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Frantz Yvelin : « Aigle Azur était sauvée. Ses salariés et un actionnaire l’ont flinguée »

Concepteur-fondateur de la compagnie aérienne « tout affaires » L’Avion, écarté par British Airways, Frantz Yvelin crée La Compagnie sur le même modèle. Ensuite, il prend en charge le destin d’Aigle Azur… et la triste fin qu’on lui connaît. Yvelin sera cloué au pilori, sans doute trahi par des personnages peu recommandables. Il a néanmoins accepté de se soumettre à cet entretien « Les Yeux dans les Yeux » pour livrer, en toute transparence, sa version des faits. A vous de conclure…

La chute d’Aigle Azur était-elle évitable ?

Frantz Yvelin : Oui. Dès la mi-juillet 2019, nous avions trouvé une solution que nous avons présentée à l’ensemble des partenaires sociaux le 5 août. Cela consistait à vendre une certaine partie de nos actifs, principalement à Orly. Nous avions un acquéreur qui offrait 27 millions d’euros et nous sauvions la boîte.

C’était Vueling ?

Frantz Yvelin : Oui, le groupe IAG. Par ailleurs, en ayant un accord d’abandon de créances, une quarantaine de millions d’euros au total, nous pouvions avoir un tiers d’abandon de créances, et le reste étalé sur quelques années. Nous avions un accord de principe avec nos créanciers, y compris l’Etat pour étaler et régler ces dettes. Troisièmement, en demandant un effort de productivité au personnel navigant, j’insiste -pas de perte de salaire- on gardait 95% des effectifs totaux de la compagnie. On demandait simplement 14% de productivité en plus. Les membres du personnel navigant, au lieu de travailler 10h, devaient travailler 11,4h. En contrepartie, je m’étais fait fort de leur obtenir 30% de la société avec accord de David Nielman. Ils n’en ont pas voulu. Bien évidemment, comme la loi nous l’impose, on les a consultés. Ils ont eu une position à l’unanimité qui était de dire : on veut faire une expertise suspensive – ce qui est légitime. Cette expertise exige un délai de 60 jours, je les ai prévenus que nous n’avions pas 60 jours. A l’époque, les salariés étaient persuadés qu’ils allaient se cotiser entre eux ; que si ça ne marchait pas, l’Etat sauverait Aigle Azur et que si ça n’était pas l’Etat, ça serait Air France. Finalement le 26 août, on les convoque pour un nouveau CE. L’idée c’était de leur dire de ne pas bloquer le processus, sinon nous étions morts. Cette réunion n’aura jamais lieu ou bien elle aura lieu avec un Monsieur qui s’appelle Houa. Ça a tué tout le processus !

On va y venir. Remontons un petit peu en arrière. Vous vous apercevez que finalement -et ça dure depuis presque 2 ans-, la compagnie va mal. Vous ouvrez la Chine, vous vous lancez sur le Brésil… On a l’impression que c’est un peu tout et n’importe quoi. Est-ce que à ce moment-là, il ne fallait pas déjà prendre les choses en main et recentrer tout ça ?

