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Tourisme : à qui le pouvoir ?

« Rachetées pour la plupart par de grands groupes, les entreprises du tourisme sont passées d’un management patronal à une prise de décision plus collégiale. « L’Echo touristique » passe en revue l’organisation de ces géants du rêve. »

ue de chemin parcouru entre les premiers villages de tentes du Club Méditerranée imaginés par Gérard Blitz et Gilbert Trigano et les quelque 120 villages disséminés aujourd’hui aux quatre coins du monde. Que dire encore de la fabuleuse histoire de Gérard Brémond, qui créa de toutes pièces la station de ski d’Avoriaz avec trois de ses amis, en 1967, pour bâtir le groupe Pierre & Vacances (aujourd’hui coté en Bourse et leader incontesté de la location vacances). Ou de Nouvelles Frontières, fondé par Jacques Maillot il y a 36 ans, désormais aux mains de TUI, leader mondial du tour-operating ?

Trois succès illustrant, chacun à leur façon, les mutations rencontrées par le tourisme français, dont les grandes entreprises sont passées en quelques années du statut de PME-PMI à celui de grand groupe, contrôlées pour la plupart par des investisseurs étrangers. Des changements qui ont souvent eu pour conséquence une refonte des organes de décision. Qui dirige les principaux groupes aujourd’hui ? Comment sont prises les décisions et où (en France ou à l’étranger) ? Autant de questions qui imposent – une fois n’est pas coutume – de s’attarder, non pas sur la production et les ventes des professionnels du tourisme, mais sur ce que l’on dénomme plus généralement les instances collégiales de direction (comité de direction, directoire…).

Look Voyages, première grande entreprise rachetée

Une des premières grandes entreprises françaises du tourisme à avoir été rachetée par un groupe étranger fut Look Voyages. En 1996, alors qu’il est en très mauvaise posture financière, le tour-opérateur est repris par le canadien Transat. Son président, Jean-Marc Eustache, prend aussitôt les rênes. Après 20 mois pendant lesquels il effectue de nombreux allers-retours entre la France et le Canada, il passe la main à Cédric Pastour.

L’arrivée de Transat a constitué un véritable changement de culture pour Look Voyages, rappelle Jean-Marc Batta, actuel directeur général du TO. A leur arrivée, les Canadiens ont aussitôt développé la branche tour-operating. Un repositionnement doublé d’une nouvelle structure décisionnelle. Présidé par Jean-Marc Batta, en présence des différents directeurs de service de l’entreprise, le comité de direction se réunit toutes les semaines, et toutes les six ou huit semaines avec Jean-Marc Eustache, qui doit lui-même rendre des comptes à son conseil d’administration au Canada. Parallèlement, nous avons également tous les deux mois un comité Transat France avec Club Voyages, l’autre filiale du groupe, précise Jean-Marc Batta.

Mais l’arrivée d’un groupe étranger n’équivaut pas toujours à une remise en cause du système existant. Bien au contraire. Ainsi, Philippe Daigueperce, directeur commercial de Marmara/Etapes Nouvelles, insiste sur le fait que le rachat du TO par le groupe britannique First Choice, en juin 2000, n’a rien changé. Les décisions sont toujours prises au niveau du conseil d’administration. Si les Anglais sont présents pour toutes les questions relatives aux investissements, Hervé Vighier reste seul décisionnaire pour tout ce qui concerne l’exploitation.

Le choix de First Choice a payé

La décision de First Choice de ne pas remplacer l’équipe dirigeante, comme cela se déroule parfois ailleurs, s’est avéré un choix payant puisque, en 2002, Marmara/ Etapes Nouvelles a encore enregistré un chiffre d’affaires en progression de 14,4 %, à 259 ME, dégageant une des meilleures marges en France.

Chez Kuoni France (filiale à 100 % de Kuoni Travel Suisse) et à l’exception d’un conseil d’administration annuel en présence des représentants du siège, Emmanuel Foiry, président France, bénéficie lui aussi d’une grande autonomie vis-à-vis de sa maison mère. Le comité de direction se réunit une fois par mois pour laisser des traces de l’organi-sation des décisions, mais nous nous voyons en réa- lité tous les jours, souligne Emmanuel Foiry. Kuoni France est une PME dans un secteur d’activité où la valeur ajoutée, ce sont d’abord les hommes.

Nouvelles Frontières/TUI, une fusion en douceur

Même son de cloche chez Nouvelles Frontières. Le succès de la fusion Nouvelles Frontières/TUI doit beaucoup au fait qu’elle a été réalisée en douceur, confirme Franck Brault, consultant en stratégie et marketing chez Simon Kucher & Partners. Ainsi, le rachat n’a pas été perçu comme un sauvetage financier, alors que cela en était un. Mais ce dernier insiste surtout sur la personnalité et l’expérience de Ralph Corsten, qui a pris les rênes de l’entreprise entre juillet 2001 et fin 2002, et a beaucoup contribué à faire accepter par les cadres de Nouvelles Frontières l’arrivée du géant allemand. Il a su mobiliser les hommes déjà en place, et motiver les nouveaux venus, avec un management qui délègue les responsabilités.

