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[Exclusif] Dirk Van Holsbeke (TUI France) : « Nous ne posséderons plus d’agences de voyages »

Quelques jours après l’annonce d’une modification du taux de commissionnement, le directeur général de TUI France, Dirk Van Holsbeke, explique la nouvelle stratégie du voyagiste envers la distribution.

L’Echo touristique : Le 1er mars prochain, vous allez prendre officiellement les commandes de TUI France en tant que directeur général. Quel est votre défi principal ?

Dirk Van Holsbeke : J’ai rejoint TUI France en février 2019, en tant que directeur de production. Et, en tant que directeur général de TUI Belgium et membre du board de la Western Region, dont dépend TUI France, j’ai un recul de plusieurs années sur nos activités. Et nous avons l’opportunité, désormais, d’ouvrir un nouveau chapitre pour TUI France. L’entreprise est transformée, et c’est un nouveau départ pour lequel je me consacre à 100%, puisque j’ai quitté mes fonctions chez TUI Belgium en septembre 2020. Dès maintenant, mon principal défi, c’est de mettre en place la nouvelle stratégie de TUI France.

Une stratégie notamment basée sur trois marques à forte notoriété (Lookéa, Marmara, Nouvelles Frontières) ?

Dirk Van Holsbeke : Oui. Nous avons peut-être oublié la force et la puissance de ces trois marques sur le marché français, par le passé. Et l’ouverture de ce nouveau chapitre, pour TUI France, passe par un retour à ce que l’on sait faire de mieux : produire des voyages en clubs et des circuits. Nous mettons de côté Passion des Îles ou encore les séjours TUI pour nous concentrer sur ces segments, car nous sommes sûrs d’être parmi les meilleurs du marché français en la matière. Notre offre sera donc moins étoffée au global, mais plus riche pour ces trois marques. C’est le premier pilier de notre stratégie.

« Nous n’obligerons jamais à vendre des produits TUI. »

 Quels sont les autres ?

Dirk Van Holsbeke : Nous devons prendre en considération la place particulière qu’occupe la distribution sur le marché français. Et cela passe par de nouvelles relations avec nos partenaires agents de voyages. Pour réussir, nous devons marcher main dans la main avec les réseaux tiers, et non pas en opposition. Nous voulons nouer un partenariat de confiance, qui exige toute la transparence nécessaire entre deux partenaires. L’agence doit pouvoir savoir quel est le potentiel de nos circuits et de nos clubs pour sa clientèle, et nous devons pouvoir savoir si elle a la capacité et la volonté de vendre nos produits. Des deux côtés, les partenaires doivent avoir le choix de la relation.

La révision des différents taux de commissionnement, annoncée il y a quelques jours, semble illustrer cette réflexion.

Dirk Van Holsbeke : C’est une façon pour nous de montrer que nous voulons travailler avec les agences qui montrent leur volonté de vendre nos produits. Nous n’obligerons jamais une agence à vendre exclusivement des produits TUI France, car elle doit pouvoir apporter satisfaction à chacun de ses clients. Mais ça influence forcément notre partenariat. Par exemple, si une agence vend 10 dossiers clubs, dont seulement 2 concernent des produits TUI France, alors nous estimons que l’agence a fait le choix de travailler avec d’autres tour-opérateurs. C’est aussi pour nous une façon de nous assurer que le service apporté au client correspond à nos exigences. En effet, lorsqu’on vend très peu de produits, comment peut-on les maîtriser ? Nous sommes dans une période différente par rapport à il y a 10 ou 15 ans. Les clients d’aujourd’hui sont très renseignés, et donc très exigeants, et il faut une connaissance pointue des produits pour que l’agence réponde à leurs exigences. Donc nous avons décidé de ne plus travailler avec les agences qui réalisent moins de 50 000 euros de chiffre d’affaires par an avec nous. Encore une fois, chaque partenaire est libre de ses choix.

Certaines agences, notamment indépendantes, ont exprimé leur regret après cette annonce. La porte est définitivement fermée ?

Dirk Van Holsbeke : Nos commerciaux se tiennent prêts à dialoguer avec les agences qui tiennent vraiment à distribuer nos produits. Si elles sont réellement motivées, nous pourrons élaborer une stratégie dédiée à l’agence, pour lui permettre d’augmenter son chiffre d’affaires avec TUI France. Mais nous ne pouvons plus nous permettre de travailler avec des agences qui ne jouent pas le jeu. Soit elles démontrent leur volonté, en améliorant leur chiffre d’affaires, soit elles ne pourront plus distribuer nos produits. Le modèle économique d’un tour-opérateur est basé sur l’engagement, avec des sièges aériens et des chambres d’hôtels réservés. Si nous ne vendons pas, à la fin, c’est nous qui payons l’addition…  

Vous n’avez pas peur d’irriter certains agents de voyages ?

