Les GDS risquent une disparition à la Kodak, selon Fabrice Dariot
Pour le président de la Bourse des Vols, les agences de voyages ne sont pas les seules victimes du NDC et de la « une régression fonctionnelle » que la norme incarne.
L’Echo touristique : En tant qu’utilisateur, que pensez-vous de la norme NDC ?
Fabrice Dariot : La promesse initiale, c’était de nous sortir des GDS en mode cryptique, pour aller vers un fabuleux monde graphique, avec des vidéos sur les plateaux repas. La réalité des agences de voyages qui vendent en B2C, c’est qu’elles ne montrent pas ces plateaux repas aux clients. Nous n’étions pas demandeurs. Le NDC n’était qu’un prétexte pour engager un bras de fer entre les GDS et les grandes compagnies aériennes. La norme n’apporte rien aux agences, et leur retire beaucoup en productivité. Les GDS ont plus de 30 ans d’existence (Amadeus est né en 1987, NDLR), et savent ainsi gérer la réservation, la modification, l’annulation, la facturation… Le NDC nous donne accès à un inventaire partiel, sans faculté de modifier ou d’annuler les billets d’avion.
Il faut en général appeler la compagnie pour modifier un billet (…). C’est une grande régression fonctionnelle par rapport aux GDS classiques.
Faut-il décrocher le téléphone pour changer une réservation, comme on peut l’entendre dans la distribution ?
Fabrice Dariot : Il faut en général appeler la compagnie pour modifier un billet – insupportable dans le loisir et plus encore dans le voyage d’affaires. C’est une grande régression fonctionnelle par rapport aux GDS classiques. Cette rigidité est insupportable. De plus, alors que nous sommes des mandataires non rémunérés, nous perdons la propriété des dossiers. Personne ne veut de NDC, hormis 4 ou 5 compagnies majeures.
Néanmoins, sur des compagnies comme Air France, l’agence n’aura plus le choix… La surcharge de 26 euros, pour accéder au contenu historique des GDS, est dissuasive.
Fabrice Dariot : Une question se pose : peut-on échapper au NDC ? Les agences loisirs se voient déjà appliquer une surcharge, qui atteint 10 à 20 euros l’AR par pax, en moyenne. Nous avons le choix entre deux mauvaises solutions : payer jusqu’à 20 euros, ou ne pas les payer en acceptant de perdre en productivité. Le choix dépendra de son positionnement. Une agence qui fait 10% de son volume d’affaires avec Air France peut en théorie flécher ses ventes vers des compagnies qui ne font pas de NDC. Nous, nous essayons de privilégier les compagnies souples, généreuses et sympathiques. Bien évidemment, celles qui imposent la norme NDC ne répondent pas à ces critères.
Toutes les compagnies ne sont pas logées à la même enseigne ?
Fabrice Dariot : Le NDC est le fait de grandes compagnies européennes, il intéresse nettement moins leurs consoeurs américaines. Affaiblies par la pandémie, les petites et moyennes compagnies auront du mal à basculer dessus. Si cette nouvelle norme réussit à s’imposer, elles en seront aussi les grandes perdantes. D’où d’ailleurs la très bonne initiative de Christian Sabbagh d’Orchestra pour les séduire.
Aujourd’hui, les GDS roulent avec le frein à main.
Dans ce contexte, quel est l’avenir des GDS selon vous ?
Fabrice Dariot : Aujourd’hui, les GDS roulent avec le frein à main : ils font tout pour que la norme arrive peu et tardivement sur le marché. Et pour cause, il leur est demandé de promouvoir un modèle qui est contraire à leurs intérêts économiques. Amadeus n’a pas fourni de gros efforts même s’il met à la disposition des compagnies quelques briques technologiques. Il est légitime de se demander si les GDS risquent une forme de « kodakisation ». Pour mémoire, Kodak a bel et bien inventé et breveté la photographie digitale. Mais il ne l’a pas exploitée dans l’espoir de préserver son monopole de l’argentique. Et le groupe a fait faillite alors que Samsung et d’autres prenaient le marché… Si les ventes NDC se développent massivement, ce sera en dehors des GDS, qui ont déjà largement raté le virage low cost, préempté par d’autres opérateurs. Il existe bel et bien un risque de disparition à la Kodak pour les GDS. Mais cela ne veut pas dire qu’un tel scénario va fatalement se produire.
Visiblement, d’autres opérateurs technologiques internationaux émergent et multiplient les accès NDC, comme Travelfusion. La Bourse des Vols travaille avec ?
Fabrice Dariot : Travelfusion, c’est un peu le quatrième GDS. A travers son API, il s’est spécialisé dans les lacunes des GDS : les low-cost et le NDC. Nous travaillons avec des agrégateurs comme Travelfusion mais aussi Pyton. Aujourd’hui, une OTA est forcément multi-source, même si le client ne le voit pas. Dès qu’elle distribue une compagnie low cost, c’est qu’elle interroge d’autres opérateurs que les GDS.
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