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A World For Travel tient ses promesses pour faire face à la pénurie des talents

Lors de l’édition 2022 de A World For Travel qui a eu lieu à Nîmes en Occitanie, un des deux thèmes majeurs était « l’impact humain » dominé par le triptyque « employés, habitants, voyageurs  ». Sans surprise, parmi les crises majeures à laquelle le secteur des voyages et du tourisme doit faire face, celle de l’emploi a été largement abordée et commentée.

C’est d’ailleurs la vocation première du forum : rassembler les parties prenantes (ministres et responsables politiques, dirigeants, universitaires, experts, ONG, médias) à un niveau mondial, pour les amener à coopérer sans esprit de chapelle et donc trouver des solutions. Car seule la collaboration intersectorielle internationale apportera des solutions dans une industrie fragmentée à l’extrême.

Le projet de mandat d’expansion de l’emploi dans le tourisme (TEEM) est donc né à Nîmes, en écho du forum. Il rassemble des organisations internationales (GTTC, GTTP, GTRMC, AWFT…) sous l’impulsion du ministre jamaïcain du Tourisme, Edmund Bartlett, et a vocation à s’étendre, pour comprendre les raisons du déficit de main-d’œuvre.

Ce projet vise à aborder plusieurs aspects de la situation actuelle : revoir le profil de ceux qui entrent dans le secteur, établir les raisons de le quitter ou de ne pas le rejoindre, analyser l’industrie en tant qu’employeur responsable ; promouvoir un changement de comportement au sein de l’industrie et examiner l’impact des politiques de ressources humaines dans le but d’améliorer l’image et de ramener les niveaux de main-d’œuvre à ceux d’avant la pandémie.

Rappelons déjà l’ampleur de la crise. Alors que le secteur du tourisme a alimenté l’économie mondiale jusqu’à 10,6 %, c’est un secteur vulnérable qui a ressenti l’impact de la pandémie, avec une perte de plus de 62 millions de travailleurs selon le Forum économique mondial.

Une étude a été effectuée dont voici les premiers résultats 

Il s’agit de la première phase de la recherche planifiée menée par Arvensis Search pour TEEM. La prochaine étape consistera à comprendre le sentiment des talents et à identifier les raisons de l’attrition et de la migration vers d’autres secteurs.

Chiffre alarmant, 68  % des dirigeants récemment interrogés dans le cadre de TEEM déclarent que leurs organisations manquent actuellement de personnel. Alors que le déficit de main-d’œuvre a été largement discuté, il n’y avait à ce jour pas de données pour comprendre à quel point et pourquoi le problème se fait sentir dans
l’industrie.

La pénurie de ressources reste particulièrement critique dans les fonctions de la restauration, de la technologie dont l’IA, des ventes et des réservations. Le déficit est largement dû à l’image de l’industrie : 88 % de dirigeants interrogés reconnaissent le déficit de main-d’œuvre et l’attribuent à un problème de réputation, entraînant un manque de talents dans l’industrie.

Et, sans surprise, 88  % également veulent comprendre pourquoi les talents tournent le dos à l’industrie. Encore plus
inquiétant, 62 % déclarent que les 25 à 45 ans sont les talents les plus difficiles à attirer dans notre secteur. Les talents se tournent vers des secteurs plus porteurs, notamment ceux de la technologie et les produits pharmaceutiques plutôt que dans l’industrie du voyage.

L’ampleur du phénomène est telle, et cela à un niveau mondial, que 80 % des personnes interrogées affirment qu’elles laissent les emplois ouverts plus longtemps que les années précédentes, plutôt que de passer par d’autres moyens. L’industrie du voyage et du tourisme adopte donc une approche attentiste plutôt que de prendre des mesures pour résoudre le problème.

« Les crises se produisent chaque année et augmentent en intensité »

Nous avons présenté ces résultats lors de la Global Tourism Resilience Conference à Kingston, en Jamaïque mi-février qui célébrait également le 17 février, déclaré Journée mondiale de la résilience du tourisme par les Nations Unies. Les principaux enseignements de la conférence sont que la résilience doit faire partie des stratégies. Les crises se produisent chaque année et augmentent en intensité.

Le tourisme est résilient et peut accélérer rapidement la reprise économique, mais l’industrie doit prendre soin de son plus grand atout, ses ressources humaines. Le défi est de taille car jamais l’attractivité du secteur n’a été aussi faible.

Un secteur du tourisme qui doit réinventer son modèle de croissance

Nous pouvons aisément nous accorder sur le fait que le secteur n’offre pas, pour de nombreuses fonctions, des rémunérations et des conditions de travail attractives. Les jeunes générations et même les moins jeunes n’y réalisent pas (ou plus) leurs aspirations de développement personnel et professionnel. La pandémie a accéléré leur prise de conscience, ce qui fait que le mal est profond et durable.

L’important maintenant est d’en admettre les raisons. Depuis au moins 40 ans, le modèle d’affaire dominant du secteur a été de baisser les coûts pour baisser les prix et ainsi augmenter les volumes de voyageurs. Mais le modèle n’est ni soutenable ni résilient. Les marges lilliputiennes ne permettent pas de faire face aux crises qui sont finalement structurelles. Le secteur ne peut pas durablement s’en remettre à la générosité des gouvernements dans des pays largement surendettés alimentant ainsi la pression fiscale. Comment investir si les marges dégagées ne le permettent pas ? Une industrie qui ne se renouvelle pas est vouée au déclin.

Restaurer les marges 

C’est ce que j’ai souligné à la conférence comme lors du forum A World For Travel à Nîmes, avec en particulier la conséquence que les modèles économiques doivent changer pour créer plus de valeur ajoutée humaine et faire face aux coûts croissants de la transformation durable, y compris la transition énergétique.

Il faut avoir le courage de changer, de restaurer les marges unitaires et donc de modifier les politiques tarifaires, de réinventer le produit autour des meilleurs services et de ne pas seulement ajuster des services transactionnels à des produits les moins chers possibles.

C’est inévitable si nous voulons que les talents reviennent dans l’industrie, y restent et offrent la meilleure valeur aux clients. Notre offre est avant tout une offre d’expériences que nous voulons inoubliables, pas une collection de voyages flashs sans âme ni contenus dont le seul vague souvenir consiste en un selfie sur les réseaux sociaux, le nombre de voyages accumulés ou celui d’avoir coché une case.

En un mot arrêtons de vendre un prix. Changer et transformer ne sont pas des contraintes, mais des opportunités exceptionnelles pour le bien de nos clients et de la planète. Les deux méritent notre courage. Ces sujets seront au cœur des discussions de la prochaine édition du forum A World for Travel, n’en doutez pas.

Christian Delom, secrétaire général de A World for Travel

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