Covid-19 : 45 milliards d’aides au tourisme, mais une occasion manquée de transformation pour la Cour des comptes
Pour la Cour des comptes, les différents dispositifs d’aide ont permis aux entreprises du tourisme de résister à la crise sanitaire. Mais un plan de transformation doit être engagé pour leur permettre de garder leur compétitivité.
C’est une photographie très précise des aides qui ont été débloquées pour soutenir le secteur que vient de publier la Cour des comptes. Dans ce document d’une centaine de pages, la juridiction indique que le secteur du tourisme a bénéficié de 45,5 Mds€ d’aides publiques en 2020 et 2021 dispensées par l’État et ses opérateurs à quelque 320 000 bénéficiaires.
Ces aides se répartissent essentiellement entre cinq dispositifs : 17,2 Mds€ pour le fonds de solidarité et ses aides satellites (coûts fixes, remontées mécaniques, etc.) ; 10,6 Md€ pour l’activité partielle ; 3,1 Mds€ d’exonérations de charges sociales ; 13,7 Mds€ de prêts garantis accordés et 0,9 Md€ d’aides à l’investissement.
La crise ayant mis à l’arrêt le secteur, 98% des entreprises du secteur ont reçu au moins une aide sur cette période. Les aides publiques versées ont compensé 88% des pertes d’excédent brut d’exploitation et 25,8% de la perte de chiffre d’affaires du secteur. Près d’une entreprise sur deux a activé le dispositif d’activité partielle. Les trois-quarts des entreprises du tourisme ont bénéficié du fonds de solidarité.
« Le secteur a été en proportion plus subventionné que le reste de l’économie pour lequel le recours aux PGE a été prépondérant, analyse ce rapport. Cela s’explique par le fait que les subventions directes (fonds de solidarité, activité partielle, exonérations de charge) ont été orientées sur la durée vers les activités dépendantes de l’accueil du public, dont les activités touristiques constituent une part importante. » Le cumul des aides a parfois conduit à des compensations au-delà des pertes constatées, note la juridiction financière.
Une dynamique d’investissements interrompue
Dans l’Hexagone, le chiffre d’affaires du secteur tourisme s’est réduit de 46% en 2020 et 2021, une baisse d’une ampleur inédite, rappelle le document. Frontières fermées, avions cloués au sol : pour le secteur des agences de voyage, la contraction a atteint jusqu’à 60%, un chiffre qui grimpe même à 70% pour le transport aérien.
Au-delà des entreprises, la crise sanitaire a aussi une un impact sur les finances publiques. Les recettes fiscales de l’État et des collectivités territoriales liées au tourisme ont chuté : la collecte de TVA nette du secteur de l’hôtellerie-restauration a faibli d’1 Md€ entre 2019 et 2020 et la taxe de séjour a décru de 139 M€ sur la même période. La dynamique d’investissement du secteur s’est brutalement interrompue (-20% en moyenne en 2020 et 2021). »Depuis 2015, l’investissement était dynamique, avec une croissance annuelle moyenne de plus de 6% », rappelle le contrôleur des comptes publics. En 2019, son montant global avait même dépassé pour la première fois 16 Mds€. Cette dynamique s’est brutalement interrompue en 2020 et 2021, hormis pour les activités de mobilités douces et la gestion des monuments historiques.
Le taux d’investissement des entreprises privées du tourisme, en baisse de 20%, décroche par rapport à celui du reste de l’économie. Cette baisse a été moindre dans la restauration (-13%), l’hébergement (-16%) que dans l’événementiel (-28%) ou les agences de voyages (-34%). Pour certains secteurs, comme l’hôtellerie, l’investissement a toutefois rapidement redémarré.
Eviter les licenciements
Dès mars 2020, les premières mesures d’aides ont été mises en place par le gouvernement, qui a notamment instauré les PGE, les chômage partiel, le report des charges sociales ou l’ordonnance des avoirs. Au global, le secteur du tourisme a bénéficié de 21% des aides d’urgences en 2020 et 2021. L’ambition de ces dispositifs était triple : « soutenir en urgence les salariés et les entreprises pour éviter les faillites et les licenciements, créer les conditions de la reprise en stimulant l’offre et la demande touristique, transformer le secteur pour permettre la durabilité de l’activité touristique », énumère la Cour des comptes.
