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Pierre-René Lemas : Les moyens et les ambitions

Bien qu'il ne soit pas adepte de l'expression « bras armé financier de l'État », le directeur général du groupe Caisse des Dépôts n'en est pas moins un rouage essentiel de la politique de développement du pays. Ce haut fonctionnaire, ancien préfet de Corse et ex-secrétaire général de l'Élysée, veut revenir au

L'Écho touristique : La Caisse des Dépôts est une vieille institution que tout le monde connaît, mais dont on délimite assez mal les contours ? Quel est son rôle exactement ?%%HORSTEXTE:1%%
Pierre-René Lemas : En raison des héritages des crises financières de 2000 et 2008, nous avions l'habitude de présenter la Caisse des Dépôts comme une grande institution financière, au travers de sa gestion d'actifs et de ses participations, de ses émissions d'emprunts, et de son rôle sur le marché français. La CDC avait un peu perdu de vue l'essence même de ses métiers, à savoir les objets sous-jacents à ses financements. Mais nous ne sommes pas une banque. Quand je suis arrivé il y a plus d'un an, j'ai voulu revenir aux fondamentaux. À la question « est-ce que la CDC peut tout faire ? », la réponse est évidemment non. Nos propres orientations doivent être prises en lien avec les pouvoirs publics, même si nous ne dépendons pas du pouvoir exécutif, mais du Parlement. Rappelons que nous ne recevons pas un seul euro de l'argent public. Nos ressources, ce sont les dépôts du Livret A et ceux des professions juridiques que nous faisons fructifier.%%HORSTEXTE:3%%

Sur quels axes souhaitez-vous réorienter l'institution financière ?
Notre spécificité c'est de pouvoir intervenir dans la sphère économique, dans l'industrie, dans l'aménagement du territoire, le développement touristique… L'idée désormais est d'intervenir sur les transitions. Est-ce que l'on peut être l'opérateur des grandes transitions écologique, énergétique, numérique, territoriale et démographique nécessaires au pays ? Je le crois. Nous devons redonner un objectif industriel, économique, social au groupe CDC et ne pas nous cantonner à la notion d'institution financière qui n'est pas une fin en soi.

Le tourisme et la Caisse des Dépôts, c'est une longue histoire ?
Dans les années 60, la CDC a accompagné la création des villes nouvelles, le logement social, l'aménagement du territoire, le développement touristique avec l'émergence de la Grande-Motte, par exemple. Puis on s'est occupé des stations des Alpes, moribondes sur le plan financier, et c'est comme cela qu'est né le groupe Compagnie des Alpes qui, depuis, a échafaudé un véritable projet industriel. Dans les années 80, la CDC est devenue l'outil de la décentralisation, puis dans les années 2000 celui de la financiarisation de l'économie française. Maintenant que nous sortons de cette période-là, il faut se redonner un objectif à moyen-terme. Nous avons deux voies pour y parvenir : l'investissement et les territoires. Et c'est au croisement de tout cela que se trouve le tourisme, qui est l'un des métiers historiques de la CDC. Jusqu'à maintenant, nous étions investis dans le tourisme, mais sans stratégie touristique.

Vous revenez donc en force avec la plate-forme d'investissements France Développement Tourisme…
Nous avions démarré ce projet avant mon arrivée, avec Dominique Marcel (Ndlr : PDG de la Compagnie des Alpes) qui avait été désigné par Jean-Pierre Jouyet comme référent sur le tourisme. Je lui ai demandé qu'il nous aide à bâtir une vision touristique globale. Nous avons réfléchi avec la nouvelle direction de l'investissement et toutes les filiales du groupe concernées et notamment (Transdev, la Compagnie des Alpes et Bpifrance). Ensuite, Laurent Fabius a donné une impulsion très forte à tout cela. On a donné un coup d'accélérateur en février-mars en ayant l'automne en ligne de mire pour délivrer un projet structurant à présenter lors de la Conférence Tourisme.

