Comment Lastminute est tombée en disgrâce
L'agence en ligne Lastminute a grandi par voie d'acquisitions, avant d'entamer son déclin jusqu'à son rachat par Bravofly.
C'est en 1998 que Lastminute.com est sorti de terre, le 21 octobre pour être précis. Martha Lane Fox et Brent Hoberman, les deux cofondateurs, se positionnent sur le marché de la dernière minute des activités. Leur start-up distribue, pêle-mêle, des courts séjours, des locations de DVD et même des pizzas… Le site britannique bénéficie d'un accueil enthousiaste, de la part des médias comme des investisseurs. Nous sommes en pleine bulle, qui porte au nues les entreprises du Net, peu importe qu'elles perdent de l'argent.
De 2000 à 2004, Lastminute.com a soif de croissance : l'entreprise absorbe pas moins de 14 sociétés, dont le français Dégriftour pour 100 millions d'euros, et son petit cousin Travelprice pour 50 millions d'euros, sans oublier le loueur Holiday Autos. A l'issue de l'exercice 2003/2004, en partie plombé par sa politique de croissance externe, sa perte imposable atteint 110 millions d'euros, en hausse de 62% par rapport à l'exercice précédent. "Notre stratégie d'acquisitions nous a donné la taille nécessaire pour être concurrentiel en Europe, le coeur de notre marché, mais au prix de coûts supplémentaires importants", se défend alors son directeur général Brent Hoberman.
Une vente au rabais
Sur le papier, les rachats successifs doivent permettre des économies d'échelle et des "synergies de groupe". Dans les faits, le mille-feuille de technologies et de marques a ralenti la stratégie du groupe, et retardé son virage mobile. En outre, le changement de directeur général France, tous les deux ou trois ans, n'a sans doute pas facilité le quotidien des équipes. Lastminute finit par abandonner des pans entiers de son catalogue, faisant le deuil de son métier de producteur : les produits France sont désormais fournis par Travelfactory, les vols secs par Go Voyages, le loueur Holiday Autos est cédé à l’irlandais CarTrawler, les marques blanches sont abandonnées, tout comme les activités ainsi que la marque Degriftour, un temps pressentie pour des ventes privées. Au fil des années, l'OTA sacrifie ses points de différenciation face à une concurrence qui ne faiblit pas. Une concurrence venue des Etats-Unis, avec des poids lourds comme Expedia qui ont, eux, atteint une taille industrielle.
Finalement, la marque fuchsia est cédée pour seulement 96 millions d’euros au groupe suisse Bravofly par Sabre, qui l'avait achetée neuf fois plus cher en 2005 (850 millions d'euros). La vente aurait même été effectuée pour un euro symbolique, assure une source proche du dossier. Dans ce cas, les 96 millions d'euros – correspondant au montant du rachat de Dégriftour en 2000 – pourraient correspondre à la valeur du contrat GDS auquel s'engagent les marques de Bravofly Rumbo.
Une filiale française déficitaire
Lastminute France reste opaque au niveau de ses résultats financiers. Les bilans déclarés montrent, sur 10 années consécutives, 8 exercices déficitaires sous la marque Lastminute, et 5 sous Voyages sur Mesures. De telles pertes traduisent sans doute une stratégie d'optimisation fiscale : le groupe britannique a tout intérêt à charger la barque des filiales où la fiscalité s'avère la plus coûteuse, notamment en France.
S'agissant du chiffre d'affaires, qui comprend notamment les commissions empochées par l'agence en ligne, il a progressé jusqu'au montant de 19,7 millions d'euros 2007 pour la marque Lastminute, puis a diminué pour atteindre 12,1 millions d'euros en 2013. Il a augmenté jusqu'en 2006 sous la marque Voyages sur Mesures, avant de se tasser jusqu'en 2011, puis de se redresser en 2012 et 2013.