Frantz Yvelin : Plusieurs éléments de réponse très simples. Aigle Azur perdait de l’argent depuis 2012, soit 5 ans avant mon arrivée. Aigle Azur avait déjà essoré 5 dirigeants en 7 ans. Arezki Idjerouidene, qui est le dirigeant emblématique d’Aigle Azur et lui a redonné ses lettres de noblesse, était en mauvaise santé. Comme il n’allait pas bien, il avait fait venir un DG qui s’appelait François Hersen, un ancien d’Air Caraïbes. C’est avec François qu’ils ont négocié le deal avec HNA. Ça s’est mal passé avec François. C’est Meziane Idjerouidene, le fils d’Arezki, qui s’y est essayé, ça n’a pas très bien fonctionné. Arezki et HNA, les nouveaux actionnaires, ont embauché Cédric Pastour. Il a tenté de faire ce qu’il pouvait. Il s’est fritté avec les syndicats lui aussi, il y a eu des grèves, ça s’est très mal passé. Cédric a raccroché les gants. Derrière, HNA a insisté pour que l’ancien DAF de l’époque qui s’appelait Michael Amink soit nommé président. Là, deux ans d’immobilisme absolu. En moins de deux, ils ont absorbé 25 ou 30 millions de trésorerie. La catastrophe est arrivée à ce moment, entre 2012 et 2017. Après mon départ de La Compagnie je ne voulais plus en diriger en France. Si j’ai accepté c’est pour la famille Idjerouidene, que je respecte. Le père, entrepreneur, est un grand Monsieur envers lequel j’ai une admiration profonde. En juin 2017, je rencontre celui qui est sur les rangs pour reprendre leur participation en accord avec l’actionnaire principal, HNA, David Neeleman. C’est le fondateur de Jet Blue, d’Azul, le copropriétaire de TAP au Portugal. Tous signifient l’engagement de référence de l’actionnaire HNA qui n’est pas en contrôle parce qu’il est extra-communautaire. Ils disent « on veut développer la boîte, on veut faire du long-courrier,  la Chine… ». David, à l’époque, me dit que HNA avait mis 400 millions d’euros dans Azul donc estimait tout à fait probable que HNA puisse mettre 10 ou 15 millions pour sauver Aigle Azur et la développer du mieux possible. Sur cette base-là, je fais mon caprice : je veux 100% des voix sinon, et je les obtiens. Très vite, on se rend compte que la situation avait été sous-estimée par l’équipe précédente notamment en matière de cash de l’ordre de 5 ou 6 millions d’euros, par rapport à la réalité. Aigle Azur avait toujours un problème latent de trésorerie bloquée de l’autre côté de la méditerranée avec la banque d’Algérie et l’Etat algérien, soyons honnête, qui ne joue pas nécessairement le jeu sur le sujet ; et la France ne voulait pas trop mettre de l’huile sur le feu.

Il y avait combien ?

Frantz Yvelin : Quand je suis arrivé, y avait environ 15 millions d’euros gelés en plus du flot normal. Je ne sais pas si vous imaginez un voyagiste à qui vous achetez votre billet et qui encaisserait votre argent trois mois après le voyage. Il met la clé sous la porte… J’arrive là-bas et on se dit : « comment peut-on faire ? ». Premièrement, il faut diminuer les dettes, préserver le cash. On a négocié avec nos fournisseurs principaux les échéanciers, pour tout de suite décaler des paiements prévus sur la saison hiver 2017-2018 vers l’été 2018 où on a plus de cash parce qu’on engendre plus d’activité. La plupart de nos fournisseurs significatifs, y compris l’Etat, nous ont accompagnés. Deuxièmement, on a réduit la voilure sur des routes qui perdaient de l’argent comme Lisbonne, qui représentait 6 millions de pertes par an. On a  totalement refondé le service à bord. Aigle Azur était la seule boîte au monde, sur des liaisons comme Marseille-Alger -45 minutes de vol-, où on servait des plats chauds. Les hôtesses courraient, déposaient les plats et les passagers n’avaient même pas le temps de le manger. C’était catastrophique ! Cerise sur le gâteau, un mois avant que j’arrive, le SNPNC FO a déposé un préavis de grève de 6 mois. Voilà l’état dans lequel, moi, j’ai trouvé la boutique.

On a signé un accord avec les PNC d’Aigle Azur qui consistait à enlever une hôtesse ou un steward sur tous les vols moyen-courriers (de 5 à 4 sur tous les vols). C’était déjà un sacré progrès pour nous ! On a arrêté les vols vers Anaba, le Lille-Alger, le Lille-Oran, les Bordeaux-Alger et le Paris-Lisbonne. On a complètement revu l’organisation du réseau. On avait trois avions de trop : un A319, en bout de course, que l’on a vendu au mois de novembre 2017. On a sous-loué deux de nos avions, un autre A319 et un A320. Avec trois avions de moins, on avait encore de la capacité pour occuper le personnel qui était en surnombre. Qu’est-ce qu’on a fait ? On a regardé des routes où ça faisait sens, comme Paris-Berlin qui a très bien marché. On a ouvert Moscou. Il fallait améliorer l’utilisation de nos avions. L’Algérie, c’était la plus grande force d’Aigle Azur, c’était aussi paradoxalement une grande faiblesse. 30%-40% du revenu est en dinars, qui est une monnaie fermée, c’est compliqué de remonter les fonds et retourner un avion à Alger.

