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Les parcs de loisirs à la recherche du bon modèle

Tirés par leurs leaders, les parcs français sont pris d’une fringale d’investissements. Tous ont compris qu’il faut du ludique et de l’émotionnel pour gagner la course à la fréquentation et donc à la rentabilité. Certains n’hésitent pas à casser leur tirelire.

Les Gaulois seraient-ils devenus fous ? Le parc Astérix a inauguré le 5 avril le Défi de César », une attraction qui a coûté 12 ME. A comparer au chiffre d’affaires (CA) annuel de 60 ME du parc d’attractions, cet investissement est important. Mais une goutte d’eau à côté de la Tour de la terreur ouverte depuis fin décembre, dans laquelle Euro Disney a dépensé plus de 100 ME (mais son CA s’élève à 1,22 milliard d’euros). Le Futuroscope consacre pour sa part en moyenne 7 ME chaque année au renouvellement de son offre. Le parc à thèmes de la Vienne a ainsi lancé il y a quelques jours les Animaux du futur, une attraction basée sur la réalité augmentée et prévoit un grand projet avec le cinéaste Luc Besson pour 2010. Même le Puy-du-Fou a cassé sa tirelire. Cette société a investi 11,7 ME en 2006 puis 9,2 millions l’année suivante. Deux années exceptionnelles car 2008 sera plus sage avec seulement 4 ME d’investissements (pour un CA de 28 ME). Interrogé sur son endettement, Laurent Albert, DG du site vendéen, considère que c’est une prise de risque. Pour le Grand Carrousel de 3 000 places, qui a coûté 10,5 ME nous avons emprunté sur dix ans. Cela ne nous empêchera pas de doubler nos résultats financiers en 2008. Les parcs de taille plus modeste ne sont pas en reste. Vulcania, relancé par le Conseil régional d’Auvergne, va ainsi bénéficier en cinq ans d’un apport de 16 ME (dont 4,6 en 2008), pour mettre de l’émotion et de l’adrénaline dans le savoir et la connaissance.

Attirer une clientèle internationale

Ce maelström d’attractions nouvelles et cette débauche de moyens sont-ils une condition de survie pour attirer les visiteurs et augmenter les recettes ? Il y a près de trois décennies, lors des créations des premiers parcs de loisirs, les pionniers français n’avaient pas une vision claire des risques. Les premiers parcs, issus des fêtes foraines et des zoos d’antan, ont évolué à partir de l’ère Disney. Ils ont progressivement appris à raisonner avec des critères et des exigences de rentabilité et trouvé des référentiels, explique Phillippe Maud’hui, directeur technique d’Odit France. Quelques ratios ont émergé. On considère que 10 % du CA investis dans un grand parc de loisirs est une bonne moyenne, en sachant que les attractions les plus importantes ne sont pas renouvelées tous les ans, estime Serge Naïm, DG des parcs de loisirs de la Compagnie des Alpes (parc Astérix, Walibi, France Miniature, Grand aquarium de Saint-Malo…).

Dominique Hummel, président du directoire du Futuroscope, précise que son business model repose sur la règle du 10-20-60 : 10 % d’investissements annuels en moyenne, 20 % de renouvellement du contenu, 60 % de taux de re-visites à 3 ou 4 ans. Il ajoute à cette règle deux ratios structurants : près de 40 % de masse salariale/CA qui est la norme pour les parcs ouverts à l’année et 13 à 14 % de coût d’acquisition de la clientèle/CA, soit un niveau un peu supérieur à la moyenne des autres parcs (12 %) en raison de la volonté d’attirer une clientèle nationale voire internationale. Les spécialistes du secteur considèrent qu’il n’existe pas un mais plusieurs modèles de parcs d’attractions, avec une segmentation en trois catégories selon la taille. La première est celle des parcs à rayonnement international attirant plusieurs millions de visiteurs comme Disneyland Resort Paris (14,5 millions en 2007). Ces sites comme Europa Park en Allemagne et Port Aventura en Espagne, disposent à proximité d’une offre importante d’hébergements, d’une force de frappe commerciale avec des partenariats dans les domaines du transport, de l’hôtellerie, de la production de forfaits et de la distribution avec un TO intégré capable de vendre le site en forfaits de plusieurs jours comme des destinations. Ils sont adossés à de puissants groupes mondiaux ou des fonds d’investissements.

L’enjeu: accroître la durée de visite

La deuxième catégorie est celle des parcs de taille moyenne au rayonnement principalement national et recevant entre 800 000 et 2 millions de visiteurs par an. Ils disposent de peu de chambres d’hôtels dans leur voisinage et se vendent plutôt à la journée. Astérix (1,8 million de visiteurs), le Futuroscope (1,6 million) et le Grand Parc du Puy-du-Fou (1,2 million), se situent dans cette catégorie. Enfin les plus petits parcs comme Vulcania, recevant moins de 800 000 visiteurs/an, représentent la dernière catégorie dont la zone de chalandise se limite à une ou plusieurs régions. Pour Serge Naïm, il est clair que plus un parc est grand, plus son taux de marge opérationnelle est important. Le fait d’être ouvert toute l’année, impose des dépenses marketing plus importantes et de recourir aux principes du yield management pour remplir les hébergements liés au site même en périodes creuses. Cette ouverture 365 jours par an implique toutefois une consommation en capital plus élevée, car l’enjeu est d’accroître la durée de visite. Et donc de toujours proposer des activités nouvelles pour donner aux visiteurs des raisons de séjourner plus longtemps. Les choses sont plus nuancées pour les parcs de catégorie intermédiaire, qui ont l’espoir de monter d’un cran dans la catégorie des plus grands. Ainsi le parc Asterix, n’avait pas suffisamment investi depuis six ou sept ans, selon Serge Naïm. Pour se relancer, le Défi de César représente de fait son plus gros investissement depuis l’ouverture du parc en 1989. L’un des objectifs avec cette attraction couverte est de pouvoir élargir la période d’ouverture notamment à Noël et de faire grimper la fréquentation entre 2 et 3 millions de visiteurs annuels. Pour étendre la durée moyenne des visites et améliorer ses recettes, le parc des irréductibles gaulois compte également augmenter sa capacité d’hébergement et stimuler la production de forfaits. Il réalise ainsi actuellement un appel d’offre pour édifier un second hôtel d’une capacité de 500 chambres.

