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[TRIBUNE] Le barème Macron est validé par la Cour de Cassation

Le 11 mai 2022, la Cour de Cassation a validé sans réserve le « barème Macron ». Marie-Laure Tarragano, avocate experte en droit social, décrypte pour nous cette décision très attendue.

La décision

La Cour a validé le « barème Macron » en confirmant qu’il permet une indemnisation « adéquate » et suffisamment «dissuasive » en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Tous les juges sont désormais tenus d’appliquer le barème en cas de licenciement injustifié.

Pourquoi le « barème Macron » avait-t-il été institué ?

Cette décision va dans la continuation de l’esprit de la loi et l’interprétation théologique (sur la finalité poursuivie par la loi), qu’il convenait d’en faire : en effet, la création du barème s’est inscrite dans l’objectif de faire évoluer les règles de licenciement, pour plus de souplesse mais surtout plus de prévisibilité pour les entreprises ; il s’agissait de répondre au souci de fluidifier et sécuriser les mouvements de main d’œuvre.

D’une part, le coût de séparation d’un collaborateur peut constituer une importante contrainte pour les entreprises et avoir un effet dissuasif par crainte d’une éventuelle condamnation à une indemnité très importante en cas de licenciement et contestation de son motif.

D’autre part, le constat avait été fait d’une importante disparité entre les décisions de justice qui pouvaient allouer pour deux affaires similaires une indemnité dont le montant était drastiquement différent.

L’objectif du barème était de favoriser l’employabilité et donc de réduire le taux de chômage en assurant plus de prévisibilité sur les ruptures.

Le barème devait également remplir l’objectif de favoriser les embauches des seniors puisqu’écarter l’application du barème pour ces salariés pouvait constituer un frein à leur embauche dans la mesure où le juge aurait été enclin à s’affranchir de son application en cas de faible ancienneté.

Qu’est-ce que le barème Macron ?

Si un salarié conteste le motif de son licenciement et que le conseil de prud’hommes reconnaît le licenciement injustifié/abusif, le licenciement est dit « sans cause réelle et sérieuse » et le conseil lui alloue une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, dite plus communément indemnité pour licenciement abusif.

C’est précisément cette indemnité qui a faisait débat depuis l’ordonnance de 2017 qui avait institué le « barème Macron ». 

Je rappelle que ce barème détermine par avance le montant de l’indemnité pour licenciement abusif, en fonction de l’ancienneté du salarié (et pour le plancher, en fonction de l’effectif de l’entreprise).

L’indemnité est ainsi strictement encadrée par un plancher et un plafond en fonction de l’ancienneté du salarié, voir ci-après quelques exemples issus du barème codifié à l’article L. 1235-3 du code du travail (dans une entreprise de plus de 11 salariés).

Ainsi et par exemple en cas de licenciement considéré abusif par la juridiction prudhommale, le salarié obtient une indemnisation entre le minimum et maximum ci-après posés sur quelques exemples d’ancienneté.

Ancienneté du salarié (en années complètes) Indemnité minimale (en mois de salaire brut) en cas de licenciement abusif Indemnité maximale (en mois de salaire brut) en cas de licenciement abusif
1 1 2
2 3 3.5
3 3 4
5 3 6
10 3 10
20 3 15.5

 

(Le « barème Macron » ne s’applique pas aux licenciements nuls dont l’indemnisation échappe totalement au barème. En cas de nullité, le montant minimal d’indemnité est de six mois de salaires brut, quelle que soit l’ancienneté du salarié.)

Pourquoi le barème Macron a-t-il été contesté ?

L’entrée en vigueur du barème avait fait couler beaucoup d’encre dans la mesure où le barème est basé uniquement sur le critère de l’ancienneté du salarié (et varie selon le salaire de ce dernier). En ce sens, il a été considéré avec force par les syndicats de salariés qu’il ne prévoit pas une indemnisation adéquate et appropriée au préjudice subi par le salarié.

