Jean-François Rial : « Nous aurions dû fermer le dernier bureau d’information touristique de Paris il y a 10 ans »
L’actuel PDG de Voyageurs du Monde approuve la récente fermeture du dernier point d’accueil touristique de la structure, dans une interview à L’Echo touristique. Jean-François Rial a présidé l’Office du tourisme de Paris, alors que l’organisme était déjà dirigé par Corinne Menegaux.
De 2021 à 2023, vous avez présidé l’Office du tourisme de Paris, lequel a fermé le 12 janvier 2025 son dernier point d’accueil touristique. Qu’en pensez-vous, globalement ?
Jean-François Rial : Nous aurions dû le fermer il y a 10 ans ! Les flux des points d’accueil touristiques sont devenus marginaux par rapport à la fréquentation globale d’une destination. C’est un phénomène mondial, qui a commencé il y a 30 ans, en 1995. Il faut désormais mettre le paquet sur le digital.
Je ne comprends d’ailleurs pas la réaction de Paul Roll (ex-DG de l’OT de Paris) quand il critique la décision de fermeture, puisque c’est un homme intelligent. En revanche, je suis d’accord avec lui quand il appelle à la fusion de l’office du tourisme et du Comité régional du tourisme. Conserver ces deux structures n’a aucun sens.
Chez Voyageurs du Monde, nos agences de voyages ne génèrent plus que 10% du chiffre d’affaires.
Pourtant, si l’on fait le parallèle avec votre activité, Voyageurs du Monde a toujours des agences de voyages (16 Cités des Voyageurs, Ndlr). A terme, comptez-vous les fermer, considérant que le digital suffit ?
Jean-François Rial : Nos agences de voyages ne génèrent plus que 10% du chiffre d’affaires de Voyageurs du Monde. Pourtant, le voyage sur mesure est le produit qui demande le plus de contact humain… Aujourd’hui, nos Cités des Voyageurs sont avant tout de magnifiques bureaux pour nos vendeurs. Nous ne les fermerons pas. En revanche, pour les ouvertures de villes à venir, nous pourrions envisager un bureau en étage, comme nous l’avons fait à Lausanne. Nous envisageons de nous installer dans des métropoles comme New York, Zurich, Milan Vienne et Berlin.
Vous dîtes qu’il aurait fallu fermer tous les points d’accueil il y a 10 ans. Pourquoi ne l’avez-vous pas initié quand vous étiez président de l’OT, dont la mission est de proposer et de fixer des orientations stratégiques selon vos propres termes ?
Jean-François Rial : Quand j’étais président, je voulais le faire. Les forces politiques m’en ont empêché. Supprimer des emplois au sein d’un office du tourisme, ce n’est pas populaire… Ensuite, Paris a décidé d’ouvrir son dernier point de vente rue Emile Antoine (le Spot24, Ndlr), motivé par l’affluence de la tour Eiffel toute proche et de celle des Jeux olympiques et paralympiques. Je me suis laissé convaincre, à tort.
Paris doit investir dans un site d’informations très ambitieux et efficace.
Que répondez-vous aux professionnels du tourisme qui regrettent que la première destination mondiale passe au tout-digital, ou presque, sans contact humain ? Certains publics aiment le conseil en face-à-face que délivrent les offices du tourisme.
Jean-François Rial : Il y a toujours des personnes qui viennent dans les boutiques. Mais le problème, c’est que les points d’accueil touristiques coûtent cher. Arrêtons de nous accrocher à des chimères, comme je l’ai lu dans les réactions que vous avez recueillies. Pour une grande ville, avoir un bureau d’accueil est totalement dépassé, New York a d’ailleurs fermé le sien. Parce ce qu’il n’y a plus de réalité économique derrière. Surtout à l’heure où nous devons mieux gérer la dépense publique !
La dépense est autrement plus efficace sur les outils numériques. Les supports digitaux ont de surcroît l’avantage de pouvoir être mis à jour en continu, alors que les brochures peuvent devenir obsolètes dès leur parution.
Paris doit investir dans un site d’informations très ambitieux et efficace. Il faut accélérer, quitte à trouver des partenariats, notamment au niveau de la billetterie. Quant aux anciens employés du point d’accueil, il faut les accompagner vers de nouveaux métiers.
La baisse de la subvention ne me choque pas, tant qu’elle est modérée.
La directrice générale Corinne Menegaux, que nous avons interviewée au sujet de la fermeture du dernier bureau d’accueil, mise sur la conciergerie digitale, mais aussi des relais d’information comme des kiosquiers à journaux rémunérés 100 euros par mois et des hôtels. Vous y croyez ?
Jean-François Rial : Cela ne coûte pas grand-chose d’essayer de s’appuyer sur des kiosquiers à journaux par exemple. Il faut bien sûr essayer. Toutefois, je n’y crois pas beaucoup : en général, confier à un tiers ce type de mission ne fonctionne pas. Mais j’aimerais me tromper. La priorité, c’est d’investir dans les outils numériques.
Il faut selon vous « mettre le paquet » et investir dans les outils numériques. Reste que les moyens baissent. Le conseil de Paris a récemment alloué une subvention de 4 millions d’euros pour 2025, contre 6,5 millions pour 2015…
Jean-François Rial : La baisse de la subvention ne me choque pas, tant qu’elle est modérée. Elle est même plutôt saine, le temps que l’office du tourisme trouve de nouveaux partenaires et de nouveaux services.