Quand je suis arrivé chez Aigle Azur, l’activité de la boîte était sous dimensionnée par rapport à son outil de production.

Et le long-courrier a suivi ?

Frantz Yvelin : On a eu le long-courrier, qui a fait couler beaucoup d’encre. Quand je suis arrivé chez Aigle Azur, l’activité de la boîte était sous dimensionnée par rapport à son outil de production. Soit on faisait un plan social colossal soit on augmentait l’activité. Or depuis 2012, les actionnaires chinois voulaient du long-courrier. Contrairement à l’Algérie, c’est de l’argent qui rentre directement, ce qui crée un effet cash très positif si cela fonctionne. On étudie différentes options : l’Asie, l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord. Commercialement, l’Amérique du Nord depuis Orly pour San Francisco, on se dit que ça peut avoir du sens. Puis j’apprends que Marc Rochet veut se positionner dessus. Du coup, on abandonne les Etats-Unis. Nous avons ouvert Paris-Sao Paulo avec Azul, le Mali, l’Asie. HNA, la quatrième compagnie aérienne d’Asie, veut Pékin, elle paiera 80% des sièges de l’avion. Comme c’est l’actionnaire à 48% d’Aigle Azur, on est en confiance.

Mais on voit que ça ne suffit pas, il nous faut 7 millions d’euros et il faut en plus récupérer de l’argent en Algérie. Les actionnaires acceptent les 7 millions, mais je ne les ai jamais eus en injections de cash…. Ils m’ont fait un prêt de 3 millions -j’ai pleuré pour l’avoir-, puis ils n’ont eu de cesse de me demander le remboursement. C’était considéré comme une avance en compte courant, quelque chose d’assez classique. C’est la seule fois qu’Aigle Azur a eu de l’argent de la part de ses actionnaires. Voilà comment on a lancé le long courrier chez Aigle Azur, sans prendre le moindre risque.

Contrairement aux conneries qui ont circulé, ce n’est certainement pas le long-courrier qui a plombé la compagnie.

Contrairement aux conneries qui ont circulé, ce n’est certainement pas le long-courrier qui a plombé la compagnie. Ce qui a plombé la boîte ce sont les problèmes de trésorerie liés à l’Algérie, avec des pertes accumulées depuis 2012, soit 5 ans avant mon arrivée. Il y a aussi le manque de productivité du personnel, c’est clair. Il y avait beaucoup de gens bien chez Aigle Azur -heureusement- mais aussi des voyous. Le prix du fuel à l’été 2018 nous a massacré. L’hiver 2018-2019, on a eu deux casses moteurs sur des A320 et qui nous ont coûté plusieurs millions d’euros. La révolution en Algérie pendant l’hiver 2019, bien qu’extrêmement bien gérée par la population algérienne, a par ailleurs eu un impact sur le transport. Enfin, l’Etat français a restreint le nombre de visas accordés aux Algériens.

Pourtant tout le monde au sein de la DGAC, de l’Etat connaissait la situation d’Aigle Azur…

Frantz Yvelin : Dès le début du mois d’avril, j’ai mis l’entreprise en procédure, qui a l’avantage de mettre les créanciers, l’Etat et les actionnaires autour de la même table. Cette procédure se fait sous la surveillance du tribunal de commerce, avec un administrateur judiciaire et troisièmement, à ce moment-là j’ai saisi le CIRI (Comité Interministériel de Restructuration Industrielle, NDLR).

Je suis un libéral convaincu, l’interventionnisme ne me parait pas être forcément la solution en cas de difficultés d’une entreprise. Ce n’est pas au contribuable français de venir renflouer les caisses. Cependant, si l’Etat peut nous accompagner, c’est pas mal et c’est ce qu’il a fait. Il l’a tellement bien fait, qu’il s’est passé deux choses. La première c’est qu’entre avril et juillet 2019, on a vu en toute confidentialité à peu près tous les acteurs du transport aérien : des low-cost, des traditionnelles, des grandes compagnies se sont montrées intéressées pour prendre tout ou partie d’Aigle Azur. La première proposait de prendre à peu près la moitié du capital, et me laissait le management pour l’autre moitié (qu’on voulait partager avec les salariés) et elle injectait 40 millions d’euros dans l’entreprise. Malheureusement ou heureusement, début juillet cette offre-là tombe.

