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Laurent Abitbol : « Je demande solennellement au gouvernement de nous sauver »

La crise sanitaire aura été une épreuve douloureuse pour l’un des plus importants acteurs du tourisme en France. Atteint gravement par le virus, rescapé, Laurent Abitbol veut désormais croire en la reconstruction.

Quelle est la situation du groupe Marietton après le début de cette crise ?

Laurent Abitbol :  Comme la plupart de nos confrères. Nos salariés sont en chômage partiel à 60% environ. En revanche, toutes nos agences sont ouvertes depuis le 1er juin 4 heures par jour, 4 à 5 jours par semaine. Nos TO sont également opérationnels, Solea, Héliades, Voyamar et nos agents font des réservations. Nous sommes à peu près, en ventes tourisme et sans les reports, à 30% par rapport à l’année dernière. En comptant les reports, nous frôlons les 45%. Nous vendons beaucoup la France, la Grèce et la Tunisie et du long-courrier sur 2021. Pour les TO « maison », nous avons fait au moins 50% de reports aux agents de voyages… Evidemment, sur le plan du chiffre d’affaires, nous ne sommes pas contents. Surtout en voyant les chiffres de l’année dernière, mais on se fait une raison. Il y a tellement plus grave que ça.

Sur le plan du Business Travel ?

Laurent Abitbol : Nous sommes assez contents. A fin juin, nous arrivions à environ 30% à 35% de notre chiffre de l’année dernière. Cela va forcément baisser en juillet et en août, mais pour septembre, nous espérons arriver à 50% du chiffre de l’année dernière. Ce n’est pas terrible, mais en relativisant, c’est quand même mieux !

Les groupes ?

Laurent Abitbol :  Ça marche plutôt bien. Le problème que nous avons, c’est qu’il sera impossible de repartir si les compagnies aériennes ne mettent pas les vols. Emirates, Qatar repartent. Air France aussi, tout ça frémit. Et dès que les compagnies mettent des vols, ça marche. J’espère que septembre sera beaucoup mieux. Mais, comme je l’ai déjà dit depuis très longtemps, on ne reprendra pas le tourisme avant avril 2021. Le tourisme « de masse » j’entends. Nous sommes dans une crise unique que nous n’avons jamais connue. Même si les gens ont de l’argent, ils ne peuvent pas acheter de voyages : on ne sait pas quoi leur vendre. C’est pourquoi, il faut que l’Etat nous protège. Et, s’il veut vraiment le faire, il faut qu’il prolonge les dispositions prises sur le chômage partiel pour nos entreprises. Je demande solennellement que ces dispositions soient prolongées au-delà du 30 septembre jusqu’au 31 mars 2021. Ça va être notre bataille de rentrée ! C’est une priorité absolue. C’est le temps qui nous fera durer. On sait que ça va reprendre, mais, pour la première fois de ma vie, je n’ai pas en main les choses. C’est très dur pour moi qui ai toujours tout en main ! Vous savez on dépend de tellement de choses : de la confiance des gens, du fameux Covid, des destinations, de Trump, des chefs de gouvernement. La confiance des clients, c’est le temps. Et l’Etat doit nous aider. S’il nous aide jusqu’au 31 mars prochain, on est tous sauvés. Au lieu de payer des chômeurs, il paiera nos salariés et nous aidera à garder les compétences.

Vous allez entamer une action ?

Laurent Abitbol :  A partir du 20 août prochain, avec un certain nombre de personnes de la profession, nous attaquons avec tout le lobbying que nous pouvons avoir. Notre vie dépend de ça et il est très important que la profession soit sauvée par le prolongement jusqu’au 31 mars 2021 des accords à 100%.

A qui allez-vous vous adresser ? A Macron directement ?

Laurent Abitbol : Non, nous allons voir le ministère du Travail et de l’Economie. C’est ce que nous avons fait la dernière fois. C’est Bercy. Tous se passe là-bas.

La dénonciation par l’UFC-Que Choisir et de Bruxelles de l’ordonnance sur les avoirs, que répondez-vous ?

Laurent Abitbol :  Rien ! C’est blabla et encore blabla. L’ordonnance est là, elle continue. Maintenant s’ils veulent avancer au 15 août, au 15 septembre, on s’en fout. Vous savez, en Europe, ce sont les vacances. Pour le moment, cette histoire n’est vraiment pas un souci. Nous avons en France la chance d’avoir gardé 500 millions d’euros de trésorerie (en des acomptes clients versés avant les annulations, NDLR) de façon à pouvoir faire repartir le secteur et de remplir les carnets de commande pour 2021. Nous nous sommes battus pour ça, Nicolas Sarkozy nous y a beaucoup aidé.  C’est tellement du bon sens. Sans ces dispositions, nous aurions tous déposé le bilan, l’APST aussi et finalement le client aurait tout perdu. Bien évidemment, les agences de voyages ne sont pas stupides. Certains cas sont remboursés, mais il ne faudra pas que cela dépasse 5 à 6%. Nous ne sommes pas des salopards.