Dirk Van Holsbeke : J’ai déjà eu plusieurs réunions avec des grands réseaux, ou des groupements d’agences, qui m’ont permis d’expliquer la vision de TUI France concernant la distribution. Et je pense que nous avons été compris. Nous voulons simplifier les relations avec la distribution. Chez TUI France, le commissionnement est le même, qu’il s’agisse d’une vente de 350 euros en dernière minute, ou d’un voyage à 3 000 euros. Le principe est donc simple : une agence qui fait X chiffre d’affaires saura à quel taux de commissionnement elle aura droit. A elle ensuite de juger si elle trouve intéressant ou non de travailler avec nous. Ce sont des points qui devront être négociés avec les têtes de réseaux, les groupements d’agence et les représentants des indépendants, mais nous devons élaborer un plan de croissance réaliste, et basé sur un principe gagnant-gagnant. Car nous saurons bien sûr stimuler les agences.

Par quels moyens ?

Dirk Van Holsbeke : Avec de l’incentive. Par exemple, nous voulons soutenir les agences qui voudraient augmenter leur total de clients avec TUI France. Si l’objectif de l’agence est de faire 30 000 clients avec nous, et qu’elle le réussit, elle aura une récompense financière. Si elle fait 35 000 clients, elle pourrait voir la même récompense + un bonus de 2 euros par clients supplémentaires. Cela peut rendre plus intéressant, pour une agence, de vendre plus de séjours en dernière minute par exemple. Nous avons des coûts qui sont engagés, et nous préférons utiliser cet argent pour stimuler la commercialisation de nos produits en récompensant les agences plutôt que de payer la facture des sièges et des lits non vendus. C’est ce genre de points que nous négocierons désormais avec tous nos partenaires dans la distribution. Avec toujours la même volonté de simplifier la relation. C’est aussi pour cela que nous proposerons désormais le même prix, pour un produit, peu importe le canal de distribution. Pendant longtemps, les agences se sont étonnées de voir un même produit vendu à un prix différent sur notre site B2C ou sur notre portail B2B. Désormais, le prix sera le même. Par ailleurs, nous arrêtons d’accorder des réductions trop importantes aux collectivités. Par exemple, nous offrions 9% de réductions aux clients de la FNAC et de la Macif. C’était beaucoup trop, pour que notre modèle économique soit encore viable. Nous leur avons proposé 5% de réduction, ce qu’ils ont refusé. Nous avons donc décidé d’arrêter de travailler avec ces collectivités. C’est autant de chiffre d’affaires à récupérer pour les agences de voyages. 

Qu’en est-il des TUI Stores ?

Dirk Van Holsbeke : Nous avons décidé d’abandonner l’idée de posséder nos propres agences de voyages. Les métiers de producteurs et de distributeurs sont différents, et nous devons nous concentrer sur notre savoir-faire. Ça va nous permettre de limiter les risques, d’être plus tranquilles pour la mise en place de cette nouvelle stratégie.  Nous, nous connaissons les attentes des clients pour leurs vacances. Mais nous ne connaissons pas l’individu. L’agence de voyages, elle, connaît l’individu. Il y a des milliers d’agences de voyages en France, et je suis sûr qu’en associant nos marques aux grandes marques de la distribution, nous pourrons atteindre notre objectif, qui est de faire de TUI France une entreprise à l’équilibre d’ici trois ans. Et avec l’ambition de continuer de grandir. Nous comptons notamment sur les mandataires pour y parvenir.

« Les agences doivent choisir de vendre nos produits »

Les agences mandataires ont un rôle dans votre nouvelle stratégie ?

Dirk Van Holsbeke : Absolument, car ce sont nos meilleurs vendeurs parmi les agences tiers. 85 à 90% de leurs ventes concernent des produits TUI France, leurs performances sont très élevées. Nous n’avons pas d’objectif à proprement parler, mais là où il y aura du potentiel, et un candidat, nous le soutiendrons. Aujourd’hui, nous nous appuyons sur 200 agences mandataires, dont 42 sont d’anciens TUI Stores (le groupe a cédé l’intégralité de ses 62 agences possédées en propre, NDLR). Nous pouvons espérer une trentaine de nouvelles agences mandataires, d’ici à trois ans. Mais nous respecterons toujours la situation locale. Par exemple, si une agence voisine réalise 1 million d’euros de chiffre d’affaires avec nous, nous n’allons évidemment pas ouvrir une agence mandataire dans sa zone de chalandise. Encore une fois, nous ne signerons que si le partenariat se révèle gagnant-gagnant.

Les agents de voyage sont donc toujours essentiels à l’activité de TUI France ?

Dirk Van Holsbeke : Et ils seront essentiels à la reprise. La pandémie de coronavirus donne l’occasion aux agents de montrer leur savoir-faire, et d’affirmer leur valeur ajoutée. Ce sont eux qui connaissent leurs clients, et qui pourront les inciter à la réservation et les aider à provoquer l’achat. Voyager, dans les mois qui viennent, sera sans doute source de nombreuses interrogations, à laquelle pourront répondre les agents de voyages. Cet épisode va permettre de redonner une place plus importante à l’agence de voyages.  

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