Marc Rochet (Aérogestion) : « Le transport aérien est victime d’un double hold-up »
Intervenant lors de la convention du Cediv au Sénégal, Marc Rochet, fondateur du cabinet Aérogestion, a dénoncé sans concession le « double hold-up » qui étrangle le transport aérien, fiscal et écologique.
« Globalement, le transport aérien se porte très bien et connaît actuellement une forte croissance », a commencé par dire l’ancien patron de French Bee et d’Air Caraïbes. La croissance est telle que l’industrie n’arrive plus à suivre la demande. « Aussi bien chez Boeing que chez Airbus, il n’y a aucune disponibilité d’avion avant 2031-3032 », a poursuivi Marc Rochet.
Mais alors que la demande mondiale explose, la part de marché des compagnies françaises recule continuellement face aux compagnies étrangères. « Les compagnies françaises détenaient 60% du marché il y a 25 ans. Aujourd’hui c’est 37%, et on continue de descendre tous les ans », déplore le spécialiste. Récemment la Fnam alertait sur le décrochage du pavillon français.
« La TSBA, c’est l’équivalent de 10% du budget de la justice française »
Ce déclin s’explique par le dynamisme des concurrents étrangers – low cost européennes, compagnies du Golfe, transporteurs asiatiques -, et un repli stratégique français « regrettable ». « Nous sommes au centre de l’Europe. On a une tradition aérienne forte, des compétences, une industrie avec Airbus à Toulouse… et pourtant, on n’est pas capable de rebondir », constate Marc Rochet.
Le constat est sans appel. Le secteur aérien français est pris en étau. « Il est victime d’un double hold-up, fiscal d’une part, écologique de l’autre », dénonce-t-il.
Cette pression fiscale n’est pas anodine. Elle affaiblit les compagnies françaises face à la concurrence internationale. « La TSBA, qui était censée être temporaire, c’est 900 millions d’euros par an à l’Etat. C’est l’équivalent de 300 écoles ou de 10% du budget de la justice française. Personne ne sait dire concrètement où va cet argent », constate Marc Rochet qui déplore que « dès lors qu’un secteur marche, on le taxe ».
« On fait payer l’aérien au nom de l’écologie »
L’autre versant du « hold-up » est d’ordre idéologique, poursuit-il. Le spécialiste pointe une instrumentalisation du discours écologique, qui selon lui sert à justifier une accumulation de contraintes. Sans accompagnement technologique ou industriel à la hauteur. « On fait payer l’aérien au nom de l’écologie, mais sans offrir de solution concrète. Les SAF (carburants durables, Ndlr) ne sont pas prêts à grande échelle. L’innovation avance, mais pas assez vite. Et on taxe quand même », peste Marc Rochet.
Il critique également l’hypocrisie de certaines politiques publiques. « On dit aux gens de moins voyager, mais les avions sont pleins. L’avion n’est pas un luxe réservé aux riches. Les gens veulent voyager. C’est d’ailleurs souvent le seul lien pour les familles, les étudiants, les ultramarins, les professionnels », résume Marc Rochet. Si ce dernier n’est pas opposé à la transition environnementale, il demande un peu plus de considération à l’égard du transport aérien. « Il doit être traité pour ce qu’il est, un pilier de mobilité et de lien social. »
Bien dit Marc!