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Le tourisme de masse est-il compatible avec le développement durable ?

Cinq professionnels s’expriment sur cette question à laquelle le tourisme industriel doit apporter des éléments de réponse. L’enjeu est d’importance.

YVES GODEAU Président d’Agir pour un tourisme responsable (ATR)

« Le tourisme de masse peut appliquer les règles de développement durable (DD). L’aérien est l’élément le plus complexe. La compensation volontaire est un échec, Voyageurs du Monde en a fait l’expérience. Mais rien n’empêche les TO d’inclure dans leurs prix, individuellement ou ensemble, une compensation obligatoire qui pourrait être de 5 et 10 E, sur les destinations moyen et long courrier respectivement. À terme, un certain nombre d’États risquent d’imposer une taxe verte aux compagnies aériennes, qui la répercuteront à coup sûr auprès des passagers. Au niveau de l’hébergement, les TO majeurs peuvent user de tout leur poids pour imposer le respect de normes de DD, en termes de salaires minimaux et de gestion de l’eau et des énergies. Nous l’avons fait au sein d’ATR, ce qui s’est traduit par la rédaction d’un référentiel à plusieurs mains. Les TO de masse veulent-ils s’engager dans cette voie ? Ceux que nous avons rencontrés attendaient, de notre part, une solution clé en main. Je ne suis pas sûr qu’ils soient tout à fait mûrs pour le DD. Mais nous allons revenir vers eux, à travers le Ceto. Les grands voyagistes peuvent nous aider à rendre plus responsables la chaîne du tourisme comme le voyageur. »

JEAN-FRANÇOIS RIAL Président directeur-général de Voyageurs du Monde

« On a tendance à confondre voyages durables et voyages qualitatifs de découverte. C’est une idée fausse ! On peut séjourner à Dubaï dans un hôtel 18étoiles qui ne respecte pas les critères basiques de durabilité. Quand les trekkeurs gravissent l’Everest et laissent derrière eux leurs déchets, c’est contraire au respect de l’environnement. Lorsque des clients de Voyageurs du Monde vont dans un village indien d’Amazonie, qui a perdu ses traditions culturelles, nous n’en sommes pas fiers ! A contrario, le tourisme de masse peut être vertueux. Certains hôtels-clubs en bord de mer respectent le style architectural local. Avec sa pompe à chaleur et sa politique salariale avancée, le Club Marmara de Marrakech est un modèle de développement durable. Les circuits en groupes apportent, eux aussi, leur contribution à l’économie locale. Il vaut mieux que des autocars de 40 personnes viennent au Maroc, plutôt qu’ils ne viennent pas du tout. Des formes de tourisme de masse peuvent s’inscrire dans le durable. Mon regret, c’est que de grands TO n’ont pas rejoint ATR, avec un référentiel adapté. »

RACHEL PICARD Directrice générale de Voyages-sncf.com

« Oui, le voyage responsable peut atteindre le plus grand nombre, mais le marché ne semble pas encore mûr. Selon l’étude TNS Sofres/Voyages-sncf.com que nous publions depuis trois ans, 60 % des Français connaissent désormais cette notion, contre 27% en 2007. Les voyageurs manifestent une sensibilité croissante au sujet. Mais ils ne trouvent ni l’information ni les produits. Et leurs préjugés perdurent. Ils pensent que voyager responsable, c’est dormir dans une hutte en poil de chèvre ou dans un lodge au Costa Rica super chic. Or il existe plein de formules entre ces deux extrêmes. C’est d’ailleurs là, qu’à travers les Trophées du tourisme responsable, nous jouons notre rôle de média pour tordre le cou aux idées reçues. Nous mettons en lumière des petits acteurs exemplaires. Nous essayons de réconcilier un monde artisanal et l’univers plus marchand des grands acteurs. Nous voulons montrer qu’ils sont compatibles. Mais, dans cette voie, nous nous sentons bien isolés. Les professionnels du secteur devraient être moteurs. Certains s’engagent, d’autres pas, mais nous ne ressentons pas de véritable mouvement de fond. »

JULIEN BUOT Coordinateur de l’Association pour le tourisme équitable et solidaire

« Il peut exister une certaine convergence d’idées entre le tourisme de masse et les microacteurs du tourisme solidaire. D’ailleurs, l’industrie se responsabilise : les hôtels-clubs veulent gérer les déchets et employer du personnel local. Le tourisme est un levier de développement s’il s’insère dans les traditions et l’économie du pays visité. Au Niger, qui ne produit pas de 4 x 4, mieux vaut recourir aux chameliers. Dans les années 1990, les ressources locales n’étaient pas suffisamment utilisées dans les destinations du sud. Aujourd’hui encore, plus le pays est pauvre, moins il bénéficie des retombées du tourisme. Il faut dénoncer les mauvaises pratiques, avec discernement. La présence d’un touriste dans un village peut être gênante, alors que celle de 1 000 visiteurs dans une métropole ne pose pas de problème. Dans le développement durable, tout le monde a un rôle à jouer. Le TO se positionnera comme médiateur, pour rendre le voyageur plus responsable. Seuls les millions de globe-trotters qui partent seuls échapperont aux efforts de sensibilisation des professionnels. C’est un de nos défis. »

CHRISTIAN OROFINO Président de la Commission développement durable au Snav

« Il n’est pas question de faire souffrir une industrie par des contraintes dues au développement durable. Le tourisme responsable ne doit pas devenir confidentiel, mais représenter au contraire une nouvelle forme de tourisme, de masse ou de niche. À nous de décortiquer nos empreintes négatives, à toutes les étapes de la chaîne. Cela passe, pour chaque entreprise, par un bilan carbone, une réflexion sociétale de notre impact dans les pays visités, des efforts de formation… Nous pourrons ainsi garder les pratiques qui ont des incidences neutres ou favorables à l’environnement humain et naturel. Le tourisme de masse pâtit de deux points noirs : l’image du transport aérien, considéré à tort comme le plus grand pollueur et la trop forte concentration de touristes dans des lieux fragiles. Mais nous avons aussi un point vert de taille : notre contribution au développement économique des pays visités. Nous devons changer notre image, pour ne pas perdre en part de marché. Nous sommes des professionnels responsables. Le Snav fournira une boîte à outils DD aux agences, pour qu’elles portent ce message auprès de leurs clients. »

« Le tourisme de masse n’atteindra jamais la perfection durable, mais il peut s’en approcher. »

« Opposer tourisme de masse et développement durable est une ineptie. »

« Les voyages responsables doivent être plus visibles, notamment dans les brochures. »

« Pour son équilibre, un pays ne doit pas être trop dépendant de l’activité touristique. »

« Nous ne sommes pas des prédateurs ! Il est urgent de communiquer pour changer notre image. »

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