Et les entreprises du tourisme ont visiblement tenu le choc : les faillites d’entreprises du secteur ont diminué de près de 44% en 2020 et 2021 par rapport à 2019, constate la Cour des comptes. Soit 10000 faillites de moins sur la période, ce recul s’avérant plus important que dans le reste de l’économie. En 2022, Altares a de son côté identifié 90 défaillances, contre 72 en 2021 et 97 en 2019. Si le contexte actuel est encore source d’incertitudes, pour l’heure, le nombre des défaillance ne s’est donc pas envolé. La Cour des comptes indique également que le niveau des effectifs du secteur a été globalement stabilisé, avec une baisse limitée à 0,4% entre fin 2019 et fin 2021. 95% des professionnels du secteur interrogés par la Cour estiment que le dispositif de l’activité partielle leur a permis d’éviter des licenciements.
Pour les trois-quarts des professionnels interrogés par la Cour, les mesures de soutien mises en place ont permis au secteur de répondre à la reprise de la demande dès la levée des restrictions. Une reprise largement favorisée par le désir de voyager en France porté par les touristes nationaux et européens, constaté dès la levée des restrictions de mobilité.
Vers une stratégie nationale ?
Si le bilan s’avère donc globalement positif, dans son rapport, la Cour des comptes regrette néanmoins « une occasion manquée de transformation du secteur du tourisme ». « Cette ambition de transformation numérique et écologique du secteur s’est traduite par des mesures annexes et disparates, aux financements limités par rapport aux mesures d’urgence et sans cohérence réelle avec celles-ci », déplore le document.
Bien que sollicité par 18922 entreprises, le « chèque numérique » de 500 euros ne semble pas avoir généré d’effet de levier pour renforcer l’usage du numérique dans les entreprises, relève la Cour des comptes. Une somme en tout cas dérisoire pour « transformer » la stratégie digitale des entreprises…
« Les dispositifs de soutien à la transition écologique ont, eux, conduit à l’amélioration énergétique de petits équipements mais n’ont pas permis au secteur d’entamer sa transformation durable, regrette le document. Les entreprises du tourisme bénéficiaires des mesures de soutien à la transformation numérique et écologique considèrent d’ailleurs qu’elles n’ont pas modifié leurs pratiques. »
Ces mesures ont malgré tout permis d’effectuer un premier pas pour enclencher une véritable dynamique de transformation, estime le rapport. « La stratégie développée dans le cadre du nouveau plan Destination France pourrait l’impulser si les professionnels du tourisme s’en emparent”, souligne-t-elle. Et de recommander l’élaboration, « en lien avec les collectivités territoriales, d’une stratégie nationale de transition écologique, concertée avec les professionnels du tourisme, avec des objectifs quantitatifs engageant les signataires ».
Un audit pour le site monemploitourisme.fr
« Peut-être la crise n’était-elle pas une période propice pour s’engager dans une transformation à moyen terme. La Cour appelle à poursuivre la transformation du secteur, enjeu de compétitivité pour le secteur et de réussite des engagements de la France en matière de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique. »
La question de l’attractivité du secteur reste également posée. « Les entreprises du tourisme ont été touchées par un phénomène de « non-retour » après la saison ou de reconversion des salariés du secteur d’une ampleur nouvelle à l’issue des confinements, rappelle le document. Des salariés ont démissionné et des saisonniers ont abandonné ce secteur au profit de postes plus stables dans d’autres secteurs. L’ampleur de ce phénomène reste difficile à mesurer mais il est présent dans toutes les activités du tourisme. » Lancée par le président de la République, la plateforme monemploitourisme.fr a eu un impact limité durant la crise sanitaire, à la fois en raison de son ouverture tardive (mai 2021) et de sa faible audience », relève le rapport. La Cour recommande de procéder à un bilan de cette plateforme au plus tard d’ici fin 2023.
Mauvaise pioche….
On aurait du , comme nous l’avions proposé, commencer par informer et impliquer les entreprises du marché, les futurs employeurs:
– On lance en avant première en B2B ( tout le monde sait)
– On aide les entreprises à relayer sur leurs réseaux ( tout le monde promeut)
et au pire ça fait de l’audience et de la sensibilisation ( tout le monde est content..).