Pourquoi ?

Frantz Yvelin : Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question, ça arrive. La lettre d’intention est signée, on est contents, on se retrouve à Bercy pour fêter ça et les managers arrivent en disant : « Finalement, on a changé d’avis, on n’en veut plus. » Pour des raisons qui leur sont propres.

Ils vous donnent bien une raison ?

Frantz Yvelin : Non. Ils disent : « On n’est pas chauds, ça risque de créer un problème social chez nous, ce n’est pas simple, on a plus envie. ». Notre deal ne se fait pas, c’est la douche froide. On avait passé trois mois à bosser avec ça, c’était notre meilleur « call » … Il nous reste deux ou trois options. L’option B c’était un opérateur français qui rachète le long-courrier. Il nous fait un chèque, création d’une filiale dédiée, des slots, des avions, du personnel… Mais si on vend nos actifs, il faut que le reste survive et ça, ça ne suffit pas. Il faut un plan de continuation. On dit qu’on peut céder le long-courrier, Azul était prêt à jouer le jeu et continuer l’accord avec le nouvel acquéreur. Les Chinois n’ont pas fait la même chose mais on en reparlera. Deuxièmement, on cède une partie de notre activité court et moyen-courrier. Donc on cède les routes sur lesquelles on ne gagne pas d’argent. On garde l’Ukraine, l’Algérie (le plus gros de l’activité) et le Liban. Si on fait deux filiales dans lesquelles on loge évidemment du personnel, des avions, des slots ; on cède l’un à Vueling, l’un à l’autre opérateur Européen. On fait un plan de continuation qui tient la route. Patatras, quelques jours plus tard, l’opérateur qui voulait reprendre le long-courrier jette l’éponge.

Qui est l’opérateur ?

Frantz Yvelin : C’est confidentiel.

Mais encore…

Frantz Yvelin : Je ne peux vraiment pas le dire. Donc, finalement, ils se retirent, ce qui est leur droit le plus absolue aussi… Les raisons invoquées m’ont parue compréhensibles même si elles m’ont déçues. On retourne voir Vueling en leur demandant s’ils ne veulent pas prendre un peu plus de slots, d’activité parce que si on n’a pas vingt-cinq briques on ne passe pas. Finalement IAG accepte. Ils ont déjà signé la petite partie, l’autre partie ils vont la signer mais faut la passer au « board », ils sont « ok » sur le principe et signent ça. On est mi-juillet, on a sauvé Aigle Azur ! On en a bavé, on a bossé jour et nuit comme des dingues ! A ce moment, on avait aucune raison -donc deux mois avant qu’elle rencontre le destin tragique qu’elle a connu- de fermer les vols et les ventes. On a une solution signée sur la table. Elle était faite sous l’égide du CIRI, avec une procédure sous la surveillance du tribunal. Il faut bien comprendre qu’on n’a pas été aidés par nos actionnaires et en particulier notre actionnaire chinois sous le groupe HNA. HNA pendant trois à quatre ans a acheté tout ce qu’il pouvait acheter, malheureusement ça n’a pas eu l’effet qu’il pensait. Il s’est surendetté, il ne pouvait plus rembourser et l’Etat chinois a dit : « Ça suffit ! » et leur a imposé de se désendetter. HNA a commencé à revendre ce qu’il avait acheté sauf que ce qu’il avait acheté 10, il le vendait 7… Malheureusement, c’est arrivé début 2018. On devait démarrer la Chine à l’été 2018, ils ont oublié de transférer les slots à Pékin, on ne pouvait pas démarrer. Finalement, ils transfèrent les slots au mois d’août… Sauf que moi en plein mois d’août, je mettais des vols supplémentaires en A330 sur l’Algérie. On se met d’accord avec eux pour mettre en place la route chinoise en septembre, on a trouvé quelque chose pour occuper, on est encore en train de former nos pilotes. On a démarré la route fin septembre 2018, six semaines après, ils m’ont envoyé une lettre en disant qu’ils n’en voulaient plus… En parallèle, Nielman a accepté qu’on augmente la fréquence sur le Brésil (de 3/4 vols par semaine, on est passé à 4/5 vols). On a eu également un contrat d’ACMI avec la compagnie Air Austral, on desservait l’Océan Indien.

