Laurent Abitbol (Marietton) : « La crise va durer jusqu’en avril 2022 dans le voyage »
C’est son interview de rentrée. Laurent Abitbol dresse le bilan de l’été et des perspectives sur les mois (encore difficiles) à venir pour les agences et les TO. Toujours dans une stratégie offensive, le président de Marietton Développement partage les nombreux projets dans les cartons du groupe.
L’Echo touristique : Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a annoncé, le 30 août, la fin du fonds de solidarité pour tous, et le dispositif (allégé) d’aides de la rentrée. Etes-vous satisfait ou déçu ?
Laurent Abitbol : Comment peut-on être déçu quand l’Etat a été tellement aidé notre secteur ? Nous avons bénéficié de la prise en charge du chômage partiel depuis 18 mois, ce qui était le plus important. Le 1er octobre, tous les salariés de la holding Marietton, au sein des agences et des TO, vont passer à l’APLD (chômage partiel longue durée, NDLR). Cela ne change rien pour les équipes, mais augmentera nos frais. L’APLD nous coûtera 150 000 euros supplémentaires par rapport à l’ancienne mouture du chômage partiel, soit 20% chargés de plus qu’avant. Un coût qui n’est pas négligeable. Sachant que 50% de l’ensemble des équipes travaillent à 50%, avec des taux qui varient selon les services et les entreprises. Cette moyenne de 50% est maintenue. Nous espérons graduellement passer à 100% d’ici le mois de décembre.
Quand l’Amérique va enfin rouvrir, cela créera un déclic. Le reste du monde suivra.
Le gouvernement a aussi annoncé un « plan d’action » spécifique pour les agences et les TO. Qu’en attendez-vous ?
Laurent Abitbol : Il y aura des aides financières pour le monde du tourisme. L’aide aux coûts fixes va se poursuivre, dans des conditions qui seront bientôt précisées. Le « quoiqu’il en coûte moins fort » continuera pour le secteur du voyage. Pourquoi ? Je pense que la crise va durer jusqu’en avril 2022 pour notre profession. Entre les mois d’octobre et d’avril 2022, l’activité va reprendre crescendo. Quand l’Amérique va enfin rouvrir, cela créera un déclic. Le reste du monde suivra, j’en suis persuadé. Nous attendons ce moment avec impatience.
Quel est le bilan de l’été pour le groupe Marietton ?
Laurent Abitbol : Du 19 mai ou 31 août, les prises de commandes en agences de voyages sont à peu près équivalentes à 2019. En départs clients dans le tourisme, sur la période juillet-août, nous sommes sur un rythme de 70% par rapport à 2019. Dans le voyage d’affaires, l’activité remonte progressivement : nous étions à 50% jusqu’à fin juillet, toujours versus 2019. Depuis le 20 août, on frôle les 65%.
Comment se présente l’automne ?
Laurent Abitbol : Nous n’avons aucune visibilité sur l’automne. Septembre sera correct en départs clients, sur la Grèce, l’Espagne, l’Italie, la France, et même la Tunisie malgré sa couleur rouge. Mais cet hiver, le long-courrier sera sinistré. Les destinations « vacances » long-courriers comme les Seychelles, l’île Maurice, les Antilles, La Réunion, la République Dominicaine devraient quand même bien fonctionner cet hiver. Sur les Antilles, malgré le contexte, la reprise des réservations est attendue courant septembre.
La couleur rouge n’empêche pas les voyageurs de partir.
Quid de la Tunisie, depuis son passage en rouge sur la liste du gouvernement français ?
Laurent Abitbol : La couleur rouge n’empêche pas les voyageurs de partir. 3000 personnes partent en septembre en Tunisie. Suite au passage en rouge, un dossier sur deux a été annulé, nous avons donc conservé la moitié des dossiers. Par contre, nous avons un arrêt total des réservations. Notre congrès à Hammamet est bien sûr maintenu.
Quels sont les résultats financiers de Marietton ?
Laurent Abitbol : La perte en Ebitda atteint -12 millions d’euros en 2020, et nous anticipons -4 millions d’euros en 2021. Les TO, eux, sont globalement à l’équilibre. Ce qui plombe nos résultats, ce sont les coûts fixes des agences de voyages. Le chiffre d’affaires du groupe est passé de 2 milliards d’euros en 2019, à 700-800 millions en 2020. Nous tablons sur 1,1 milliard d’euros en 2021.
