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Eric Drésin (Ectaa) : « Le passeport vert européen n’est qu’une étape pour sauver l’été »

S’il salue le « passeport vert » présenté par l’Europe mercredi, Eric Drésin, le secrétaire général de l’Ectaa, redoute un nouveau manque de coordination entre Etats membres. Et donc, des ratés à l’allumage de la saison d’été.

L’Echo touristique : Quel est votre avis sur le certificat sanitaire vert présenté par la Commission européenne ?

Eric Drésin (secrétaire général de l’Ectaa*) : Nous sommes en faveur du certificat sanitaire européen, qui s’appuie sur les vaccins, les tests et les preuves d’immunité. Nous apprécions qu’il s’appuie sur la collecte d’un minimum d’informations, et soit pensé pour la seule période du Covid. Sa mise en place facilitera le passage des frontières des citoyens européens. C’est donc un instrument indispensable, mais ce n’est pas la condition unique au redémarrage du secteur. Nous avons besoin d’une coordination entre les Vingt-Sept, au niveau des pays émetteurs et réceptifs. Nous voyons bien aussi que la Commission formule des recommandations, mais ce sera ensuite au bon vouloir des Etats membres.

Iriez-vous jusqu’à dire qu’il est dommage que la Commission européenne n’ait pas la compétence du tourisme, qu’elle manque de pouvoirs ?

Eric Drésin : La Commission européenne compose avec les moyens dont elle dispose… Dans les circonstances actuelles, nous regrettons qu’elle n’ait pas plus de pouvoirs en matière de tourisme. Une meilleure coordination entre les Etats membres pour structurer les flux de voyageurs s’avère indispensable. Nous sommes alignés en ce sens sur les positions de la coalition européenne Tourism Manifesto.

La Grèce veut s’ouvrir aux touristes internationaux dès la mi-mai. La Grèce et Chypre ont décidé de mettre en place des bulles de voyage avec Israël, pour les personnes vaccinées. Ces initiatives ne torpillent-elles la coordination européenne ?

Eric Drésin : Non, je le vois autrement. C’est une pression supplémentaire qui pèse sur les épaules de la Commission, pour agir. Si rien n’est fait au niveau européen, le risque, c’est une fragmentation des politiques nationales. L’été passé, la demande de coordination n’a pas été exaucée. Il faut que la Commission arrive avec un outil plus contraignant.

Avec le Covid, il est regrettable que la Commission européenne n’ait pas plus de pouvoirs en matière de tourisme.

Comment l’Europe peut-elle empêcher cette fragmentation, puisqu’elle n’a pas la compétence du tourisme…

Eric Drésin : Nous aurons certainement des bulles de voyage. Néanmoins, la Commission peut agir, non pas en se limitant à des déclarations d’intention comme l’an passé, mais en proposant quelque chose d’applicable au niveau national. L’avantage du passeport vaccinal, c’est qu’il s’adresse non pas aux ministres du Tourisme mais à ceux de la Santé, qui sont aujourd’hui plus importants en termes de décisions sur la réouverture des frontières.

Revenons aux bulles de voyage : devrait-on empêcher les bulles de voyage en Europe avec les pays tiers ?

Eric Drésin : Ces bulles sont plus des outils marketing des destinations, plus qu’un système parallèle de libre circulation des personnes. Israël a signé avec la Grèce, mais l’accord n’est pas appliqué. C’est clairement de l’affichage politique, cela n’a pas vocation à remplacer le cadre juridique européen.

Pensez-vous que le passeport vert sera déployé à temps pour sauver l’été ?

Eric Drésin : C’est très compliqué. Il existe des enjeux de pouvoir et de communication sur le sujet. La Commission a présenté hier un règlement, qui doit être adopté. Nous aurons une procédure d’urgence et des règlements d’application. La force de l’Union européenne doit être de répondre au maximum les attentes, juste avant le gong. Donc, je suis modérément optimiste…

L’an dernier la réouverture des frontières s’est faite en ordre dispersé. S’achemine-t-on vers le même scénario ?

Eric Drésin : Je pense que nous avons des risques de réouverture fragmentée et erratique des frontières. L’évolution de la propagation des variants et les tentations de confinement en témoignent. L’Italie s’est reconfinée, l’Ile-de-France, qui est une destination touristique importante, pourrait suivre rapidement. Tout cela est de la responsabilité des Vingt-Sept. L’ouverture des frontières est une compétence nationale. Or les Etats membres ne sont toujours pas prêts à travailler sur une plus grande coordination. Oui, il y a l’espace Schengen, mais c’est une coopération renforcée.