Avant lui, les décisions étaient prises par un conseil d’administration présidé par Jacques Maillot, omniprésent. Désormais, elles sont décidées collégialement lors d’un comité de direction présidé par Eric Debry se réunissant tous les vendredis. L’ordre du jour est précis et fixé à l’avance. Un bilan de la situation financière est envoyé chaque mois à Hanovre, mais, pour le reste, le directoire bénéficie d’une grande autonomie, précise Christian Rochette, directeur de la communication.

Racheté en 2000 par Thomas Cook, Havas Voyages a, lui aussi, fait les choses en douceur, se donnant le temps de bâtir une stratégie et de mettre en place de nouveaux outils, notamment informatiques, avant de réorganiser son management. Les choses se sont depuis accélérées avec, ces dernières semaines, le passage progressif de l’ensemble du réseau sous l’enseigne Thomas Cook. Ce pari coïncide avec une redéfinition du comité de direction qui sera finalisé après l’absorption d’Aquatour d’ici à six semaines. Aujourd’hui, il se déroule tous les 15 jours et rassemble 14 personnes, dont Antoine Cachin, président du directoire, et son directeur général, Claude Ravilly.

Egalement organisée autour d’un conseil de surveillance et d’un directoire (une organisation de plus en plus courante avec l’arrivée en France des grands groupes anglo-saxons), la structure juridique du Club Méditerranée est restée la même depuis 1987. Même si aujourd’hui Henri Giscard d’Estaing, à la différence de son prédécesseur, travaille en toute confiance avec Pascal Lebard, patron du groupe italien Exor, et principal actionnaire du Club Med. Pour preuve, il dispose à nouveau d’un bureau au siège du Club. Le conseil de surveillance qui est là, comme son nom l’indique, pour veiller aux intérêts des actionnaires, se réunit quatre fois par an en présence de Pascal Lebard, Henri Giscard d’Estaing, François Salamon (DG Europe) et Michel Wolfovski, directeur financier.

Pierre & Vacances : une structure, deux activités

Coté en Bourse, mais toujours régi par un management patronal, le groupe Pierre & Vacances a quant à lui restructuré son organigramme au moment de la fusion avec Maeva, en 2002. L’objectif était de réaliser des économies en réunissant les directeurs d’exploitation, financier, du patrimoine et des ressources humaines de Pierre & Vacances, Maeva et Orion en une seule et même structure au service des deux grands métiers du groupe : le tourisme et l’hébergement, lui-même scindé en deux branches (le développement et la commercialisation). Présidé par Martine Balouka, directrice générale du pôle tourisme, le comité de direction tourisme se réunit une fois par semaine en présence des directeurs des différents services afin de débattre des décisions à prendre. Puis, une fois par mois, ce même comité se réunit avec Gérard Brémond, président et fondateur de Pierre & Vacances, explique Martine Balouka. A cette occasion, nous débattons des grandes thématiques.

Mais derrière ces géants, l’univers du tourisme en France est surtout composé de PME avec un patron qui concentre l’essentiel des pouvoirs. Atypique, Voyageurs du Monde est codirigé par Jean-François Rial, PDG, et Alain Capestan, directeur général. J’ai le titre de PDG car je suis le plus communiquant, mais, sur le fond, nous avons les mêmes pouvoirs, insiste Jean-François Rial. Nous prenons toutes les décisions à deux. Il y a bien une réunion deux fois par an en présence des cadres, au cours desquelles sont abordés les grands objectifs de l’entreprise, mais le contenu est plus tactique que stratégique. Les nouvelles technologies comme Internet ont révolutionné les modes de communication, explique encore Jean-François Rial. Aujourd’hui, on peut contacter beaucoup de monde extrêmement rapidement. C’est aussi bien un outil d’information que de débat.

Selectour, une structure atypique

Selectour, créé en 1970 sous la forme d’un Groupement d’intérêt économique (GIE) réunissant dix agences, présente toutefois la structure la plus atypique. Fondé par Philippe Demonchy, le réseau est aujourd’hui une société anonyme coopérative où les grandes décisions sont votées en assemblée générale à bulletin secret. Au quotidien, Selectour est régi par un conseil d’administration où siègent 12 administrateurs (tous des chefs d’entreprise renouvelables par tiers tous les trois ans) dont le président, élu par ses pairs. Le conseil se réunit chaque mois avec un ordre du jour très précis émanant de cadres du réseau ou des différentes agences membres. Pour faciliter la remontée des informations jusqu’à la base, une dizaine de manifestations ont lieu chaque année en présence de dix délégués régionaux (qui ont des réunions en région avec leurs adhérents). Et, trois fois par an, le conseil d’administration est élargi à ces dix délégués.

A l’heure où le management patronal disparaît petit à petit au profit de structures collégiales, Voyages Fram fait figure d’exception. Ce groupe familial apprécie peu que l’on se penche sur son organigramme. D’autant que Georges Colson, représentant de la deuxième génération, devra prochainement passer le témoin. Interrogée sur cette question, la direction du tour-opérateur se montre on ne peut plus discrète.

Pour le reste, il ressort que les entreprises touristiques rachetées par des groupes étrangers conservent une relative autonomie vis-à-vis de leurs actionnaires. Une spécificité qui rappelle combien le voyages demeure un marché à part. Et que, s’il est possible de centraliser à un niveau européen la prise de décision pour vendre des voitures ou des télévisions, il en va tout autrement d’un séjour touristique pour lequel il est toujours

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