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Mumtaz Teker : « Pénaliser le tourisme par la fiscalité, je n’y crois pas »

Jean-François Rial a ouvert un vrai débat. Pour lui, le sauvetage de la planète passera par une nouvelle fiscalité, et le tourisme mérite d’être rénové, en particulier le tourisme populaire. Notre invité du jour Mumtaz Teker reste plutôt sceptique…

Pour Jean-François Rial (Voyageurs du Monde), après cette crise sanitaire, le voyage ne changera pas… Mais, selon lui, il faudrait tout changer et notamment rendre les voyages plus chers. Votre avis ?

Mumtaz Teker (président du réceptif Magic Ways) :  Dans un premier temps, on va sortir de ce chaos, ce qui prendra peut-être une bonne année. Il y aura très certainement la peur de se rendre dans certains pays étrangers. Mais je pense que dans très peu de temps, un an, on reviendra comme avant ! Rien ne va changer. On voit aujourd’hui, dans le comportement des gens qui en ont marre, qui veulent absolument retrouver leurs habitudes, les plages, leurs amis, les restaurants… leur vie d’avant ! Ceux qui aimaient leur vie d’avant veulent et voudront que cela continue. Et le tourisme ne changera pas. Il y aura toujours des hôtels de 500 chambres, des grands avions, des petits avions, il y aura tous les types de voyages. De toutes façons, on ne peut pas faire de grands changements du jour au lendemain, pour de multiples raisons. Moi, je pense que les choses changeront, non pas avec le temps, mais avec les générations. Aujourd’hui, on voit une génération âgée d’environ 30 ans qui constituera d’ici une quinzaine d’années de grands consommateur de voyages. Ce sont eux qui vont changer par rapport à leur vécu et la façon dont va évoluer, non pas la planète, mais la vie. Je m’explique : aujourd’hui, sans parler du virus, on voit les choses différemment par rapport à il y a seulement dix ans. Par exemple, avec l’arrivée de cette « 5G » qui nous pompe du matin au soir, je ne sais pas ce que ça va changer mais ça va changer ! D’ailleurs on parle déjà de « 6G » et tout va évoluer. Et donc, c’est cette génération qui va évoluer et décider du type de voyages qu’elle voudra faire. Est-ce que ce sera virtuel ? Plus court ? Plus longtemps ? Je n’en sais rien. Mais ce sont ces générations qui vont décider.

Pour moi, cela ne va pas changer grand-chose dans l’immédiat.

Je pense que les choses changeront, non pas avec le temps, mais avec les générations.

Le tourisme populaire, tourisme de masse, quelles différences ? Et surtout, quelles perspectives ?

Mumtaz Teker :  La différence entre les deux est très minime pour moi. Populaire, c’est le peuple, c’est pour la majorité des gens et qui donne cette idée de ne pas être cher. Enfin, plutôt cette notion de « moins cher ». J’ai vu parfois, dans les clients qui venaient chez moi, des groupes où parfois, dans les cas de « surbook », nous mettions certains clients dans un hôtel de catégorie supérieure. Nous avons eu des réclamations à leur retour, car ils arguaient ne pas avoir la tenue pour un hôtel 4*, pas les moyens de prendre un verre au bar, etc… Le peuple, malheureusement, voyagera toujours par rapport à ses moyens, modestes parfois.

Le tourisme de masse peut être à la fois populaire ou pas du tout. Lorsque l’on organise un congrès de 5000 personnes, qu’on le veuille ou non, c’est du tourisme de masse. Quand on construit comme à Las Vegas, des hôtels de 4 ou 5000 chambres, c’est aussi du tourisme de masse. C’est comme les croisières de 5000 passagers, dont parle Jean-François Rial. Moi, j’ai fait ce genre de croisières : paradoxalement, j’ai vu beaucoup moins de gens sur une croisière de 5000 personnes que sur une croisière de 1000 personnes. J’ai testé les deux, y compris des bateaux encore plus petits, comme le Ponant par exemple. Chez les « grosses » compagnies de croisières, tels MSC ou Costa, les navires sont conçus avec de telles attractions, tellement d’endroits différents pour distraire et répartir tous ces passagers, qu’on voit peu les gens. On peut même s’isoler totalement. Sur un bateau plus petit, on croise forcément les mêmes gens sans arrêt.  Alors, le tourisme de masse, est-ce bien ou pas ? Tout dépend. Et on ne pourra pas empêcher, surtout maintenant, l’expansion de ces touristes qui vont arriver dans les prochaines années, venus notamment de ces pays qui ne voyageaient pas aussi souvent comme la Pologne, la Tchéquie… Et puis ne nous leurrons pas, en tant que voyagiste nous voulons ces touristes chinois qui voyagent exclusivement en masse. Encore faut-il d’ailleurs savoir définir ce qu’est la masse. 100 personnes ? 1000 personnes ? Aujourd’hui, il existe des circuits organisés pour 30 personnes et d’autres organisés pour des centaines de personnes… Tout ceci n’est pas incompatible et il y aura toujours du voyage de « masse » ! Vous savez, les gens qui voyagent en groupe, par rapport à un voyageur en « couple », c’est aussi parce qu’il y a une barrière de la langue. Les Chinois voyagent avec un guide et ne sortent pas de leur groupe, ni du programme qui est défini. Tourisme de masse, tourisme populaire, peu importe : ça continuera !

Paradoxalement, j’ai vu beaucoup moins de gens sur une croisière de 5000 personnes que sur une croisière de 1000 personnes.