Comment allez-vous activer ce processus de financement ?
Il y a trois types de segments sur lesquels nous avons l'habitude de travailler : les entreprises, l'hébergement et les infrastructures. Concernant l'hébergement, nous avions l'expérience d'une première foncière avec la Compagnie des Alpes. Les investisseurs institutionnels n'étant plus dans le tourisme, car le secteur ne jouit pas d'une image formidable auprès de ces acteurs, nous avons décidé de créer un fonds national qui investira dans les murs. L'idée étant de réhabiliter, de construire, de faire de nouveaux hébergements de toutes gammes, de l'hôtellerie de standard international… Avec un modèle de gestion adapté à leurs contraintes, il est plus facile d'aller voir les investisseurs institutionnels pour les mobiliser sur un tour de table dans lequel le Groupe CDC mettrait 100 à 150 millions d'euros afin d'atteindre une enveloppe globale de 500 millions d'euros. En échange, nous nous engageons à leur garantir un niveau de retour convenable, dont le montant est en train d'être négocié actuellement. Nous en sommes donc là. Par effet de levier, les investisseurs privés se disent que si la CDC y va, c'est qu'il y a un intérêt économique. Nous devrions boucler le tour de table début 2016.

Et concernant les infrastructures ?
En plus de l'hébergement, il y a la problématique des infrastructures touristiques qui deviennent obsolètes ou concurrentes entre elles. C'est le cas de certains ports de plaisance, de palais des congrès, des ensembles dédiés au thermalisme. Nous allons consacrer 400 millions d'euros à ces infrastructures et aux équipements.

Quel va être le rôle de Bpifrance dans ce dispositif ?
Bpifrance va constituer un fonds destiné à investir 50 millions d'euros dans les entreprises du secteur touristique, avec pour objectif une capacité d'investissements dans le capital des entreprises de 100 millions d'euros. Par ailleurs, je souhaiterais également que Bpifrance réunisse ses différentes familles de prêts dans une seule poche de prêts à destination du secteur. Les investisseurs privés doivent prendre conscience qu'il y a des marges de profit considérables à faire à court, moyen et long termes dans le tourisme, que c'est un secteur économique qui va croître et qu'il va falloir accueillir 20 millions de touristes supplémentaires en France…

Concernant ce dernier point, ce n'est pas une obligation ?
Certes, mais les touristes passent par la France donc s'ils ne restent que très peu de temps, qu'ils ne dépensent pas et qu'ils n'ont pas été à l'hôtel chez nous, c'est que l'on a été peu efficace!

Sur quels critères allez-vous définir vos choix d'investissements ?
Nous devons les définir avec nos co-investisseurs et nous sommes en train d'y travailler. Il y a déjà des grands groupes, des syndicats professionnels qui ont sonné à notre porte pour obtenir un financement. Mais il ne suffit pas d'avoir des idées. Il faut être en capacité de les transformer en projets.

Y a-t-il possiblement des investisseurs internationaux dans vos tours de table ?
Les investisseurs étrangers s'intéressent à la France et il ne faut rien s'interdire au cas par cas. Notre filiale CDC International Capital a créé des joint-ventures avec des pays tels que l'Arabie Saoudite, le Qatar, Emirats Arabes Unis. Ce qui suscite beaucoup l'intérêt, notamment celui de la Chine avec qui nous sommes en discussion pour un nouveau partenariat de co-investissement, c'est le Grand Paris.

Vous soutenez des champions nationaux qui ne sont plus nécessairement des entreprises françaises, capitalistiquement parlant, comme le Club Med. Pourquoi ?
Nous sommes sortis du capital du Club Med lors de l'OPA de février tout en précisant que nous pourrions les accompagner au cas par cas en France en cas de construction de nouveaux villages.

La CDC est partenaire officiel de la COP21. La finance verte est un autre de vos chevaux de bataille. Qu'entendez-vous par là ?
En tant qu'institution financière, nous gérons un portefeuille d'actifs. Nous sommes actionnaires de pratiquement toutes les entreprises du CAC 40, en tant que partenaire, certes minoritaire, mais s'engageant sur le long terme. Nous sommes aussi le premier actionnaire du tissu des PME, dans l'immobilier, dans les infrastructures… On a demandé aux 420 principales entreprises françaises, puis à toutes les autres dans lesquelles nous sommes actionnaires, de calculer leur empreinte carbone et de s'engager dans sa réduction. Si elles ne le font pas, la CDC ne s'interdira pas de sortir de leur capital. La première entreprise dont on sortira en disant qu'elle ne respecte pas ses engagements sur le climat, ça va se voir et se savoir. Je n'ai pas encore fixé de pourcentage pour les entreprises mais nous sommes à -18% de diminution dans les infrastructures et pour l'immobilier à -38%. Il y a également les prêts « croissance verte » en direction des collectivités locales, sur le taux du Livret A à +0,75%. Enfin, nous investissons directement dans les énergies reno

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