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EDITO. Faut-il interdire le tourisme ?

Il faut libérer la Joconde et mettre fin à son calvaire. C’est ce qu’affirme une philosophe française, dans une tribune d’une incroyable radicalité… excessive.

Faut-il interdire le tourisme ? Vous avez quatre heures pour traiter ce sujet quasiment philosophique. Mais non, c’est une boutade bien sûr. Encore que. « Au nom de la Joconde harassée, de Capri et de Calvi transformées en boîte de nuit, au nom de Florence, de Venise, de toute l’Italie ou presque, de la France aussi, au nom des golfes clairs et des mers argentées, au nom de tous les océans : oui. Oui, il faut interdire le tourisme », assène la philosophe Laurence Devillairs dans L’Express.

Et Laurence Devillairs d’ajouter : « Le tourisme – pourquoi ajouter de masse ? Le tourisme est toujours de masse, il ne fait pas dans la dentelle, il est une négation de l’individualité : (…) on transforme ce qui est époustouflant en un spot de visite guidée – le tourisme, donc, pollue, détruit, on le sait. » Sa tribune comporte d’indéniables vérités, mais la radicalité de sa première partie me laisse sans voix. La deuxième, accessible aux seuls abonnés du magazine, est un peu plus nuancée…

Donc, il faut interdire aux 60% de personnes françaises qui ont la chance de partir en vacances d’arrêter ? Supprimer la rencontre entre les peuples et le développement d’une activité qui représente environ un emploi sur 10 dans le monde ? Et pourquoi pas revivre confinés, frontières fermées ? Plaisanterie de mauvais goût bien sûr…

Alors oui, il faut voyager autrement, moins souvent et plus longtemps. Nous devons apprendre la sobriété dans toutes nos activités, aériennes ou non. Milliardaires compris, notamment ceux qui prennent leur jet privé comme le métro. L’hérésie de l’aviation d’affaires a agité Internet tout l’été, créant une polémique toujours vive.  

Il serait ridicule d’interdire l’avion bien sûr, ou le tourisme. Mais les excès sont à bannir. Un jet peut émettre en cinq heures la quantité de CO2 émise par un Français moyen pendant une année entière, selon une étude de Transport & Environment de 2021… Le « peuple » devrait culpabiliser par rapport à notre vol annuel « lors de vacances bien nécessaires » pendant que les milliardaires « prennent des jets privés tous les deux jours comme si c’était un Uber », résume très bien une internaute. Faut-il imposer sous 5 ans l’utilisation obligatoire des carburants de synthèse aux jets privés, comme le suggère Jean-François Rial (Voyageurs du Monde) ? Et pourquoi pas en testant la très coûteuse aile d’Airbus, à l’hydrogène ? L’idée semble intéressante, mais quel gouvernement osera le faire ?

Le ministre délégué aux Transports Clément Beaune s’est dit disposé, selon Le Parisien, à « agir et réguler les vols en jet privé ». Une initiative qui aurait agacé Emmanuel Macron selon Le Canard Enchaîné… 

En général, c’est plutôt les « pauvres » auxquels on s’attaque, c’est quand même autrement plus facile. Prenez les propos du ministre du Tourisme de la Nouvelle-Zélande, qui dénigre les back-pakers fauchés. Stuart Nash mise désormais sur les voyageurs fortunés pour relancer le tourisme. Ceux notamment qui, comme il le déclarait en 2020, « volent en classe affaires » ou « louent un hélicoptère »… Pas terrible leur bilan carbone. Les très riches font du tourisme anti-masse, mais sont loin de montrer l’exemple, en général. D’ailleurs, selon un rapport d’Oxfam France et de Greenpeace France, le patrimoine financier de 63 milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que celui de 50% de la population française… Preuve que le monde reste aujourd’hui guidé par le capitalisme, et non par l’urgence de l’écologie.

 

4 commentaires
  1. Jean Pierre Pinheiro dit

    Effectivement, l’article de L’Express un peu excessif, avec quelques généralités et faisant l’impasse sur quelques vérités. Merci Linda d’en avoir rappelé ici quelques unes.

  2. BABAS dit

    Adapter plutôt qu’interdire. Trouver des voies d’amélioration plutôt que de nier en totalité. Face à des problèmes importants, la machine médiatique et sociale s’emballe, avec trop souvent, des propositions radicales. La seule voie raisonnable est de trouver un équilibre, avec certes des contraintes, mais pas d’empêchement systématique. Notre planète a suffisamment à faire avec les nombreuses crises qu’elle traverse, pour ne pas en créer de supplémentaires qui aggraveront la situation de nombreux pays pour lesquels le Tourisme est vital… Du bon sens bordel !

    1. Linda Lainé dit

      Adapter plutôt qu’interdire… Très juste. D’ailleurs, des destinations ont commencé à le faire, notamment par une meilleure gestion des flux sur les sites sensibles (cf. les calanques). Pas toutes bien sûr, il faudra du temps et de l’énergie.

  3. Michel NAHON dit

    J’ai signalé cet infame article et et cette prise de position indigne sur les réseaux sociaux le 3 aout
    Ras le bol de ces oukazes du corps enseignant (et même parfois en saignant)
    Partagé avec Jean-Pierre Mas Laurent Abitbol Lionel Rabiet Mumtaz Teker
    Va-t-on rester sans rien répondre et laisser anéantir 10% de l’emploi et du PIB du pays ?
    LEXPRESS.FR
    Laurence Devillairs : Pourquoi il faut interdire le tourisme

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