Pourtant, certaines destinations s’en plaignent. Venise par exemple…

Mumtaz Teker :  Bien sûr, en haute saison, il y a du monde. Mais vous savez, en janvier, février, il y a beaucoup moins de monde. On parle de destinations touristiques françaises comme Saint Tropez, Cannes : venez en février ou mars, c’est tout vide. On parle aussi de tourisme de masse qui abime la Tour Eiffel par exemple, on se perd en discussion afin de tenter de réguler les visites. Eh bien moi, je ne sais pas comment on peut réguler. On discute beaucoup autour d’une table, mais lorsque l’on est sur le terrain, ce n’est pas du tout la même chose : le touriste veut aller là et pas ailleurs. Certes, on peut étendre les plages horaires, mais on ne changera pas les lieux de visite. En revanche, oui, on peut mieux s’organiser.

Parlons fiscalité. Rial veut remettre toute la fiscalité à plat en -je résume- diminuant les coûts et les charges sur le travail mais en taxant tout ce qui pollue et détruit la planète. Quitte à rendre les voyages plus chers…

Mumtaz Teker : Je pense que la taxation sur les salaires -ajouter, diminuer, réguler-, ça ne changera pas grand-chose. Les salariés regardent ce qu’ils touchent et non pas ce paie l’employeur. Mais réguler la fiscalité sur le travail, pourquoi pas. Même si pour les Etats, il faut de la recette, c’est inévitable. Et de toutes façons, si l’on ne taxe pas le travail, il faudra taxer autre chose. Taxer le voyage ? Depuis 10, 15 ans, les gens voyagent de plus en plus et les prix ont largement baissé. Moi, ça me fait doucement rigoler lorsque j’entends que l’on va taxer chaque touriste de 2 euros pour rentrer à Venise ou mettre 3 euros de plus pour accéder à la Tour Eiffel. C’est faux. Le touriste qui voudra aller à Venise ira toujours mais peut-être consommera-t-il un sandwich plutôt que d’aller au restaurant. Ce n’est pas en taxant que les touristes se déplaceront moins. Les touristes veulent découvrir le monde, de visu et pas du tout virtuellement ! Le type qui veut partir au Brésil ou en Afrique du Sud ou à Bali, il partira. On va taxer comment ? Les avions ? De toutes façons, tous les voyagistes proposent des tarifs « tout compris ». Le client ne sait même pas combien il paie l’avion, son hôtel ou la nourriture. Mais le client a son budget et peu importe les taxes ou non ! Je pense que cela va plutôt se réguler en fonction des saisons, les différentes périodes pour voyager plus ou moins cher. On peut par exemple monter sur la tour Eiffel le soir, ce n’est pas moins cher mais il y a de la place. Taxer plus les choses pour que les gens voyagent moins ou pour l’écologie, je n’en sais rien.

Ce n’est pas en taxant que les touristes se déplaceront moins. Le touriste qui voudra aller à Venise ira toujours mais peut-être consommera-t-il un sandwich plutôt que d’aller au restaurant.

En revanche, je râle sur une chose comme le tri sélectif : on nous met à disposition des poubelles de différentes couleurs dans lesquelles on place les déchets de différentes catégories. Mais qu’est-ce que cela a changé ? Les taxes sur les ordures ménagères ne cessent d’augmenter. Tout le monde respecte ce tri, mais il n’y a aucune reconnaissance, bien au contraire.

Ce sont des réflexions en passant, mais sincèrement, je ne crois pas qu’en taxant différemment, cela va changer grand-chose. Peut-être que ceux qui vont consommer plus subiront une TVA plus élevée ? Le riche consommera toujours plus que le moins favorisé… Pénaliser par la fiscalité, je n’y crois pas.

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4 commentaires
  1. Anonyme dit

    la culture c’est ce qui reste quant on a tout oublié,
    de même les taxes, les impôts, les punitions, les sanctions font songer aux illusions perdues

  2. remy ARCA dit

    Je suis tout à fait d’accord avec Mumtaz, et je crois que taxer les personnes qui voyage n’est certainement pas une solution. D’ailleurs je suis étonné de voir que mon ami Jean François Rial, lance une idée pareil, qui donnerait aux personnes financièrement aisées de partir en voyage et d’avoir le droit de polluer moyennant finance.J’étais convaincu que J.F avait des idées beaucoup plus sociales que cela.
    Par contre, il faut qu’on soit un peu plus patient, car le monde entier est en train de constater jour après jour les méfaits de ce réchauffement climatique, dont l’humanité est partiellement responsable; Je crois que les nouvelles générations sont beaucoup plus sensibilisés par ce problème que nous autres et qu’ils feront de plus en plus des efforts pour limiter les dégâts causés par les être humaines. Cela prendra certainement beaucoup de temps, mais concernant le tourisme, je pense que beaucoup de progrès sont déjà en train de s’effectuer. Il y aura des changements dans la conception de avions, et il y a déjà des avancées importantes sur les bateaux de croisières.
    Mais je respecte énormément les appels idéologiques de J.F. qui sont basées sur des souhaits très positifs..
    Rémy
    ARCA

  3. richard vainopoulos dit

    Mon ami Mumtaz a toujours les pieds sur terre: ce n’est pas les gouvernements ni les professionnels qui peuvent imposer des choix aux touristes: ce sont bien ces derniers qui choisissent leurs destinations ou leurs sites privilégiés. Et ce sera pareil plus tard! Taxer une nouvelle fois pour …sauver la planète est une chose sympathique, mais sauver notre économie et les emplois est aujourd’hui prioritaire!

  4. Maurice Fain dit

    Bravo Mumtaz pour le bon sens et ton analyse réaliste de la situation

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