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ÉDITO. Compensation : l’usine à gaz des calculateurs de CO2

Les calculateurs des émissions de CO2 nous font perdre le nord… A quand une harmonisation ?

D’un calculateur en ligne à l’autre, les chiffres varient fortement, comme le montrait notre récent comparatif. Sur un vol Paris-Bangkok, l’Agence de la transition écologique (Ademe), qui fait souvent autorité au sein d’ATR et de TO engagés comme le groupe Voyageurs du Monde, compte par défaut 1465 kg équivalent CO2. La Direction générale de l’aviation civile (DGAC), 837,5 kg équivalent CO2. Air France, 703 kg. Et l’OACI, 389,7 kg CO2.

C’est un peu comme si, en fonction de la marque, des balances estimaient votre poids à 120kg, 70kg, 60kg… ou une trentaine de kg. Assez perturbant, il faut bien l’admettre. D’autant plus que l’Ademe et la DGAC sont des émanations du gouvernement, sous des ministères différents. Mais le premier prend en compte par défaut les traînées* dans son calculateur, pas le second. C’est ce qu’explique Marc Cottignies, ingénieur expert, service Transports et mobilité à l’Ademe.

Je remercie au passage ce grand virtuose du sujet, qui a patiemment répondu à mes questionnements pendant une heure. Mais j’avoue ne toujours pas comprendre pourquoi deux branches d’un même gouvernement ne tranchent pas sur ce point : exclure l’impact des traînées ou les intégrer, ce qui fait passer les chiffres du simple au double. Des chiffres qui permettent ensuite de mesurer l’empreinte carbone, de la réduire si possible, voire de l’absorber (ou de la « compenser »).

Sous-évaluation des acteurs dépendant de la filière aérienne ? Manque de maturité de tous les opérateurs sur le sujet ? Défaut de concertation et de précision (seule l’OACI propose le calcul différencié entre siège éco et siège premium) ? La critique est toujours facile. La bonne nouvelle, c’est que les choses semblent bouger. Un projet de norme est sur les rails, nous a informé Marc Cottignies, lequel planche dessus. L’Europe se penche également sur cette question.

De toute évidence, il faudra un jour que tous ceux qui promettent d’évaluer notre empreinte carbone au niveau des transports accordent leurs violons. Les divergences de chiffres vont tôt ou tard nourrir la critique. C’est du pain béni pour les détracteurs de l’absorption/compensation, notamment les écologistes jusqu’au-boutistes, prêts à taper sur la tête déjà bien cabossée de l’aérien.

Pourtant, le secteur de l’aérien a commencé sa transition écologique, bien avant la crise sanitaire. Y compris Air France. Mais acheter des avions moins énergivores, adopter des carburants de la filière durable, instaurer de nouvelles pratiques de pilotage… Toutes ces mesures prendront de nombreuses années, et exigeront des investissements lourds dans une industrie marquée au fer rouge par la pandémie.

En attendant, de nombreux Français comptent à terme voyager moins et « mieux ». Si certains troqueront l’avion pour le rail afin d’être plus vertueux, le train sous l’Atlantique n’est pas né… Or renoncer à faire du tourisme lointain n’est pas une option raisonnable. Voyager en Amérique, en Asie ou en Afrique peut répondre à des impératifs professionnels. Pour le loisir, il permet de s’ouvrir à d’autres cultures et de créer des emplois à destination. Il ne faut jamais oublier les vertus sociales, culturelles et économiques de l’industrie du voyage. Nous continuerons donc à prendre l’avion. Et pour toutes les émissions de CO2 incompressibles, le principe de l’absorption a de vraies vertus face au réchauffement climatique.

*Du fait que les avions volent à haute altitude, la combustion du kérosène crée des traînées et perturbe les cycles d’autres gaz à effet de serre que le CO2 (vapeur d’eau, eau condensée sous diverses formes, NOx et méthane).

PRECISION IMPORTANTE (publiée le 28 février) : Suite à nos échanges avec son ingénieur expert, service Transports et mobilité (et à la publication de cet article), l’Agence de la transition écologique (Ademe) nous a informés qu’elle avait modifié l’affichage des résultats par défaut, lesquels sont donc désormais alignés sur ceux de la DGAC. « La calculette Ademe a été améliorée afin de présenter par défaut les résultats des calculs pour les vols dans la version ‘sans prise en compte des trainées’, tout en laissant la possibilité de les faire apparaître en cochant la case après avoir cliqué sur le ‘?’ », nous a écrit l’Ademe. Pourtant, dans son rapport sur le bilan des émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme en France, publié en 2021, l’Ademe prend bel et bien en compte les traînées.

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