Les syndicats de salariés ont déploré que le barème a pour effet de supprimer le plancher de 6 mois minimum pour les salariés ayant au moins 2 ans d’ancienneté, et plafonner entre 1 et 20 mois de salaire brut l’indemnité qui sera allouée au salarié en fonction de son ancienneté ; en cela, le barème bouleversait nécessairement l’indemnisation à laquelle pouvaient s’attendre les salariés qui contestent le motif de leur licenciement.

Ils jugent le montant des dommages-intérêts, fixé par ce mode de calcul, particulièrement défavorable aux salariés, notamment lorsqu’ils ont peu d’ancienneté.

Certaines juridictions faisaient encore de la résistance aux barèmes. C’est notamment le cas de la cour d’appel de Paris, qui a écarté l’application du barème en mars 2021 considérant que la somme prévue par le barème « couvrait à peine la moitié du préjudice » subi par la salariée dont l’ancienneté était inférieure à 4 ans.

C’est dans ces circonstances que la cour de cassation a été saisie de 4 pourvois contre des décisions des cours d’appel de Nancy et de Paris, la première ayant validé l’application des barèmes et la seconde, ayant écarté leur application.

La cour de cassation a validé le barème Macron sans réserve limitant les indemnités prud’homales pour licenciement abusif

Il faut rappeler que la cour de cassation avait déjà rendu un avis le 17 juillet 2019 dans lequel elle considérait déjà que le « barème Macron » était applicable et compatible avec l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

C’est donc sans surprise que, par deux arrêts du 11 mai 2022, la cour de cassation saisie pour la première fois sur ce contentieux, a validé définitivement le barème en jugeant que :

  • Le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’est pas contraire à l’article 10 de la convention n°158de l’OIT.
  • Le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale.
  • La loi française ne peut pas faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct.

En effet, l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT prévoit qu’en cas de licenciement « injustifié », c’est-à-dire sans cause réelle et sérieuse, le juge doit pouvoir ordonner le versement d’une indemnité « adéquate ». L’indemnité est adéquate dès lors que son montant est suffisamment dissuasif pour éviter de licencier de manière injustifiée, et permet dans le même temps une indemnité raisonnable de perte injustifiée de l’emploi.

Pour valider le barème, la cour de cassation a considéré que celui-ci répondait à ces deux exigences dans la mesure où :

  • D’une part, en cas de licenciement injustifié, le fait que l’employeur doit rembourser aux organismes d’assurance-chômage jusqu’à 6 mois d’indemnités de chômage garantit le caractère dissuasif ;
  • D’autre part, le fait que le montant de l’indemnité soit compris entre un plancher et un plafond et qu’il ne s’applique pas aux licenciements nuls permet raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Par ailleurs, pour échapper à l’application du « barème Macron », la pratique était de solliciter un contrôle in concreto.

Par ce contrôle, il était demandé au juge de juger au cas par cas et d’écarter le barème au motif que son application ne permet pas de tenir compte de la situation personnelle du salarié pour lui attribuer une indemnisation « adéquate ».

Désormais, la cour de cassation interdit au juge de recourir au contrôle in concreto concernant le barème ; il n’est donc plus possible d’écarter l’application du barème lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse. La cour de cassation considère que ce contrôle in concreto doit être rejeté car il crée « pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable » et « porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi ». Ainsi pour la cour de cassation, l’application du barème, c’est la garantie que la loi est la même pour tous.

Quelles sont les incidences de la validation du barème Macron par la Cour de cassation ?

Par cette décision, le barème est généralisé et s’impose aux juges dès lors qu’un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Il n’est plus possible de s’émanciper du barème en sollicitant un contrôle in concreto pour tenter d’obtenir plus que le plafond autorisé en fonction des circonstances individuelles du salarié.

La validation du barème in fine facilite les ruptures par voie d’accord et donc, par la négociation et la résolution amiable entre le salarié et l’employeur qui est donc une autre solution lorsque le salarié conteste le motif de son licenciement pour des motivations plus larges que financières.

Marie-Laure Tarragano, avocate en droit social

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