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Eric Drésin (Ectaa) : « La crise va entraîner la disparition de 30% des agences et des TO, en Europe »

La crise montre les limites d’une Europe en mal de décisions fortes, explique dans cette interview, Eric Drésin, secrétaire général de l’Ectaa. Le porte-parole européen des agences ne cache pas ses inquiétudes et propose des solutions.

L’Echo touristique : Vous avez récemment réuni les membres de l’Ectaa, en assemblée générale, à Athènes. Quelle est votre vision d’ensemble sur le secteur ?

Eric Drésin : Les agences installées dans des pays émetteurs enregistrent une chute d’activité de 80% à 90% par rapport à l’an dernier. Les pourcentages varient d’un État à l’autre bien sûr. Dans les pays plutôt récepteurs, la baisse peut atteindre 40% à 60%. L’impact de la crise est majeur. Les membres réunis à Athènes pour notre AG partagent les mêmes craintes : la crise va entraîner la disparition de 30% des agences et des TO. C’est un ordre de grandeur qui fait consensus, même si certains opérateurs, notamment sur des niches, devraient mieux s’en sortir. Les premières séries de fermetures arrivent. Les aides des États ne sont pas inépuisables, et certains pays acceptent les pertes (sectorielles) à court terme, ils veulent laisser le secteur redémarrer tout seul… Nous avons grillé nos dernières cartouches pendant l’été 2020, avec une fin de saison partie à vau-l’eau à cause notamment de décisions erratiques des gouvernements. L’idéal serait une reprise pour l’été 2021. Mais de fortes incertitudes perdurent sur les prochains mois. Sinon, ce sera l’hécatombe à l’échelle européenne.

L’Europe vient de déterminer des critères communs dans le voyage, comme des préavis minimalistes de 48h à 24h en cas de restrictions de voyage. Qu’en pensez-vous ?

Eric Drésin : C’est un premier pas intéressant, en termes de clarification des messages. Mais nous sommes loin de ce qui nous semble indispensable pour regagner la confiance des voyageurs. Au niveau des codes couleurs, nous avions une vision plus ambitieuse que celle des ministres des Affaires étrangères. Les délais d’informations, de 48h entre États membres, ne sont pas suffisants. Un préavis de 72h est pour nous à la limite de l’acceptable, compte tenu des délais pour faire un test et obtenir les résultats. Enfin, il s’agit de recommandations de l’Europe à l’égard des États membres. Sans garantie de réelle uniformisation. Or l’actuelle mosaïque d’exigences de quarantaine, complétées par des tests et d’autres obligations, qui sont introduites à très brève échéance, ne contribue pas à rétablir la confiance des voyageurs.

Le délai de préavis est même réduit à 24h pour le grand public… Selon vous, pourquoi n’a-t-on pas obtenu 72h, ou plus ?

Eric Drésin : Le tourisme reste une compétence nationale, nous n’avons pas de politique européenne du voyage. Les décisions et les orientations sont prises, dans chaque pays, en fonction d’un certain équilibre entre différents ministères. La question de la santé publique est aujourd’hui particulièrement forte. La voix du ministère du Tourisme a du mal à être entendue par rapport aux autres ministères. Chaque pays est focalisé sur la question sanitaire.

La crise montre les limites de l’Europe.

Question naïve : ne pourrions-nous pas avoir de règlement européen sur les restrictions de voyage, comme il existe des règlements pour imposer le remboursement des voyages ? 

Eric Drésin : Non, la compétence de la libre circulation et les restrictions relève des États membres. Nous ne pouvons pas aller au-delà. Ce qui est regrettable, c’est qu’on ne cherche pas à considérer l’Europe comme une seule entité. C’est la lacune majeure que révèle la crise sanitaire. La crise montre les limites de l’Europe. Ce n’est pourtant pas parce qu’on n’a pas de code juridique idoine qu’il ne faut rien faire. Il faudrait transférer plus de responsabilités aux institutions communautaires, créer une structure « tourisme et santé publique » sans pour autant changer la législation. Or des États membres rechignent à cela. Il y a de plus des clivages entre des pays du Sud, très dépendants du secteur et donc fortement impactés par la pandémie, et des pays du nord. Nous ne parvenons pas à trouver un petit dénominateur fort en commun. La Hongrie, par exemple, garde ses frontières fermées. C’est très dommage pour notre industrie, nous creusons notre propre trou…

Que pensez-vous des tests antigéniques ? Jean-François Rial (Voyageurs du Monde) invite la France et l’Europe à les généraliser, son appel et celui d’autres opérateurs a d’ailleurs été entendu.

