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Financière Cambon : Lever des fonds devient plus compliqué

Pourquoi est-il plus difficile de lever de l’argent ? Avec l'essor des licornes, la bulle Internet va-t-elle exploser ? Les réponses de Morgann Lesné, associé de Financière Cambon, que nous avons interrogé lors de la conférence Phocuswright à Dublin.

L'Echo touristique : TUI/Transat, AccorHotels/Onefinestay… La consolidation s’accélère a priori en Europe. Pourquoi ?
Morgann Lesné* :
Comme dans l’immobilier, l’argent n’est pas cher, ce qui génère des opportunités pour les acquéreurs potentiels. Des entreprises traditionnelles comme des hôteliers viennent enfin sur le terrain du digital via des acquisitions, à des prix relativement raisonnables. Je pense à AccorHotels et à Pierre & Vacances, notamment. Nous pourrions voir d’autres transactions.

Selon vous, le ciel est toujours bleu pour qui veut lever de l’argent, même s’il y a un ralentissement, avez-vous expliqué lors d’une table ronde à la conférence Phocuswright à Dublin…
Oui, nous observons sur le marché français un ralentissement depuis 9 à 12 mois. Les levées de fonds continuent, comme en témoigne celle d’Evaneos. Mais il faut en général plus de temps pour les boucler. Ce n’est pas malsain, bien au contraire, le marché est tiré vers le haut. Les investisseurs ont élevé leurs critères de sélection, et demandent davantage de qualité aux entrepreneurs. Un autre point est à retenir dans le montage d'une levée de fonds : la société de capital-risque doit comprendre le business de la start-up dans laquelle elle s’engage, et lui ouvrir son réseau. La question de l’expertise sectorielle revêt beaucoup d’importance.

Uber valorisé 63 milliards de dollars, Priceline 61, Airbnb 25. Des valorisations démesurées ?
Les valorisations sont en effet très élevées. Il existe une prime très importante, voire trop importante, à l’hyper-croissance. Nous avons finalement deux grandes catégories d’entreprises : Uber et Airbnb sont massivement orientées vers la croissance, et perdent de l’argent sur la plupart de leurs marchés. D’autres groupes plus anciens, tels Priceline et Expedia, sont entrés dans des logiques de rentabilité. Chacun de ces deux voyagistes en ligne vaut 20 fois son Ebitda.

Des entreprises aux valorisations élevées : Uber (63 Mds $), Priceline/Booking (61 Mds $), Airbnb (25 Mds $), Marriott (22 Mds $), Hilton (22 Mds $), Amadeus (17 Mds $), TripAdvisor (9 Mds $), Avis Budget (2 Mds $).

Quel risque représente cette prime à l’hyper-croissance ?
Le fait d’avoir un hyper-concurrent, hyper financé, élève la barre pour survivre. Il est difficile d’être un numéro 2, 3 ou 4. Nous l’avons observé avec Housetrip (racheté par TripAdvisor, NDLR), qui s’est positionné comme un Airbnb des familles. Ce n’était pas assez différenciant. Pour tirer son épingle du jeu, face à Airbnb, mieux vaut être un leader géographique, ou bien avoir une vraie singularité. Misterbnb, par exemple, a une grande précision dans son positionnement. J’aime beaucoup aussi la notion d’énergie, pour mesurer l’attractivité d’une entreprise. L’énergie permet d’être rapide, efficace, agile. La précision de la vision, c’est une chose. Mais l’aptitude à délivrer sur 24 ou 48 mois est tout aussi déterminante.

La bulle va exploser ?
Oui. Le monde est peuplé de 145 licornes (entreprises valorisées plus d'un milliard de dollars). Cinq sont en Europe telles que Blablacar, Criteo, Skyscanner. Les valorisations sont importantes à cause de l’obsession du statut de la licorne. La bulle va exploser pour les entreprises parce qu’elle est artificielle, créée par la technique de l’empilement : les valorisations s’empilent comme les tours de table. A chaque fois qu’un investisseur entre, en prefered stocks – ou actions de préférence en français -, la valorisation augmente. L’investisseur est assuré de faire un retour sur investissement, sauf si l’entreprise fait faillite. Le souci, c’est que si la société est vendue à une valorisation inférieure à celle de la dernière levée, les fondateurs seront pénalisés, puisqu’ils se partageront éventuellement les miettes laissées par les investisseurs. C’est ce qui s’appelle "liquidation preference".

Quand risque-t-elle d’exploser ?
En 2016, nous allons voir des choses"massives", puisque des entreprises ne méritent pas le statut de licorne. Des levées auront toujours lieu mais, encore une fois, elles tiendront davantage compte de la croissance et de la rentabilité. Des sociétés vont en souffrir, et éventuellement ne pas boucler le tour de table escompté. Les Etats-Unis seront nettement plus touchés que l’Europe. Le marché est plus sain en Europe. Les valorisations s’avèrent plus raisonnables. D'ailleurs, eDreams Odigeo et Lastminute ne valent quasiment rien, soit respectivement 8 et 6 fois leur Ebitda.

* La banque d'affaires Financière Cambon a été conseil pour plusieurs transactions (cessions ou levées de fonds) : La France du Nord au Sud/Pierre & Vacances, Housetrip/TripAdvisor, Homerez, TVTrip/TravelClick, Wipolo/AccorHotels, AutoEscape/Expedia…

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