Pantoufle, une future pointure de l’hôtellerie ?
À 28 ans, Jeanne Jouvet vient d’inaugurer l’hôtel Pantoufle, à Marsanne dans la Drôme Provençale.
Quelque 200 personnes étaient réunies pour l’inauguration de ce petit hôtel de 17 chambres le jeudi 15 mai. Parmi elles, des élus locaux – dont le maire de Marsanne et le président de l’agglomération Montélimar -, des chefs d’entreprise, des journalistes, des amis, et bien sûr, la famille de Jeanne.
Pour la jeune femme, un grand moment d’émotion, et surtout l’aboutissement devenu réalité après de longs mois de travail acharné.
L’occasion pour elle aussi de réaffirmer sa volonté de créer bien plus qu’un hôtel. « Pantoufle n’est pas seulement un lieu où l’on dort », explique-t-elle, c’est un endroit ancré dans son territoire où l’on prend le temps de vivre, de partager, de se retrouver ». Elle profite également de ce moment pour affirmer son indépendance et sa volonté de rester à l’écart de toute enseigne franchisée.

La paresse érigée en art de vivre
Le fil conducteur du projet ? La paresse. Pas au sens péjoratif du terme, mais comme un art de vivre. Tout ici est pensé pour inciter les visiteurs à lever le pied, à ne rien prévoir.
Piscine chauffée, salle de massage, sauna, salons douillets, terrasses ombragées, tapis moelleux, matériaux naturels, lumière douce, l’atmosphère invite au lâcher-prise. Même les jeux de société sont là pour occuper doucement les après-midis de flânerie. « Pantoufle, c’est un endroit où on ne fait rien. Et c’est très bien comme ça », résume Jeanne.
Un parcours atypique
Le chemin de Jeanne Jouvet vers l’entrepreneuriat n’a pas été linéaire. Rien ne la prédestinait à ouvrir un hôtel-restaurant. Après des études non abouties en droit, en design d’espace et en art appliqué, c’est finalement dans les restaurants et les bars où elle enchaine les petits boulots qu’elle se sent le mieux. Encouragée par son père, elle se forme sur le tas, jusqu’à intégrer un groupe hôtelier basé à Paris et Valence. « J’ai travaillé pour Maison Elle à Paris Etoile, un 4 étoiles de 24 chambres. J’ai adoré, je me suis éclatée » déclare-t-elle.
S’apercevant que sa véritable passion réside dans l’hôtellerie, elle complète sa formation au sein de l’Institut Paul Bocuse à Lyon et décroche son diplôme en mars 2024. C’est pendant son stage qu’émerge l’idée de créer sa propre marque hôtelière. « Je voulais créer un lieu à mon image, chaleureux, simple et déconnecté du rythme effréné du quotidien », poursuit-elle.

« Un business plan solide »
Ne souhaitant pas s’implanter en ville et privilégier les villages de caractère, elle identifie un bâtiment – un vieil hôtel restaurant – à Marsanne, à 15 minutes de Montélimar. « J’ai monté un business plan solide. Les banques ont accepté de financer le rachat des murs, mais pas le fonds de commerce. Trop complexe en raison de la rentabilité plus qu’incertaine de l’hôtellerie post-Covid. Heureusement, ma famille, qui travaille dans le transport et la logistique, a accepté de me prêter ce qu’il manquait. Sans eux, je n’aurais pas pu mener ce projet à bien » raconte la jeune femme.
Jeanne Jouvet entreprend des travaux d’extension et de rénovation, passant de 9 à 17 chambres. « C’était indispensable pour viser un modèle viable », explique-t-elle. Selon ses calculs, elle estime qu’un hôtel devient rentable à partir de 20-25 chambres. « J’ai donc augmenté un peu le prix moyen en misant sur une montée en gamme avec de nouvelles salles de bains, un mobilier renouvelé, une décoration plus élégante ». Des travaux à hauteur de 700 000 euros.
Des pointures comme catégories de chambres
Les chambres de l’hôtel Pantoufle Pied à Terre Marsanne sont classées en quatre catégories correspondant à autant de pointures (37 pour la première catégorie, 39,5 pour la deuxième, 41 pour les chambres avec terrasses et 44 pour la suite). Les tarifs s’affichent à un prix moyen annuel de 140 euros, allant de 119 euros en basse saison pour la première catégorie à 229 euros pour la suite de 38 m2 en haute saison. « Lors de l’inauguration, les gens m’ont dit, c’est simple, beau, chic et sobre, ce que tu as fait. Ce sont mes premiers retours, je suis contente », raconte Jeanne.
À ce jour, le taux d’occupation reste modeste, moins de 10% jusqu’à fin septembre. « Cela reste faible, mais j’ai le téléphone qui sonne beaucoup, surtout depuis qu’on a mis les photos sur le site Internet. On sent que l’intérêt monte », explique la dirigeante. Ce démarrage progressif ne l’inquiète pas. Selon elle, le bouche-à-oreille et l’expérience client feront la différence.
Un recrutement facilité
Pour mener à bien son projet, la jeune entrepreneuse s’est entourée d’une équipe fidèle et motivée, notamment l’équipe de restauration qu’elle a reprise après l’acquisition de l’hôtel. « Je ne me voyais pas continuer l’aventure sans eux. Cela a tout de suite matché ». Au total, ils sont une douzaine à faire vivre l’établissement. Jeanne a également conservé la femme de chambre et l’agent de maintenance, n’ayant eu à recruter que deux réceptionnistes de nuit. « Cela a été très simple pour moi. Suite à la publication de mon offre d’emploi, j’ai reçu 19 CV, réalisé 10 entretiens… Et j’ai eu du mal à choisir » ajoute-t-elle avec enthousiasme.

Jeanne Jouvet mise sur une clientèle diversifiée. Plutôt loisirs le week-end et pendant les vacances scolaires, affaires en semaine et en hors-saison. Pour cela, l’hôtel dispose d’un salon privatisable, pouvant accueillir jusqu’à vingt personnes assises, idéal pour des réunions ou séminaires.
« Atteindre le seuil de rentabilité d’ici trois ans »
Avec lucidité et ambition, la fondatrice se projette. « J’espère atteindre le seuil de rentabilité d’ici trois ans. Mon idée, ensuite, serait de décliner le concept dans d’autres villages en France, des endroits où je me sens bien et où Pantoufle a sa place. Mais pour l’instant, je me concentre pleinement sur celui-ci. J’essaye de construire un modèle économique solide, de créer un univers, une vraie expérience client. Même si la rentabilité est au rendez-vous rapidement, je me donne cinq ans pour me poser, apprendre et consolider. Je ne veux pas aller trop vite ». La garantie d’une hôtellerie authentique et indépendante est à ce prix.