Eric Drésin : Je n’ai pas les compétences scientifiques pour me prononcer sur la pertinence des tests antigéniques en particulier. Mais il faut multiplier les tests, sortir des tests actuels, trop lourds, longs et coûteux – jusqu’à plus de 100€ en République tchèque… Nous devons effectivement faciliter la pratique des tests pour faciliter la reprise des voyages. Les compagnies, les hôteliers et les destinations y sont favorables. À l’Ectaa, nous soutenons d’ailleurs la campagne #testdonttrap porté par l’industrie, plutôt que d’encourager des procédures comme les mises en quarantaine.

Où en est le Plan Marshall de 750 milliards d’euros, qui devrait consacrer 20% du budget au Tourisme ?

Eric Drésin : On peut se féliciter du fait qu’il y ait un tel projet, notamment en vue d’un tourisme plus responsable. Thierry Breton (le commissaire européen au marché intérieur) a confirmé cette semaine la part de 20% qui devrait revenir au secteur. Le petit souci, c’est que ce Plan Marshall est pour des investissements à moyen ou long terme. Le temps que tout soit validé, nous serons au printemps 2021 au mieux. L’urgence, c’est que les entreprises du voyage survivent. Rappelons d’ailleurs que l’Union européenne accorde des aides directes aux entreprises, dans certaines conditions.

L’Echo touristique : Globalement, quelles sont les attentes de l’Ectaa, en tant que porte-parole européen des agences et des TO ?

Eric Drésin : Nous demandons instamment aux institutions européennes de réexaminer la recommandation dans les semaines à venir afin de résoudre les domaines problématiques. Que préconise l’Ectaa ? Il faut définir des règles claires sur les restrictions et obligations de voyage qui s’appliquent d’une zone à code de couleur à l’autre. Nous devrions remplacer les exigences de quarantaine par des tests pour les voyageurs provenant de zones à risque. Et publier des informations sur les nouvelles restrictions de voyage 5 jours avant leur entrée en vigueur, comme le propose la Commission. Il faudrait aussi modifier la directive sur les voyages à forfait, pour qu’elle prenne bien en compte les circonstances exceptionnelles. Les compagnies aériennes doivent de surcroît respecter la réglementation et rembourser les clients. Il nous semble aussi indispensable d’avoir des réflexions sur les garanties financières et les assurances voyage.

=> Eric Drésin participera en tant que speaker au Forum A Word For Travel, à Evora.

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1 commentaire
  1. FABIEN BARANES dit

    Sans assurances annulation capables de couvrir (et donc de rembourser) le non départ d’un voyageur pour cause de test positif Covid, la mise en place de tels tests aux aéroports (ou ailleurs) me semble d’un intérêt très limité, insuffisant pour redonner confiance aux clients.
    Alors si la crise du Covid s’inscrit dans le temps, ne faudrait il pas que les hôteliers, les compagnies aériennes, les agences de voyages, les TO et tous les maillons de cette chaîne qu’est le voyage, acceptent une annulation Covid sans frais à quelques heures du départ ? Assuré d’être remboursé, le client aurait toutes les raisons de se remettre en route. Pour nous professionnels, cela veut dire des annulations sans revenu pour 5 à 8% des partants, mais de vrais revenus pour tous les autres. Un mal pour un bien à priori …
    Pour ma part, dès qu’une Chartre Covid mondiale définissant ces règles existe, je la signe. On pourrait espérer qu’en peu de temps les non signataires réalisent qu’ils ne travaillent pas alors que pour les signataires la machine repart. Je ne doute pas qu’a l’initiative de l’Ectaa, IATA, les grands groupes hôteliers, les grands autocaristes, etc. puissent se mettre autour d’une table pour initier ce projet et créer une dynamique que les « petits » comme moi suivront volontiers.

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