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Commissions : Air France ouvre le débat

La France fait figure d’exception dans un paysage européen engagé dans un mouvement de baisse des commissions. Mais elle n’échappera pas à ce bouleversement, qui pourrait accélérer encore les rapprochements dans la distribution.

Deux ans après la suppression des commissions aériennes aux Etats-Unis, la vague a finalement déferlé sur l’Europe. Les compagnies européennes rivales d’Air France ont déjà sauté le pas, ou s’apprêtent à modifier radicalement leurs politiques de rémunération aux agences. C’est dans ce contexte que s’est tenu il y a quelques jours la réunion entre la commission Air du Syndicat national des agences de voyages (Snav) et Air France, qui doit permettre de faire un état des lieux de la situation en Europe et de lancer la réflexion qui mènera inéluctablement à l’abandon du système classique des commissions en France à la fin de l’année. Un sujet qui devrait aussi alimenter les débats du 45e congrès du Snav, qui se tient du 20 au 24 janvier, à Merida au Mexique.

Une initiative venue du froid

Comme souvent, c’est d’Europe du Nord qu’est parti le mouvement. Le 1er janvier 2003, la compagnie scandinave SAS a été la première à supprimer les commissions en Scandinavie et en Finlande. Parallèlement, le transporteur a introduit sur le marché scandinave des tarifs nets accompagnés d’une grille de frais de dossier appliqués dans ses propres points de vente. Les agences de voyages peuvent pratiquer le niveau de frais qu’elles souhaitent, ou suivre cette grille indicative, précise Andrea Salvi, responsable marketing chez SAS France. A titre d’exemple, les frais pratiqués par SAS en Suède varient entre 17 euros pour un billet en classe économique et 79 euros pour une classe affaires sur un vol interconti- nental.

Envahie par les compagnies low cost, la Grande- Bretagne a été la deuxième à sauter le pas. Depuis le 1er décembre 2003, British Airways a introduit un taux de commission de base de 1 % (voir article page 21).

Après huit mois d’âpres discussions, Iberia a récemment conclu un accord avec les principales fédérations espagnoles d’agents de voyages pour mettre en place une baisse progressive de la rémunération sur son marché. Jusqu’à présent, la compagnie proposait trois niveaux : 6,5 % pour les vols intérieurs, 6,75 % pour les vols européens, 7 % pour les vols intercontinentaux. Elle les a remplacés par un système qui fait chuter l’ensemble des commissions à 3 % dans un premier temps (jusqu’au 30 juin 2004), puis la rémunération baissera par paliers de six mois jusqu’à 1 %, taux qui sera atteint le 1er juillet 2005.

Air France face à une lame de fond européenne

Parallèlement, une grille indicative de frais à percevoir auprès des clients, oscillant entre 9 et 70 euros selon la nature du billet (classe affaires ou économique, papier ou e-ticket) et la destination, sera proposée aux agents espagnols qui resteront toutefois maîtres de leur politique.

Outre-Rhin, Lufthansa a opté pour une attitude plus expéditive. A partir du 1er septembre 2004, le transporteur allemand supprimera totalement sa commission de base en laissant une totale liberté aux agences pour fixer leurs frais de dossier.

Du côté des partenaires d’Air France aussi, les choses vont vite évoluer. KLM, qui pour l’instant rémunère les agences néerlandaises avec un montant fixe de 34 euros par billet, réfléchit à la suppression à la fin de l’année de ce système. Elle pourrait le remplacer par une rémunération variable, en fonction de différents critères encore en négociation. En premier lieu, la compagnie examinera la valeur financière apportée par l’agence, selon sa répartition des ventes économiques et affaires. Elle pourrait aussi prendre en compte les économies réalisées par le distributeur au moment de la réservation (recours à l’e-ticket, etc.). Enfin, KLM examinera le degré d’implication de l’agence dans sa mise en valeur commerciale (campagnes promotionnelles conjointes, formation…). La rémunération pourrait ainsi varier en fonction du nombre de critères remplis. De l’autre côté des Alpes enfin, Alitalia, qui propose pour l’instant un taux de commission oscillant entre 3 et 7 % pourrait, dès le mois de février, passer à 1 % sur son marché intérieur.

Que va donc décider Air France face à une telle vague ? Il est clair que nous ne pourrons pas rester à l’écart de ce qui se passe actuellement en Europe, explique Christian Boireau, directeur général chargé du commercial France. La baisse semble donc inéluctable, le débat portant plutôt sur le niveau de commission qui sera retenu : 0 ou 1 %. Les agences ont toutefois quelques mois pour se préparer, Air France ayant confirmé que rien ne changerait avant le 1er janvier 2005. Je souhaite que les évolutions soient menées en toute transparence et qu’elles ne se fassent pas au détriment de nos partenaires de la distribution, ajoute Christian Boireau.

Peut-on croire à une exception française ?