Ça a suffi ?

Frantz Yvelin : Oui ça a suffi ! Grace à Rolls-Royce… !

Vous continuez cependant à utiliser la trésorerie, les billets émis non-utilisés, c’est une faute… ?

Frantz Yvelin : Non ce n’est pas le cas. Aigle Azur avait à l’été 2019 plus de 20 millions d’euros de trésorerie – je maintiens ce chiffre- dont une partie était en Algérie, une partie en France. Aigle Azur avait à ce moment-là un plan de continuation qui était validé par le CIRI, 80% de l’actionnariat, le management qui s’engageait même à l’exécuter. On avait un acheteur pour reprendre une partie des actifs qui était étroitement lié à la bonne réalisation de ce plan. A aucun moment on a pris de risques. Ce qui a foutu par terre tout ça, c’est le fait que le 26 août, tout s’est arrêté à cause du putsch de Monsieur Houa. C’est unique en France pour une entreprise de cette taille-là. C’est grave.

Qu’est-ce qui lui a pris ?

Frantz Yvelin : Très franchement, si on le savait…

C’est une barbouze ?

Frantz Yvelin : Je n’ai pas à juger les gens, c’est la justice. Tout ce que je peux dire c’est que l’entreprise a porté plainte pour « faux et usage de faux » notamment et que, bien évidemment, ce putsch était illégal. Il a été jugé comme tel dès le départ. Quand il y a eu la procédure de redressement judiciaire et que Monsieur Houa s’est porté candidat à la reprise de l’entreprise pour éventuellement en racheter une partie, le tribunal a jugé qu’il ne pouvait pas le faire et n’avait pas l’argent. Quand, soutenu par le syndicat SNPNC-FO, et par un certain nombre d’autres acteurs élus du personnel, le 26 août, il commet cet acte gravissime, on est dans une situation qui est absolument ubuesque et gravissime pour l’avenir d’Aigle Azur. Evidemment, ça tue dans l’œuf la solution que nous avions avec Vueling. A ce moment-là j’ai demandé une nomination d’administration provisoire, on ne me l’a pas imposé. Il appartiendra à la justice de se prononcer. Elle a été saisie. Il y a une plainte de la société Aigle Azur représentée par l’administrateur provisoire -même pas par Yvelin -contre Monsieur Houa et Monsieur Bohn pour ce qu’ils ont fait. Ils l’ont fait sans l’aval des autres actionnaires et je peux le certifier, ils nous ont écrit qu’ils n’étaient pas au courant. J’ai reçu une lettre de révocation à mon domicile par un huissier, le matin du 26 août. Je lis et vois que c’est la société luxembourgeoise Lu Azur, la holding de M. Houa, qui me vire mais il n’avait pas le droit de me virer. J’appelle Nielman, son avocate, un autre membre du Comex, je demande s’il y a eu un Comex, s’ils ont voté pour me révoquer mais il n’y a pas eu de conseil, il n’y a rien eu. J’appelle le CIRI qui me conseille d’y aller avec un huissier. J’y suis et y a des barbouses qui m’empêchent de rentrer. C’est incroyablement grave ! Dans les dix minutes qui ont suivi cette lettre, j’ai perdu l’accès à tous les systèmes. J’ai dû prévenir avec mon mail personnel l’aviation civile en disant : « Attention en tant que dirigeant responsable, je n’ai plus accès au système de l’entreprise. » La DGAC a émis une alerte de niveau 1, le plus grave et j’avais trois jours pour le lever, sinon les avions restaient au sol. Lors d’une réunion du comité d’entreprise, Monsieur Houa est arrivé en disant : « Moi les sous je les ai, je vais les mettre, tout va bien se passer ». Je renvoie maintenant au jugement de liquidation judiciaire qui a eu lieu après.

Pourquoi finalement la liquidation a-t-elle été prononcée ?