Voyons le réseau Selectour. A la fin du mois de juillet, il va falloir renouveler une partie du Conseil. Où en sommes-nous ?

Laurent Abitbol : En ce qui concerne les élections, 9 personnes se sont présentées pour seulement 7 sièges. Le réseau tourne au ralenti, nos agences sont ouvertes 4 heures par jour et nous résistons bien. Nous avons distribué les super-commissions, nous en avons même rajouté un peu… en avance. Le réseau est sain et solide. Nous n’avons eu aucun impayé, c’est important.

Je remettrai mon mandat de président de Selectour en jeu en 2021.

Ça ne remet donc pas en cause la présidence ?

Laurent Abitbol :  Non, nous poursuivons dans la continuité. Nous avons fait deux années exceptionnelles, 2018 et 2019. 2020 sera mauvais mais ce n’est pas à cause de moi. Maintenant, la priorité du Conseil d’administration et surtout du Directoire, c’est la reconstruction. Cette reconstruction passera d’abord par le social, donc par l’aide de l’Etat. C’est la priorité absolue. Mais je remettrai mon mandat de président en jeu en 2021.

Justement, le gouvernement vient d’être remanié. Il n’y a plus, à cette heure, ni ministre, ni secrétaire d’Etat…

Laurent Abitbol :  Ah bon ? Je ne savais même pas (rire) ! Dommage, je pensais être nommé ministre… Je suis déçu (rire). Je ne sais pas. Pourtant c’est important notre secteur, c’est 10% du PIB.

Et si on vous proposait un poste gouvernemental, vous accepteriez ?

Laurent Abitbol :  Bien sûr. C’est un honneur d’être ministre. Mais je ne crois pas qu’ils me le proposeront ! Je vous rassure, il faut être politique pour ça.

Mais vous regrettez de ne pas avoir été approché ?

Laurent Abitbol : Mais non, il n’y avait aucune chance !

Dupont-Moretti, qui est avocat, a bien été nommé à la Justice…

Laurent Abitbol :  Oui, mais c’est une grande gueule médiatique. Nous nous sommes des grandes gueules du tourisme, ce n’est pas pareil ! Mais c’est très dommage qu’il n’y ait pas un ministère. Avec qui allons-nous parler ? (Jean-Baptiste) Lemoyne était très bien. Il allait vite, il nous défendait…

Nous allons conclure : TUI va très mal, où en êtes-vous de vos négociations ?

Laurent Abitbol :  TUI est en train de procéder à un grand plan social. Ils n’ont pas le choix. On verra après. Aujourd’hui, je suis dans la reconstruction de ma boîte et de Selectour. Je suis dans la reconstruction économique. J’ai des gens chez moi qui s’occupent de l’affaire TUI. Ce n’est pas ma priorité absolue. Nous avons des réunions régulièrement et nous verrons début septembre ce qui se passe. Ma priorité à moi aujourd’hui, c’est la reconstruction économique du Tourisme.

Avec les compagnies aériennes, quelles sont les relations ?

Laurent Abitbol :  Ça rembourse un peu. Corsair est très réglo, comme Air France : ils ont ouvert tous les remboursements automatiques. Mais il restent toujours quelques compagnies « voyous » dont je tairai les noms, qui sont très dures alors que c’est l’argent des clients qu’elles gardent. Et il n’y a pas d’à-valoir sur les billets d’avions. Mais nous avons beaucoup d’argent dehors, environ 200 millions d’euros !

La santé, ça va ?

Laurent Abitbol :  Ça va mieux. Le poumon a été touché mais c’est très réparable… avec le temps. J’ai eu peur, très peur. Mon père n’y a pas survécu. Mais vous savez, ça relativise beaucoup de choses, tout ça. Vous ne pouvez pas vous imaginer. Mais l’embolie pulmonaire c’est quasi fini, le Covid est parti, j’ai même des anticorps à ne plus savoir qu’en faire. Mais je fais quand même très attention, je porte un masque dans les magasins. Ce que nous avons vécu dans notre famille, alors que tout allait bien… c’est la vie !

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