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François Piot : « Nous maintenons le chômage partiel et les salaires jusqu’en décembre »

Le groupe Prêt à Partir, qui a obtenu un PGE de 6M€, anticipe un hiver compliqué. Son patron François Piot maintiendra le chômage partiel mais aussi les salaires jusqu’en décembre, explique-t-il dans une interview à L’Echo touristique.

L’Echo touristique : Quel est le bilan de l’été ?

François Piot : Il ne s’est presque rien passé cet été. Le groupe Prêt à Partir a enregistré 15% de l’activité habituelle, en termes de départs, sur la période juillet-août. La Tunisie est bien repartie avec des séjours à moins de 700 euros au lieu de 1000 euros. Le Portugal et d’autres pays du sud de l’Europe aussi ont également séduit. Mais j’étais initialement beaucoup plus optimiste, puisque j’espérais le maintien de 50% de l’activité. Nous avons pourtant eu la chance d’avoir un programme très agressif de Luxair, au départ du Luxembourg. Malgré des prix intéressants, les Français sont peu partis à l’étranger, ils ont en général préféré reporter. Les groupes ont reporté ou annulé. Les équipes ont été bien occupées par les reports et quelques litiges, notamment en raison d’hôtels non ouverts en Grèce et de vols annulés, surtout sur des low-cost qui étaient quasiment les seules à voler. Les compagnies ont fait ce qu’elles ont voulu ou pu. C’était un été de grand bricolage.

Comment êtes-vous organisés en conséquence, notamment dans vos 90 agences de voyages ?

François Piot : Tout le monde est au chômage partiel jusqu’en décembre, avec maintien des salaires. Nous avons pris cette décision dès que le gouvernement a promis de prolonger les mesures de soutien au chômage partiel jusqu’à la fin de l’année. Les agences sont ouvertes deux heures par jour, éventuellement un peu plus pour honorer des rendez-vous.

Vous maintenez les salaires jusqu’à la fin de l’année, ce qui n’est pas le cas de toutes les entreprises du voyage en raison de la crise. Pourquoi une telle décision en faveur des salariés ?

François Piot : Nous sommes dans une profession où les salaires sont assez faibles, et notre préoccupation actuelle, c’est de maintenir le moral des équipes. De plus, le groupe prêt à Partir peut se permettre de maintenir les salaires, même si c’est loin d’être neutre. Nous avons un tiers des charges salariales habituelles, pour trois raisons : les salaires sont maintenus, les agences ouvertes 2 heures par jour, et l’Etat ne paie pas tout à la place des entreprises. Dans le même temps, notre activité dévisse. Du 15 mars au 30 septembre, nos marges atteignent environ 2 millions d’euros, contre 12 millions l’an passé.

La crise sera vraisemblablement durable. Des TO ont déjà fait une croix sur l’hiver. Avez-vous décidé de restructurer le groupe Prêt à Partir ?

François Piot : Nous avons bénéficié de toutes les aides mises en place par le gouvernement : prêt garanti par l’État (PGE, NDLR), exonération ou report de charges, report de loyers et d’emprunts pour les autocars… Très tôt, nous avons demandé – par mesure de précaution – et obtenu un PGE de 6 millions d’euros. Nous accumulons de la dette. En attendant, la trésorerie n’est pas mauvaise, elle est même plutôt bonne : l’ordonnance sur les avoirs nous a permis de garder les paiements des clients. En général, les clients ont compris le dispositif, ils nous font confiance. Dans le cas contraire, nous avons remboursé. Nous avons éteint les feux potentiels.

Il faut que les fournisseurs adaptent leurs offres, et revoient aussi leur modèle économique avec les distributeurs… s’il y a toujours des TO demain.

Allez-vous toutefois fermer des agences ?

François Piot : Nous avons prévu depuis longtemps de fermer deux ou trois points de vente « malades », le Covid-19 a retardé leur fermeture. Il risque d’y avoir 3 ou 4 licenciements, même si nous essaierons de faire des reclassements.

Comment se présente septembre et l’automne ?

François Piot : C’est l’inconnu. Nous avons pour l’instant des groupes prévus en septembre. Il ne se passe plus grand-chose à l’aéroport de Metz, ce qui crée des incertitudes. Hop ! (Air France) a annoncé son départ de Metz-Nancy-Lorraine. Après une crise de la demande, nous risquons d’être sur une crise de l’offre. Il faut que les fournisseurs adaptent leurs offres, et revoient aussi leur modèle économique avec les distributeurs… s’il y a toujours des TO demain. TUI France va céder ou fermer ses agences, ce qui n’est pas forcément un bon choix. A quoi lui servira sa production ? Aujourd’hui, sa force, c’est de pouvoir vendre ses produits via son propre réseau.

Il est de plus en plus souvent question des tensions entre TO et distributeurs. Que faut-il faire pour crever l’abcès ?

François Piot : Il y a des tensions sur les délais de paiement et des menaces de déréférencement. Héliades a même demandé le paiement avant le départ… Aujourd’hui, tous les TO sont au chômage partiel. Il y a un marché à reconquérir et un business model à réinventer, en invitant tout le monde à s’assoir. Il faut aussi que tout le monde revienne en partie au travail avant le 31 décembre. Nous n’avons jamais rompu le lien avec le client, c’est important. Certains fournisseurs sont totalement injoignables.

La France est-elle (en partie) l’avenir de la distribution ? Non, et ce n’est pas à souhaiter.

Vous êtes un acteur régional, très implanté dans le Grand-Est. Malgré les incertitudes actuelles, que pensez-vous vendre ?

François Piot : Nous avons effectivement un tropisme particulier. Nous vendons surtout trois TO : LuxairTours, TUI, FTI Voyages. Luxair a tenu bon son plan de vol pendant l’été, et devrait poursuivre sur des destinations long-courriers depuis le Luxembourg. FTI va a priori maintenir son offre de packages dynamiques vers la République dominicaine, l’Egypte… à condition que les vols le soient aussi. S’il fallait parier sur une destination cet hiver, je parierai sur l’Egypte. S’agissant de TUI, nous avons une grosse interrogation sur la production, en particulier au départ de Metz. C’est notre troisième TO, un tiers des départs étant opérés depuis cette ville.

Dernier sujet : la France. Plusieurs TO et agences ont parié sur un été bleu-blanc-rouge. Et vous ?

François Piot : Nous avons enregistré quelques dossiers France que nous ne faisons pas d’habitude, notamment avec Lagrange, Interhome, VVF. Mais à quel prix ! Nous avons envoyé de nombreuses newsletters. La France est-elle (en partie) l’avenir de la distribution ? Non, et ce n’est pas à souhaiter.

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1 commentaire
  1. Gomes Franck dit

    Grand homme, monsieur Piot, respect à vous.

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