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CO2 dans l’aérien : entre credo des voyageurs et réalité, un gouffre

Beaucoup de voyageurs affirment vouloir diminuer leur impact carbone notamment en payant plus. Mais dans les faits, cela ne se vérifie pas.

De nombreux voyageurs affirment être prêts à payer davantage pour des trajets en avion moins polluants. Pourtant, seule une proportion infime compense volontairement ses émissions de CO2. D’un côté, la crise climatique ; de l’autre, un redécollage en trombe du secteur aérien après la pandémie, au point de s’approcher dès cette année du record de 2019, selon les projections de l’Association internationale du transport aérien (Iata) qui se réunit jusqu’à mardi à Istanbul.

Au carrefour de ces deux tendances, un comportement des consommateurs individuels qui, malgré le battage autour de la « honte de voler », n’évolue encore que marginalement, et encore, seulement dans certaines régions du globe comme l’Europe.

Pourtant, la prise de conscience est réelle, insiste Diane Strauss, directrice de l’ONG Transport & Environment (T&E) pour la France. « Il y a quand même quelque chose qui est en train de +percoler+ dans la population même si ça ne se traduit pas encore par des actes », a-t-elle affirmé fin mai au congrès de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (Fnam) à Paris.

12% des personnes ont « honte »

Comme les avions génèrent du CO2 en brûlant du kérosène, les compagnies recourent aux « compensations », par exemple avec la plantation d’arbres. C’est aujourd’hui leur méthode principale pour réduire leur empreinte carbone, mais elle est controversée car sans méthode harmonisée et sujette aux fraudes par les intermédiaires.

En France, la loi Climat impose aux exploitants de vols intérieurs de compenser eux-mêmes 70% de leurs émissions cette année avant la totalité en 2024. Air France le fait déjà depuis 2020. Dans une étude en mai de la Chaire Pégase de la Montpellier Business School, seules 12% des personnes interrogées disaient ressentir de la « honte » à prendre l’avion, mais 41% affirmaient essayer de moins y avoir recours pour préserver l’environnement.

Et de même source, les sondés étaient prêts en moyenne « à payer leur billet 15,6% plus cher pour voler avec une compagnie aérienne qui utilise des innovations vertes » comme le carburant durable (SAF, son acronyme en anglais).

Peu de compensation dans l’aérien

Mais alors que de nombreuses compagnies proposent déjà, à la fin du processus en ligne d’achat de billets, de compenser leur vol ou de financer l’achat de SAF, très peu de clients individuels passent à l’acte, de l’ordre de 1%, s’accordent à dire les transporteurs. Et ce phénomène n’est pas nouveau, a témoigné à la Fnam Jean-François Rial, directeur général de Voyageurs du Monde.   « Il y a 20 ans, j’ai fait un sondage magnifique auprès de mes clients: +voulez-vous absorber votre carbone?+ 80% m’ont dit +oui, on est prêts à payer+, je l’ai mis en place, 0,1% ont payé, et j’ai payé tout seul », a-t-il raconté.

Les compagnies affirment jouer le jeu en acquérant du SAF et en achetant des crédits carbones, principalement dans des projets de protection des forêts. Mais en l’absence de normes, la présentation de ce choix sur les sites internet des compagnies « n’est souvent pas bien ficelée », estime Nina Wittkamp, chez McKinsey, évoquant « une décision relativement complexe à prendre à la fin d’une transaction plutôt facile ».

« Les consommateurs sont de toute évidence soupçonneux et pas certains de ce qu’ils achètent réellement », opine Geoffrey Weston, consultant aérien chez Bain & Company. « Les passagers ne voient pas forcément l’impact et n’arrivent pas à l’associer directement à leur vol », renchérit le directeur de la Chaire Pégase, Paul Chiambaretto.

« Psychologie du marketing »

Il évoque aussi un sujet de « psychologie du marketing », lié à la façon dont les compagnies présentent cette contribution. « Si on a un tarif et qu’on fait payer un montant supplémentaire, c’est considéré comme une perte pour le passager, et dans ce cas il sera moins prêt à payer ».

Selon les travaux de Bain & Company, sur un ensemble de personnes exprimant une intention de payer pour compenser leur vol, six à sept fois moins passent à l’acte, révèle Geoffrey Weston. Le tableau évolue néanmoins, grâce aux entreprises soucieuses de leur bilan environnemental.

Lufthansa a mis en place des « tarifs verts » plus élevés incluant une compensation carbone, et « de nombreuses entreprises s’intéressent davantage à acheter du SAF pour les déplacements de leurs employés », assure Annette Mann, directrice générale d’Austrian Airlines, membre du groupe aérien allemand.

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