Pour autant, dans un contexte clair de choix entre 0 ou 1 %, certains continuent d’espérer en la possibilité d’une exception française. Je ne crois pas que le recours à la commission zéro soit inéluctable. Il est toujours légitime que les agents de voyages soient rémunérés par leurs fournisseurs car, pour émettre de la billetterie, ils font de gros efforts sur l’équipement informatique, la formation des personnels et, surtout, ce sont eux qui encaissent l’argent et assument les risques en cas de défaillance du transporteur, considère Robert Darfeuille, président de la commission Air du Snav. Un argument qui prend un certain relief dans le contexte des multiples défaillances (Air Lib, Aéris, etc.) que connaît actuellement le transport aérien en France. Le statut qui découle de notre situation de mandataire nous donne aussi un accès égal à la totalité du stock des compagnies aériennes, ce qui ne sera plus le cas si nous ne touchons plus de commission, poursuit Robert Darfeuille. Reste que, dans un cas comme dans l’autre (0 ou 1 %), les agences de voyages seront obligées de se convertir aux frais de dossiers.

La fin des services gracieux aux clients, tout se paie

Avec des billets à 35 euros, elles n’ont plus aucun intérêt à être rétribuées à 7 %. Il est évident que les distributeurs seront obligés de prendre des frais de dossiers pour vivre, considère Jean-Pierre Sau-vage, DG France d’Iberia. Cela fait partie des points que nous aurons à discuter. Vraisemblablement, nous leur proposerons de facturer les mêmes frais de dossier que nous appliquerons dans nos propres agences, précise Christian Boireau. Tout en reconnaissant que sur Internet, Air France pourrait prendre des frais moindres, et donc afficher des tarifs plus compétitifs que ceux proposés par les agences. Les distributeurs ont un vrai service à offrir à leurs clients et en tant que tel, ils doivent pouvoir se faire rémunérer par eux. C’est déjà le cas en dehors du tourisme. Quand une épicerie est ouverte le dimanche, les prix sont souvent plus chers mais les clients ont un vrai service supplémentaire, renchérit Jean-Pierre Sauvage.

La pratique des frais de dossiers est d’ailleurs déjà assez répandue. Les réseaux spécialisés dans le voyage d’affaires, par le biais des rému- nérations à l’acte et des management fee (rémunération globale en fonction des économies réalisées), l’utilisent fréquemment. Et elle tend désormais à se développer dans les agences qui revendent les compagnies low cost, qui ne commissionnent pas.

Le risque de perdre la maîtrise du prix de vente

C’est peut-être par ce biais que les agences vont d’ailleurs pouvoir comprendre à leurs clients que désormais, ce seront eux qui devront mettre la main à la poche, la low cost ayant fait prendre conscience que chaque service à un coût et donc se paie.

Le véritable danger pour le transporteur en cas de passage à la commission zéro reste toutefois de perdre la maîtrise du prix de vente final du billet. Un principe sur lequel Air France a construit sa politique commerciale depuis déjà plusieurs années. En théorie, rien n’empêcherait en effet un agent de voyages de pousser les ventes d’une compagnie par rapport à une autre, en jouant sur les frais de dossier perçus. Ce système aurait tout de même une limite. Une agence basée à Bordeaux qui réserve un billet pour Francfort n’a guère le choix qu’entre Lufthansa et Air France, précise Robert Darfeuille. L’existence des hubs, proposant des connexions par les vols internationaux, donne néanmoins une grande latitude de choix aux distributeurs. Quand les frais de dossiers seront généralisés, les agences qui seront aussi en concurrence entre elles, devraient peu à peu proposer des grilles tarifaires équivalentes, prévoit Christian Boireau.

Pas forcément perdantes à l’arrivée…

Il n’empêche que dans un premier temps, la nouvelle donne risque d’entraîner des rapports de force exacerbés. La suppression de la commission de base va mettre les petites agences de province en concurrence directe avec les points de vente Air France, renchérit Daniel Mazeron, représentants des distributeurs indépendants au Snav. Ce n’est pas un hasard si, au-delà des rapprochements qui existent dans l’aérien, la consolidation s’accélère aussi dans la distribution. Sans aucun doute, la nouvelle donne va inciter les petites agences à rejoin- dre les réseaux. D’autant que ces derniers seront à même de négocier des rémunérations complémentaires en fonction des volumes, d’objectifs de vente ou de croissance : les fameuses marges arrières.

D’autres distributeurs pourraient pour leur part opérer des changements radicaux d’activité, s’orientant davantage vers la vente de forfaits touristiques. Mais même si les agences vont par la force des choses devoir se transformer, il n’est pas sûr qu’à l’arrivée, elles soient forcément perdantes. Aux Etats-Unis par exemple, celles qui ont résisté gagnent aujour-d’hui plutôt mieux leur vie (voir encadré ci-contre).

Et, pour mémoire, dans la grande distribution, ce sont les distributeurs qui mènent la danse et mettent leurs fournisseurs sous pression. Une leçon à méditer par tous, à l’orée de cette révolution en marche.

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