Compte tenu du contexte pandémique, sur quelles destinations les TO du groupe Marietton se positionnent-ils cet hiver ?
Laurent Abitbol : Cet hiver, les TO maison – Austral Lagons, Héliades, Voyamar, Solea – misent énormément sur l’île Maurice, La Réunion, les Antilles. En particulier, Héliades mettra le paquet sur Punta Cana avec un club 5* sur l’une des plus belles plages du monde : le Club Héliades Bavaro Princess. Voyamar relancera la Tunisie avec l’île de Djerba et ses deux Naya Club. Sa grande nouveauté, c’est une brochure Antilles-La Réunion de 150 pages. Pour les Antilles, les départs sont organisés en vol direct de Paris, Lyon, Bordeaux, Nantes et Paris, ainsi que de 23 villes via Paris comme Toulouse, Nice, Marseille et Montpellier. Voyamar se déploie aussi sur l’Europe, l’Afrique australe et l’Égypte. Pour 2022, il a déjà imprimé une brochure Etats-Unis, composée de 43 circuits garantis.
Le fonds Certares, actionnaire de Marietton, a déclaré dans une interview à L’Echo touristique « Si Marietton a un projet d’investissement, nous le soutiendrons« . Avez-vous un projet d’acquisition ?
Laurent Abitbol : Joker. Je parle des projets lorsque le compromis est signé. Oui, Certares nous a donné les moyens de grandir. La santé financière de Marietton a permis au groupe de traverser deux ans de crise sans recourir à aucun actionnaire. Nous avons contracté un Prêt garanti par l’Etat de 26 millions d’euros, mais nous ne l’avons pas utilisé. 50 ans de bonne gestion ont fait la différence. Pendant la crise, nous avons mené des rationalisations importantes pour permettre de préparer l’avenir.
Pendant la crise, nous avons mené des rationalisations importantes.
Quelles réformes ?
Laurent Abitbol : J’ai acheté 25 entreprises en l’espace de 15 ans. Toutes ces sociétés fonctionnaient bien jusqu’à la pandémie. La crise est venue, c’était le moment de rationaliser. Un exemple précis : chaque agence Havas Voyages faisait du voyage d’affaires et du tourisme. Nous avons transféré le voyage d’affaires vers les 17 plateaux d’affaires du réseau en France. Aujourd’hui, les agences Havas Voyages s’occupent uniquement de la billetterie, et des comptes de proximité, de moins de 50 000 euros. Chez Ailleurs, cette séparation voyages d’affaires/tourisme était déjà appliquée. Nous avons rationalisé l’entreprise, en passant de 16 plateaux à 11 plateaux qui sont désormais renforcés.
En janvier dernier, vous déclariez que 7 à 8 partenaires avaient signé le nouveau contrat de référencement du GIE ASHA (Havas Voyages-Selectour). Où en êtes-vous ?
Laurent Abitbol : Nous avons reconduit les contrats Gold, Silver et Bronze, sur les mêmes bases que précédemment, et toujours avec une quarantaine de partenaires. Point important : le GIE déploie à partir du mois de septembre notre solution Direct Connect avec Wondermile et le NDCX d’Amadeus – ce qui nous a valu trois ans de négociations. Avec ces deux outils, nous aurons des offres performantes en termes de produits et de prix dans toutes les agences. Les formations vont commencer la semaine prochaine.
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François Piot (Prêt à Partir) indique à L’Echo touristique qu’il a toujours une vingtaine de postes à pourvoir. Et vous ?
Laurent Abitbol : Nous avons une trentaine de postes à pourvoir sur l’ensemble du groupe Marietton, parmi nos 450 agences. Nous recrutons des conseillers voyage de métier, ou nous formons à travers notre école interne Marietton Académie. Nous acceptons des profils de vendeurs issus des grands magasins parisiens par exemple. Le principal, c’est de disposer de belles qualités commerçantes.
Vos discussions avec TUI, pour un éventuel contrat de gestion ou un autre accord, étaient au point mort lors de notre dernier échange. Et aujourd’hui ?
Laurent Abitbol : Les discussions n’ont pas repris. Nous ignorons si elles vont reprendre. Je pense que le nouveau patron de TUI accomplit du bon travail, en réduisant les risques, en prenant moins d’engagements.
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