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Bertrand Piccard : « Je suis pour la croissance qualitative »

Chaque année, le World Connect d’APG est le bon endroit pour rencontrer des personnes inspirantes dans le secteur de l’aérien. Cette année, Bertrand Piccard s’est démarqué.

Cette année, le World APG Connect n’avait pas lieu comme à son habitude à Monaco mais à Malte. C’est donc dans le superbe Westin Dragonara Resort que se sont réunis 500 experts de l’aérien (dirigeants de compagnies, fournisseurs, patrons d’aéroport etc.) pour deux jours de conférences et de networking.

L’un des invités les plus attendus de ce congrès était Bertrand Piccard, le psychiatre suisse qui a été le premier à réaliser un tour du monde en ballon en 1999 et un tour du monde en avion solaire en 2015/2016. De cette expérience, il a tiré plusieurs enseignements qu’il a tenu à partager avec l’assemblée. Extraits choisis.

« Le futur n’est pas une extrapolation du passé. Le futur est imprévisible. Lorsque nous devons ou voulons faire une chose à laquelle personne n’a pensé, nous devons changer de paradigme. Si vous regardez dans l’histoire de l’aviation et des explorations, tous les grands succès étaient considérés comme impossibles avant d’avoir été réalisés. Je prends pour exemple marcher sur la lune, escalader l’Everest, etc… Toutes ces choses auxquelles l’être humain rêvait sans réussir à les réaliser. Pourtant, en 66 ans, il y a eu le vol du premier avion (1903), la conquête des deux pôles, de l’Everest et de la lune. Qu’est-ce que cela montre ? Que l’innovation ne vient pas quand on a une nouvelle idée. L’innovation vient quand on va au-delà des croyances établies. Ensuite, l’esprit devient assez ouvert, assez vide pour créer l’innovation. »

Le fioul est la limite. Pas le ciel

« On prononce souvent cette phrase : Sky is the limit. C’est faux. Le fioul est la limite. Autrefois, nous pensions avoir du fioul pour toujours. On se rend compte aujourd’hui que ce n’est pas aussi simple. Lors d’une visite de Musée de l’Espace de Washington, après mon tour du monde en ballon, j’ai réalisé que l’aviation allait se battre contre le manque de pétrole et le trop plein d’émissions en C02. C’est là que je me suis dit qu’il fallait entamer un nouveau cycle. Qu’il fallait décarboniser l’aérien. J’ai commencé à rêver de Solar Impulse. Un avion qui pourrait voler même la nuit en réutilisant l’énergie solaire qu’il avait emmagasinée la nuit. Je suis allé voir des dirigeants de constructeurs d’avion pour leur présenter mon projet. Je leurs ai demandé : « est ce que vous pouvez construire cet avion pour moi ? ». Ils m’ont tous répondu du fond du cœur « Bien sûr que non ». Un avion plus large qu’un gros porteur mais avec le poids d’une voiture familiale et la puissance d’un scooter, pour faire le tour du monde… Les ingénieurs m’ont dit que ce que je demandais était impossible. Car un avion petit est forcément léger. De même que les avions très grands doivent être lourds. C’est physique. Mon avion allait à l’encontre de ce principe puisqu’il est grand et léger. Pourtant, si un jour des gens vous disent que c’est impossible, soyez prudents… »

Aucune aide dans l’aérien

« Notre avion ressemblait à Dumbo, avec ses oreilles démesurées. Nous avons dû faire comme lui. Composer avec. Nous entourer de gens compétents. De gens qui aiment résoudre les problèmes. Cela nous a pris deux ans. Depuis le niveau zéro. Pour chaque pièce, il a fallu recommencer plusieurs fois. Essuyer de nombreuses déceptions. Et finalement cela a marché. Alors bien sûr, pour financer tout cela il a fallu des gens pour nous aider. Mais dans l’aviation, personne ne voulait le faire. D’ailleurs je pense que j’ai fait une erreur. J’aurais dû mettre gratuitement le nom de plein de grosses compagnies aériennes et constructeurs sur le fuselage de l’appareil. Je suis sûr qu’ils m’auraient payé une fortune pour faire enlever leur nom de peur du crash. Finalement, dans ceux qui nous aidés au départ, il n’y a pas d’entreprises de l’énergie et du monde de l’aviation. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que la voiture électrique n’était pas née de la volonté des constructeurs automobiles mais dans la tête d’un milliardaire de l’internet, Elon Musk, avec sa marque Tesla.  On nous place trop souvent à l’école, à l’université, face aux impossibilités physiques et statistiques. Beaucoup de personnes tentent de résister le plus longtemps possible aux changements. Quand tous ces refus au changement disparaissent, c’est là qu’il arrive. »

« La décroissance mènera au chaos social »

« Dans notre industrie, il faut absolument que l’on comprenne une chose : le futur n’est pas une ligne. C’est comme un feu d’artifice. Chaque lumière est une idée qu’il faut pousser. On voit que depuis 50 ans, préserver l’environnement, la durabilité, l’écologie étaient vues comme des choses coûteuses, ennuyeuses, qui menaçaient notre mode de vie, réduisaient notre mobilité, notre confort. Pour faire basculer cette pensée partagée par plus de 99% des gens, il a fallu montrer que l’écologie pouvait être excitante, profitable, pouvait créer des emplois, offrait des nouvelles opportunités pour les groupes. Regardez le monde d’aujourd’hui : on utilise toujours des engins à combustion qui perdent encore une grande partie de leur énergie à cause de leur frottement, nous utilisons de vieux process industriels, etc. Pourtant, la transition est une des plus grosses opportunités du siècle. Désormais, dans l’aérien, il existe des logiciels qui aident les pilotes à moins consommer. Des véhicules électriques sur les pistes. Tous cela permet d’émettre jusqu’à -20% d’émission. Je suis contre cette notion de décroissance. Pour moi, elle mènera au chaos social. Comme la croissance quantitative, qui aujourd’hui amène a détruire l’environnement. Je suis pour la croissance qualitative. Une voie illimitée pour créer des emplois en remplaçant ce qui est inefficient, archaïque, polluant, par des nouveaux engins et des systèmes plus efficaces, modernes et qui polluent moins. »

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