moins de CO2 émis que pour un voyage en voiture et 80 fois moins qu’en avion ».
Les compagnies estimaient que « les chiffres généraux faisant l’objet de cette affirmation ne sont pas corroborés par le calculateur même de la SNCF ». Et que « les chiffres figurant dans les publicités de la SNCF ne reflètent pas la réalité des performances respectives du train et de l’avion en matière d’émissions de CO2 ».
De son côté, la SNCF considérait au contraire que la mention « 80 fois moins que l’avion » correspondait à une vérité mathématique toujours d’actualité : elle est le résultat du calcul effectué à partir des chiffres publiés par l’Ademe en mai 2020. A ce-jour, les chiffres sont les mêmes et le résultat du calcul reste inchangé ».
Un astérisque et ça repart…
Pour le Jury, l’allégation « 80 fois moins » « ne tient pas compte de l’incidence de la construction et de la maintenance des infrastructures et, ainsi, elle occulte une partie de l’empreinte carbone imputable au recours aux moyens de transport de voyageurs ». Le Jury estime que la publicité en ligne « n’indique pas que le chiffre de 80 fois moins correspondrait à un chiffre moyen » qui présente donc de fortes variations selon les liaisons observées.
« Faute pour l’annonceur de préciser, à tout le moins, que le ratio de ’80 fois moins’ doit s’entendre uniquement en moyenne, sur l’ensemble des trajets de longue distance en France, le Jury, qui relève au surplus que les sources et méthodes de calcul utilisées pour aboutir au chiffre allégué figurent en très petits caractères, difficilement lisibles – est d’avis que les deux publicités méconnaissent les points 2 et 4 de la Recommandation ‘Développement durable’ de l’ARPP. »
Précisions que la SNCF se dit prête à apposer sur ses publicités et ses supports de communication. Un petit astérisque en bas de page et l’affaire est donc réglée…
L’avion a t-il peur du train ?
Ce n’est pas la première fois que la Fnam s’en prend au train. Comme si le secteur semblait craindre le retour en grâce du rail. En début d’année 2022, la fédération avait attaqué le rail avec une communication qui a fait grincer des dents. On y voyait des animaux sauvages gambader joyeusement dans les prairies proches des aéroports et des avions au décollage tandis que d’autres fuyaient en courant les rails et les autoroutes. Tentant d’expliquer ainsi que les aéroports sont fait de prairie (à 70%) dans lesquelles les animaux sont heureux tandis que le train et la voiture dérangent les animaux.
De nombreux internautes ont repéré la communication et s’en sont moqués. L’opération de marketing a même terminé sur un groupe intitulé « Perle de Greenwashing », sur LinkedIn.
En coulisse, les dirigeants de compagnies aériennes ne cachent pas leur exaspération. Nombreux sont ceux qui s’offusquent de recevoir des leçons « de la part d’une entreprise qui vit sous perfusion de l’Etat depuis des dizaines d’années ». Il serait temps que l’aérien français saisisse davantage l’enjeu des dérèglements climatiques. Et qu’il trouve comment évoluer avec le train plutôt que contre lui.
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Cette action de la FNAM est aussi pathétique que l’action que pourrait mener le lobby des cigarettes contre la sécurité sociale qui fait campagne pour dire que la cigarette tue. « Ah non, les chiffres sont faux, elle ne tue pas TOUT LE MONDE, soyez plus précis dans vos chiffres, diffamation ! » On dit que toute publicité est bonne à prendre, là, en l’occurrence on peut juste regarder d’un air désolé ce recours d’un autre temps… Et le nombre d’articles qui lui ait inutilement consacré… #dontlookup
Que le train prenne sa revanche est une excellente chose. Les compagnies aériennes ont mis un temps et mettent encore un temps, absolument scandaleux à réagir face à l’urgence climatique. Les objectifs de 2050 ? Une vaste blague…Ce n’est ni le SAF ni l’hypothétique hydrogène qui permettront à l’aérien d’atteindre ses « objectifs » ni qui sauveront la planète, concrètement. Alors oui, mille fois OUI, le train plutôt que l’avion. Et s’il faut en passer par la décroissance du trafic, parce que c’est en réalité nécessaire, là encore mille fois oui. Repenser notre rapport à la mobilité et aux voyages est devenu un impératif, nous sommes tous concernés. Et je dis cela en travaillant pourtant dans l’industrie du voyage depuis 10 ans. Heureusement, la jeune génération que je rencontre a, elle, bien mieux compris les enjeux…
En physique il faut surement plus d’énergie pour déplacer un corps sur une surface, même lisse, que dans un milieu gazeux ; actuellement l’avion est impacté par le poids de son propre carburant ; les nouveaux composants plus légers, l’énergie solaire et le vol en altitude supérieure vont fortement modifier les impacts environnementaux.