> Lire aussi : Le projet de passeport sanitaire de l’UE en 5 questions

Compte tenu de ce contexte et de la situation sanitaire, comment se profile l’été 2021, selon vous ? Conforme à l’été 2021 ?

Eric Drésin : C’est très compliqué de répondre. La crise nous a donné une leçon de modestie. Qui peut dire s’il n’y aura pas un quatrième variant ? Le déploiement massif du vaccin va-t-il avoir lieu d’ici l’été ? Ce que l’ont peut dire, c’est que les vacances de Pâques ne se passeront pas à l’international.

Quelles sont les attentes de l’Ectaa ?

Eric Drésin : Nous plaidons pour un plan de reprise de l’activité du tourisme au niveau européen. En complément du passeport vert, nous militons aussi pour l’harmonisation des tests afin de faciliter la libre-circulation des personnes. Il nous faut une véritable « task force » au niveau européen, afin de préparer la reprise du tourisme, et un meilleur dialogue avec les institutions européennes. Enfin, une approche globale de la réouverture des activités touristiques est nécessaire. Nous avons aussi ouvert les discussions sur la directive voyage à forfait.

La directive européenne sur les voyages à forfait ne semble en effet pas adaptée à la situation sanitaire et ses conséquences…

Eric Drésin : La directive était d’application dans un contexte économique et sanitaire normal. Aujourd’hui, le contexte a changé. Que faut-il modifier urgemment ? Le cadre des Circonstances exceptionnelles et inévitables (CEI), qui permettent l’annulation des voyages. Nous ne sommes pas tenus d’opérer un changement profond, mais de faire une notice interprétative de certains articles. L’idée, c’est de dire qu’en période de pandémie persistante, on ne peut plus invoquer les fameuses CEI. C’est ainsi de pouvoir libérer l’organisateur de voyages d’une partie de ses obligations en termes de remboursements et de délais.

La pandémie devrait-t-elle être exclue des CEI, puisque c’est aujourd’hui la normalité ?

Eric Drésin : Pas forcément. Nous sommes dans le très court terme, pour trouver une solution qui permette aussi la protection du consommateur. En l’espèce, aujourd’hui, nous devons avoir un regard différent sur les règles applicables, puisque nous ne sommes plus dans l’imprévisible.  

Les Etats auraient dû conditionner les aides au remboursement des billets d’avion.

Sachant qu’une nouvelle directive, qui prendrait des années à être adoptée et à entrer en application, n’est pas envisageable…

Eric Drésin : Une nouvelle directive discutée aujourd’hui pourrait être transposée aux alentours de 2027… Il faut donc plutôt travailler sur l’existant, et alléger les charges qui pèsent sur les entreprises. Un autre sujet sur lequel nous travaillons, c’est le non-remboursement des billets d’avion de la part de certaines compagnies aériennes, en violation du règlement européen 261/2004 et de la résolution 824R de Iata. Une low-cost leader sur le marché pose particulièrement problème, dans plusieurs pays. Les compagnies nationales remboursent sur leur propre marché, mais tardent à le faire dans les autres marchés d’Europe. C’est d’autant plus dommageable que les compagnies européennes ont reçu 35 milliards d’euros d’aides, sans conditions. Les Etats auraient dû conditionner les aides au remboursement des billets d’avion. Ils se sont assis sur l’obligation de rembourser. Très peu d’autorités nationales d’application de contrôle sont à jour de leur travail. Iata a elle aussi montré des signes de fragilité.

Quelle est la situation des agences en Europe, en général ?

Eric Drésin : La situation est la même dans tous les pays. La perte d’activité atteint 80% à 95% en 2020, en fonction de la spécialisation des entreprises. Le secteur est aujourd’hui partout à l’arrêt. Le problème, c’est la durée de la crise. La reprise des voyages pour l’été reste très aléatoire. Nous savons maintenant qu’il faudra des années pour rebondir. Arrive aussi la problématique des avoirs, qui dans certains pays ont une durée de 12 mois. Or les trésoreries sont exsangues.

*Association des agents de voyages et tour-opérateurs européens (Ectaa)

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