Frantz Yvelin : Le plan que j’avais est tombé à l’eau le 26 août. La cerise sur le gâteau : des gens, notamment des syndicats, ont applaudi Monsieur Houa… Moi j’ai fait ce que je pouvais, j’ai fait nommer une administration provisoire. Le 27 août au matin, je n’étais plus président d’Aigle Azur.

Des regrets ?

Frantz Yvelin : Je ne peux pas regretter d’avoir fait tout ce que, humainement, je pouvais faire pour sauver cette boîte. Parce que, en juillet 2019, avec toute mon équipe, nous avions sauvé Aigle Azur. Monsieur Houa et certains syndicats en ont décidé autrement. C’est leur choix. A titre personnel, je regrette de ne pas avoir démissionné lorsque les Chinois ont voulu arrêter le Pékin. Je suis resté parce que je croyais en Aigle Azur, je croyais en ses personnels. Malheureusement, quand je vois comment certains se sont comportés, c’est odieux.

Je regrette aussi d’avoir fait confiance à des gens qui m’ont mis des coups de poignard dans le dos. J’ai été sali, insulté, vilipendé alors qu’il n’y a pas plus honnête que moi. J’avais le 36ème salaire chez Aigle Azur. Je suis parti sans un euro d’indemnités, sans aucun droit au chômage. Lorsque le couperet est tombé, j’ai été triste pour la majorité des salariés d’Aigle Azur qui sont des gens qui ne méritaient pas ça. Je regrette aussi le fait qu’il y ait eu des agents de voyages, des passagers lésés et des gens, de manière générale qui aient souffert.

Vous savez, Aigle Azur, présidée par Frantz Yvelin, avait été sauvée. Mais ce sont ses propres salariés et l’un de ses actionnaires qui ont flingué l’ensemble. C’est très dur à avaler !

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4 commentaires
  1. anonyme dit

    Ce monsieur a tapé dans les caisses pour payer un audit d’un million d’euros pour rien (surement audit auprès de ses copains avec rétro commission), il a augmenté les salaires de manière irrationnelle et a essayé de vendre les meilleurs slots de la compagnie derrière le dos de ses salariés. Et ensuite il ose dire qu’il aurait pu sauver Aigle Azur. Et bien sur il a raison, c’est pas de sa faute, c’est de la faute des autres !!!

  2. cliclac dit

    Il y a beaucoup de frustrations dans ses dires, ce qui est totalement vrai, car les actionnaires n’avaient pas joué le jeu. Mais aller jusqu’à justifier la chute de la compagnie par l’argent bloqué ? J’en doute. A sa place j’aurais évoqué les changements de programmes sur son marché de base qu’est l’Algérie (sur le programme automne-Hiver 2018-2019), La baisse du nombre de vols vers l’Algérie sur cette même période, l’arrêt de lignes qui rapportait plus (vers l’Algérie), pour en lancer d’autres (Europe), très peu rentables !
    Puis en remettant des vols vers cette destination, il était trop tard, et s’est fait vite rattraper par les événements en Algérie.
    On omet aussi de dire que durant son règne, de l’argent bloqué depuis des années en Algérie est bien remonté, injecté dans le fameux long courrier ….
    Aussi évoquer le super salaires versé à une certaine catégorie de personnel,
    La stratégie n’a pas bien tourné !! c’est tout …

  3. memorable dit

    Extrait de la com du DG FY le 06 Aout 2019 aux salariés, effectivement le mois d’aout fut mémorable !

    Oui, nous avons des difficultés. Oui, Le CE a les infos et la direction communique avec lui avec le plus de transparence possible, et nous avons des solutions qui se dessinent. Mais au-delà des difficultés, la trésorerie d’Aigle Azur est actuellement en phase avec ses besoins opérationnels, les avions sont remplis, le marché algérien est en grande forme, le mois d’août 2019 pourrait être l’un des meilleurs -si ce n’est le meilleur- de son histoire, et sa ponctualité est désormais revenue à des niveaux très bons (grâce à l’implication de tous).

  4. Anonyme dit

    Toujours est-il que 1200 salariés d’Aigle Azur se retrouvent sans emploi… Certains, dont moi-même, n’avons pas contribué à ce fiasco !!! Et se retrouvent à devoir payer des crédits avec famille à charge… sans emploi !!!

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