Les besoins en investissements sont en revanche moindres dans la catégorie des petits parcs régionaux. A ce niveau la priorité n’est pas d’investir dans de nouvelles activités mais de maintenir l’existant en très bon état, estime Serge Naïm. Nous avons racheté plusieurs sites de ce type qui s’étaient stratégiquement identifiés à de grands parcs et qui étaient en mauvaise posture financière, surendettés parce qu’ils avaient surinvesti. Dans un parc qui reçoit 300 000 visiteurs, il est absurde d’investir dans des attractions de 3 à 4 millions d’euros. Il suffit de plus petites nouveautés soutenues par une bonne communication marketing.

Un public à la recherche d’émotions fortes

Une amélioration par petites touches régulières que réalise le PAL (Parc d’attraction et animalier), situé dans l’Allier, qui maintient un des plus forts taux de réinvestissement du secteur, à plus de 20 % de son CA annuel. L’un des meilleurs signes de rentabilité est la capacité à réinvestir par ses propres moyens, souligne son responsable Arnaud Bennet, par ailleurs président du Syndicat national des espaces de loisirs, animaliers et culturels (Snelac), qui regroupe plus de 150 sites français. Ce professionnel propose une autre segmentation, plus thématique, des modèles : parcs d’attractions comme Disney et Astérix, ouverts sur de longues périodes, parcs aquatiques du littoral ouverts sur de courtes périodes d’affluence et les plus rentables du secteur, parcs zoologiques ouverts toute l’année et parcs scientifiques, souvent portés à bout de bras par des collectivités locales. Ces derniers correspondent pour lui au modèle le plus précaire et à la rentabilité la plus difficile. Car au bon niveau d’investissement, s’ajoute le bon positionnement. Pendant quinze ans, ce secteur des parcs de loisirs a connu une croissance rapide, dynamisée par l’arrivée de Disneyland Paris, du parc Asterix et du Futuroscope qui ont tiré vers le haut les standards de qualité. Mais, depuis trois à quatre ans, ce marché, qui représente 65 millions de visites par an, serait devenu mature et très concurrentiel, selon Phillippe Maud’hui. Les clients n’acceptent plus des niveaux de qualité inférieurs. Le positionnement marketing de l’offre est donc déterminant pour toucher des clientèles beaucoup plus segmentées : 25 % d’utilisateurs intensifs toutes catégories de parcs confondus, 30 % d’amateurs de sensations et 40 % d’amateurs de vivant, soit les jardins, les zoos, les aquariums, selon les données d’Odit France. Visiter un parc est d’abord un loisir familial, où l’une des motivations fortes est la recherche d’émotions et de sensations physiques, souligne Philippe Maud’hui. Si les parcs sur ce créneau n’ont pas besoin de se renouveler aussi souvent, ceux positionnés à l’origine sur un contenu plus statique lié à du pédagogique et du culturel (type Vulcania, Bioscope ou Cité de l’Espace), sans vivant ni spectaculaire, ont été contraints de se refaire en profondeur pour stimuler les revisites. L’enjeu est de donner toute sa place au ludique. Ce qui est trop pédagogique ne marche pas, confirme Arnaud Bennet, président du Snelac.

Assurer la pérennité par la fidélisation

Vulcania en a fait l’expérience. Après un sommet de 600 000 visiteurs en 2002, le parc des volcans est tombé à 220 000 entrées en 2006. Avec le vaste plan d’investissement qui est en cours, il espère repasser le cap des 300 000 visiteurs en 2009. Tout en gardant la mission d’être un lieu de pédagogie pour les sciences, Vulcania a fait sa révolution et a intégré dans son positionnement marketing qu’un parc est aussi un lieu où l’on s’amuse, précise François Heid, son directeur commercial. Un positionnement que revendique aussi haut et fort Laurent Albert au Puy-du-Fou : Nous ne voulons pas être catalogués comme écomusée, car nous offrons en plus du spectacle et du spectaculaire dans un parc de l’émotion. Enfin, le positionnement prix est primoridal en raison de la concurrence avec toutes les autres activités de loisirs, de la play-station au cinéma en passant par les centres commerciaux ou les week-ends. Le prix est notamment lié à la durée de visite : plus elle est longue, plus le tarif peut être élevé. Chaque site ne doit toutefois pas s’écarter des fourchettes de prix psychologiques que les visiteurs sont prêts à payer : 15 à 24 E pour un parc à thème, 10 à 14E pour un parc animalier, selon des chiffres avancés par Odit France. Arnaud Bonnet du Snelac résume les enjeux : on a vite épuisé sa zone de chalandise. Il faut plus de 70 % de taux de fidélisation (en visites à 2 ou 3 ans

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